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Les fonds d’investissement face à la règlementation de l’investissement socialement responsable et aux rapports locatifs

ESG et gestion immobilière, quels impacts sur les fonds ?

17/02/2022

L’investissement socialement responsable (ISR) est devenu un enjeu crucial pour les acteurs de la gestion financière, tant en raison de la demande des investisseurs que des normes qui leurs sont imposées.

ESG et gestion immobilière, quels impacts sur les fonds ?

Les acteurs de la gestion immobilière n’échappent pas à cette évolution lourde. Ils doivent désormais intégrer et publier nombre de facteurs liés à cette nouvelle démarche, que leur stratégie d’investissement soit ou non compatible avec les objectifs fixés d’amélioration de la durabilité. Par ailleurs, les gérants financiers immobiliers (« GFIA ») sont fortement incités par leurs investisseurs à adopter des stratégies engagées en matière d’environnement, social et gouvernance (ESG), ces derniers étant eux-mêmes soumis à de telles obligations et les GFIA perçus comme pouvant avoir un impact déterminant ou tout au moins plus évident dans ce domaine.

En effet, la particularité de la finance immobilière est que les fonds concernés ont un contrôle direct sur l’actif qu’ils détiennent à la différence des stratégies sur les autres classes d’actifs dans lesquelles le GFIA ne peut généralement qu’inciter la société dont il détient les titres à adopter une démarche plus responsable. C’est donc principalement sur le volet environnemental du triptyque ESG que ces gérants sont à même d’intervenir. Cela étant, les aspects sociaux et de gouvernance restent toutefois réellement pertinents, en particulier au travers de la stratégie de location adoptée pour les actifs.

Au niveau européen, la règlementation sur la finance durable s’appuie en premier lieu sur le Règlement (UE) 2020/852 dit « Règlement Taxonomie » dont l’objet est d’établir les critères permettant de déterminer si une activité économique est considérée comme durable au regard de six objectifs environnementaux :

– l’atténuation du changement climatique ;

– l’adaptation au changement climatique ;

– l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ;

– la transition vers une économie circulaire ;

– la prévention et la réduction de la pollution ; et

– la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Afin d’être considérée comme durable, une activité économique doit ainsi :

– contribuer substantiellement à au moins un des 6 objectifs environnementaux ;

– ne causer de préjudice significatif à aucun des 6 objectifs environnementaux sur l’ensemble du cycle de vie des produits et services de l’activité ; – être exercée dans le respect de normes minimales en matière sociale et de gouvernance ; et

– être conforme aux critères d’examen technique établis par la Commission européenne.

En second lieu, le règlement (UE) 2019/2088 dit « Règlement SFDR » impose aux acteurs financiers de communiquer sur les impacts de leur activité sur l’environnement tant en ce qui concerne leur activité propre que leurs produits. C’est ce texte qui a créé, rappelons-le, les trois catégories de fonds :

– les fonds ayant pour objectif l’investissement durable (dits fonds article 9) ;

– les fonds promouvant notamment des caractéristiques environnementales ou sociales (dits fonds article 8) ; et

– les autres pour lesquels SFDR ne requiert que des obligations « minimales » de transparence en matière de suivi du risque de durabilité (dit fonds article 6). Ce dernier texte a conduit l’Autorité des marchés financiers à édicter sa Position 2020-03 qui détaille les informations que les fonds d’investissement peuvent communiquer en lien avec la prise en compte de critères extra-financiers.

Enfin les GFIA étant soumis à la directive 2011/61/UE dite « directive AIFM », le règlement délégué (UE) 2021/1255 est venu modifier le règlement délégué (UE) 231/2013 pris en application d’AIFM afin que les GFIA tiennent compte des risques en matière de durabilité dans leur activité de gestion.

La relation avec les parties prenantes, au cœur de la démarche ESG

Toutefois, si les axes réglementaires induisent un biais pouvant conduire à considérer que seuls les aspects de pure performance environnementale n’ont d’importance dans le déploiement d’une stratégie immobilière durable, la relation avec les parties prenantes, et notamment les locataires, constitue bien une composante intégrale d’une démarche ESG dans ce secteur.

Au-delà des seuls critères de sélection des actifs fondés sur leur efficacité énergétique et leur faible impact en termes d’émission de gaz à effet de serre ou encore, des stratégies d’amélioration de la performance du parc du fonds, la relation avec le locataire constitue également un axe de politique ESG dans l’environnement règlementaire actuel.

Déjà, en 2016, l’Association française des sociétés de placement immobiliers1 avait identifié dans sa charte d’engagement en faveur de la gestion ISR en immobilier la dimension locative comme concourant au déploiement d’une stratégie d’investissement socialement responsable. La dimension locative d’une politique d’investissement responsable a depuis été reprise, notamment dans les référentiels ISR en date du 23 juillet 2020 décrivant les conditions à remplir pour les fonds souhaitant bénéficier de ce label.

Ainsi, en matière de location, l’approche ISR s’appuie principalement sur le bail vert intitulé en droit français l’« annexe environnementale » applicable aux baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux de plus de 2 000 m² à usage de bureaux ou de commerces, à l’exclusion des entrepôts et des bâtiments industriels. Il convient toutefois de souligner qu’en pratique, les bailleurs investisseurs institutionnels prévoient souvent l’insertion de cette annexe dans leurs baux quand bien elle ne serait pas obligatoire.

La législation relative à l’annexe environnementale impose trois séries d’obligations à la charge du bailleur et du locataire : la communication mutuelle des informations utiles relatives aux consommations énergétiques des locaux loués, la mise en place, selon la périodicité qu’ils fixent, d’un bilan de l’évolution de la performance énergétique et environnementale des locaux loués et l’engagement sur un programme visant à améliorer la performance énergétique et environnementale des locaux loués. Le locataire est également tenu d’une obligation spécifique permettant au bailleur l’accès aux locaux loués pour la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique.

Si les engagements relatifs à la communication d’informations sont essentiels au GFIA afin de collecter celles lui permettant de suivre et communiquer sur l’efficacité de sa stratégie en matière ISR, les autres aspects sont tout aussi importants.

En effet, le volet portant sur les obligations du preneur et les interactions avec le bailleur constitue un aspect notable de la mise en œuvre d’une stratégie ISR par les fonds immobiliers au regard des principes d’investissement responsable développés, en lien avec l’Organisation des Nations unies,2 par l’association du même nom (ci-après « APRI ») et déjà utilisés par l’INREV pour ses propres directives.

Ainsi, dans ses principes 12 à 14, l’APRI a développé un ensemble d’indicateurs en lien avec les relations entre preneurs et bailleurs et leurs engagements sur les enjeux ESG. Ces indicateurs traduisent une démarche pouvant être coercitive et incitative dans la prise en compte de l’ESG. Dans sa composante coercitive, l’APRI envisage le bail vert comme pouvant constituer le cadre fixant les obligations du preneur favorisant le développement durable au travers d’objectifs ESG spécifiques (par exemple concernant la gestion de l’énergie, des eaux usées et des déchets).

Dans sa composante incitative, les aspects de sensibilisation et de formation dédiées au développement durable à destination des occupants constituent un axe efficace pour démontrer, au titre de la politique ISR d’un fond immobilier, son engagement comme bailleur à l’égard de ses preneurs de favoriser une meilleure et plus grande prise en compte des enjeux ESG. Ainsi, la relation entre le fonds d’investissement bailleur et ses locataires apparaît bien comme un axe déterminant d’une stratégie ISR efficace.


1. ASPIM.

2. cf. INREV Guidelines: Custom Build

Article paru dans la Lettre de l'immobilier de février 2022


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