Home / Actualités / Manquements contractuels dans un contrat de maste...

Manquements contractuels dans un contrat de master-franchise

L’appréciation du savoir-faire d’un franchiseur par la cour d’appel de Paris

02/12/2021

La Cour considère que le développement exponentiel d’un réseau de franchise par un master-franchisé suffit à lui seul à démontrer l’effectivité du savoir-faire qui lui a été transmis par le franchiseur (CA Paris, 23 juin 2021, n° 17/21699).

Les faits : la résiliation d’un contrat de master-franchise

Une société française ayant développé un réseau de franchise de cuisinistes sous enseigne « AVIVA » avait confié à un franchisé l’ouverture d’un magasin sous cette enseigne à Alger, puis dans d’autres villes d’Algérie aux termes de plusieurs contrats de franchise.

Pour faciliter l’exportation de sa franchise et de son savoir-faire sur l’ensemble du territoire algérien, le franchiseur avait ensuite conclu un contrat de master-franchise avec ce franchisé remplaçant les contrats précédents.

Se prévalant de graves manquements contractuels de son master-franchisé, le franchiseur lui avait notifié en mai 2014 la résiliation immédiate du contrat de master-franchise en application de sa clause résolutoire. Le franchiseur lui reprochait notamment d’avoir développé une activité concurrente par le truchement d’une nouvelle société, d’avoir omis de régulariser avec les juniors franchisés des contrats de franchise et de ne pas leur avoir communiqué de DIP.

Quelques mois après cette résiliation, ayant constaté l’appartenance de son ancien master-franchisé à un réseau de cuisinistes concurrent en violation de l’interdiction de non-affiliation contractuelle, le franchiseur avait assigné son ancien co-contractant devant le tribunal de commerce de Lyon pour faire constater la résiliation du contrat de master-franchise à ses torts exclusifs. Il souhaitait également le voir condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la résiliation anticipée du contrat et de la violation de l’obligation de non-affiliation.

A titre reconventionnel, le master-franchisé soutenait notamment que le contrat ayant pour objet la mise en œuvre d’une franchise rémunérée par des redevances n’était pas licite en Algérie et qu’il encourait de ce fait l’annulation. Le contrat litigieux encourait également le grief de nullité pour défaut de cause au motif, notamment, de l’absence de communication de DIP et de transmission d’un savoir-faire par le franchiseur.

En première instance, le tribunal de commerce de Lyon avait débouté le master-franchisé de l’ensemble de ses demandes en jugeant que les violations fréquentes par le master-franchisé des normes de développement et d’animation du réseau en Algérie constituaient des fautes graves justifiant à elles seules la résiliation du contrat de master-franchise à ses torts exclusifs. Le Tribunal l’avait ainsi condamné au paiement de dommages et intérêts au titre de ces manquements ainsi que de la violation de la clause de non-affiliation.

Le master-franchisé a alors interjeté appel du jugement devant la cour d’appel de Paris. Il demandait en particulier que soit :

  • prononcée la résolution du contrat aux torts exclusifs du franchiseur. Le master-franchisé arguait notamment d’un défaut de transmission de savoir-faire en contrepartie de la perception de redevances. Ce défaut de savoir-faire était selon le master-franchisé caractérisé par – entre autres arguments - l’absence de sélection des produits en fonction du marché ou de transmission d’une technique de vente spécialisée ;
  • constatée la rupture abusive et brutale du contrat par le franchiseur. A cet égard, il soutenait que l’absence de régularisation des contrats de franchise avec les juniors franchisés et de délivrance de DIP n’était pas fautive ; et
  • annulée la clause de non-affiliation visant l’ensemble du territoire algérien en ce qu’elle n’était pas proportionnée à la nécessité de protéger un savoir-faire substantiel et secret.

En appel, le franchiseur faisait de nouveau valoir que la résiliation du contrat de master-franchise n’avait pas été brutale et devait être prononcée aux torts exclusifs du master-franchisé compte tenu du défaut de signature des contrats de franchise et de l’absence de délivrance de l’information précontractuelle aux juniors franchisés. Enfin, le franchiseur opposait à son ancien master-franchisé la violation de son obligation de non-affiliation dans l’année suivant la résiliation du contrat les liant.

Parmi les différents sujets abordés dans cette affaire, la cour d’appel de Paris a été notamment conduite à apprécier la transmission ou non d’un savoir-faire du franchiseur au master-franchisé, élément essentiel de la relation de franchise.

Le développement du réseau de franchise démontre à lui seul l’effectivité du savoir-faire du franchiseur

Défini par le règlement européen n° 330/2010 applicable en l’espèce, comme "un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci" (art. 1.g.), le savoir-faire est l’élément essentiel et indispensable à l’existence d’une relation de franchise tant et si bien que la jurisprudence considère classiquement que lorsque le franchiseur ne transmet aucun savoir-faire spécifique à ses franchisés, le contrat de franchise est dépourvu de cause (Cass. com., 8 juin 2017, n°15-22.318 ; CA Paris, 9 janvier 2019, n° 16/214225 - sur ce deuxième arrêt, voir notre article "Nullité du contrat de franchise pour défaut de cause").

Le règlement européen précise ensuite que le caractère « substantiel » du savoir-faire signifie que celui-ci doit être "significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels".

L’appréciation par la cour d’appel de Paris de l’existence ou non d’un savoir-faire transmissible par le franchiseur à son master-franchisé revêtait donc une importance capitale.

Après avoir constaté que le savoir-faire était bien identifié puisque défini dans le contrat de master-franchise par une sélection de produits permettant de démocratiser la cuisine de qualité, un plan de communication annuel, une personnalisation des techniques de vente ou encore par un système informatique adapté aux techniques de vente, la Cour retient que "le développement du réseau dans le cadre du contrat litigieux, qui a permis de passer de 4 villes d’implantation à 14 villes, avec 5 magasins à Alger, démontre à soi seul l’effectivité du savoir-faire du franchiseur".

Aussi, pour la cour d’appel de Paris, le caractère substantiel du savoir-faire du franchiseur est démontré du seul fait du développement exponentiel du réseau de franchise par le master-franchisé.

Pour apprécier le caractère substantiel du savoir-faire, c’est à dire son caractère significatif et utile au franchisé, les tribunaux ont déjà eu l’occasion de considérer que les résultats comptables des franchisés du réseau constituaient un indice pertinent (CA Paris, 28 février 2018, n° 16/17642 ; CA Caen, 11 octobre 2018, n° 16/03875).

Dans cette affaire on relèvera également que la cour d’appel de Paris rappelle des solutions précédemment établies en matière de franchise :

  • le défaut de communication du DIP n’entraîne la nullité du contrat que s’il a causé un grief au franchisé (Cass. com., 14 juin 2005, n° 04-13.948 ; CA Paris, 13 février 2019, n° 16/20542) ;

la clause de non-affiliation est licite dès lors qu’elle est proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur. (Cass. com., 24 novembre 2009, n° 08-17.650 ; Cass. com., 31 janvier 2012, n° 11-11.071).


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

actualité droit commercial 330x220

Actualité du droit commercial

nous contacter 330x220

Nous contacter

Auteurs

Portrait deClaire Flatres
Claire Flatrès
Avocate
Paris