S’il va de soi qu’une autorisation de licenciement est systématiquement requise en cas de licenciement d’un salarié protégé, il n’est pas toujours aisé de déterminer si une telle autorisation s’impose lorsque le salarié vient de perdre sa protection ou est sur le point de la perdre.
Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 octobre 20191 permet de refaire le point.
Licenciement du salarié dont la protection prend fin postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement
Les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient d’une protection d’ordre public et exorbitante du droit commun contre le licenciement et ce, afin de les protéger contre d’éventuelles mesures de représailles de la part de leur employeur.
Cette protection impose à l’employeur de solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail avant de prononcer une telle mesure.
La Cour de cassation2 a étendu le champ de cette protection à tous les modes de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Si les textes indiquent avec précision l’identité des différents salariés bénéficiaires de cette protection, ils ne précisent pas la date à laquelle s’apprécie la qualité de salarié protégé qui impose de suivre la procédure spécifique de licenciement.
Dans l’arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation précise très clairement que « l’autorisation administrative de licenciement est requise lorsque le salarié bénéficie de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement ».
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’examen de la Haute Cour, un salarié élu délégué du personnel le 5 novembre 2009 a été convoqué le 28 avril 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé au 9 mai 2014. Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 15 mai 2014. La notification du licenciement est ainsi intervenue postérieurement au terme de la période de protection dont il bénéficiait au titre de son mandat (sa protection ayant pris fin le 5 mai 2014).
Les magistrats ont toutefois considéré que l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail pour licencier le salarié qui bénéficiait d’une protection à la date d’engagement de la procédure de licenciement, c’est-à-dire à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable.
Il s’agit d’une confirmation de la position de la Cour de cassation3 et du Conseil d’Etat4 en vertu desquelles il importe peu que la protection ait expiré antérieurement à la date de notification du licenciement si le salarié était toujours protégé à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable.
Cet arrêt apporte cependant des précisions utiles dans la mesure où certains des faits reprochés au salarié étaient postérieurs à sa période de protection.
A cet égard, la Cour de cassation juge qu’il est indifférent que le licenciement soit en partie fondé sur des faits commis postérieurement à la période de protection du salarié.
En synthèse, même si la protection du salarié expire postérieurement à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable, l’employeur est tenu de solliciter une autorisation de licenciement auprès de l’inspecteur du travail.
Licenciement du salarié ayant perdu le bénéfice de sa protection à la date d’engagement de la procédure pour des faits commis lorsqu’il était protégé
Il est donc nécessaire que les employeurs vérifient si le salarié à l’encontre duquel ils envisagent une procédure de licenciement bénéficie ou non d’une protection à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable.
Cette vérification n’est toutefois pas suffisante.
La jurisprudence fait en effet preuve d’un certain pragmatisme et exige que soit sollicitée une autorisation de licenciement pour un salarié ne bénéficiant plus d’une protection à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable si les faits qui lui sont reprochés ont été commis alors qu’il était encore protégé5.
A titre d’illustration, a été jugé nul un licenciement en date du 1er octobre 2010 suite à une convocation à entretien préalable adressée le 21 septembre 2010 alors que la protection de la salariée avait pris fin le 15 septembre 2010 et que les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis entre le 31 août et le 15 septembre 2010, soit pendant la période de protection de la salariée.
En effet, les magistrats s’assurent ainsi que l’employeur n’a pas cherché à se soustraire à la procédure de demande d’autorisation en différant volontairement la mise en œuvre de la procédure de licenciement postérieurement au terme de la période de protection du salarié6.
En synthèse, la prudence est mère de sûreté en matière de licenciement d’un salarié protégé dont la protection vient de prendre fin ou est sur le point de prendre fin.
En effet, un licenciement intervenant sans autorisation de l’inspecteur du travail peut avoir des conséquences graves en ce qu’il constitue une violation du statut protecteur du salarié et encourt la nullité (et peut conduire à la réintégration du salarié si ce dernier la sollicite).
1 Cass. Soc. 23 oct. 2019, n°18-16.057
2 Cass. Ch. Mixte 24 juin 1974, n°71-91.225, PERRIER
3 Cass. Soc. 26 mars 2013, n°11-27.964
4 Conseil d’Etat, 4e et 5e ch. réunies, 23 nov. 2016, n°392059
5 Voir en ce sens Cass. Soc. 23 nov. 2004, n°01-46.234
6 Cass. Soc. 13 juin 2019, n°17-24.160
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