L'échange de marge initiale renforce la protection d'une partie à une transaction dérivée OTC non compensée centralement contre le risque de défaillance de sa contrepartie. L'obligation d'échange de marge initiale est mise en œuvre progressivement et l'ultime étape (Phase 6) sera lancée le 1er septembre 2022. De nombreux acteurs de dérivés (du buy-side essentiellement) sont concernés. L'International Swaps and Derivatives Association (ISDA) estime leur nombre à 775. Les entités concernées doivent s'atteler dès maintenant à la négociation de la documentation et anticiper la complexité juridique et opérationnelle liée à l'échange de marge initiale. Pour s'assurer que le marché applique l'obligation d'échange de marge initiale, les instances européennes projettent d'intensifier les contrôles au moyen d'un règlement délégué en cours d'élaboration.
L'article 11 du Règlement n°648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (EMIR) prévoit différentes techniques d'atténuation des risques systémiques liés aux dérivés non compensés en chambre de compensation. Depuis mars 2017, les parties à ces instruments financiers à terme doivent s'échanger de la marge de variation (Variation Margin). Il s'agit d'un collateral qui couvre le risque de fluctuation de la valeur de marché (marked-to-market) de la transaction dérivée tout au long de sa vie. En plus de cette marge de variation, EMIR prévoit un échange de marge initiale (Initial Margin) qui prend la forme d’un dépôt ségrégué auprès d’un dépositaire et qui ne peut être ni réutilisé ni réhypothéqué pendant toute la durée du dépôt. Cette marge initiale constitue une sur-collatéralisation, qui permet de couvrir la partie non-défaillante contre la fluctuation des dérivés en cas de défaut de l’autre partie pendant le temps nécessaire pour liquider les positions ou les remplacer. Cette obligation d'échange de marge initiale est difficile à mettre en œuvre. Son entrée en vigueur a donc été étalée dans le temps, selon un calendrier en six phases, afin de laisser au marché le temps de s'y conformer. Elle a naturellement été appliquée en priorité aux plus gros acteurs.
Tandis que les phases 1 à 5 du calendrier sont déjà effectives, la phase 6 entrera en vigueur le 1er septembre 2022. Elle concerne les entités appartenant à un groupe dont le montant notionnel moyen agrégé ("aggregate average notional amount" ou "AANA") de dérivés non compensés centralement dépasse le seuil de 8 milliards d’euros. Cette moyenne est établie en prenant en compte les montants notionnels bruts des dérivés non compensés enregistrés le dernier jour ouvrable des mois de mars, avril et mai 2021. Sont exclus du calcul les contrats d'échange et les contrats à terme de devises à dénouement physique. Les groupes dont le montant notionnel moyen agrégé est inférieur à 8 milliards d’euros seront donc dispensés de l’obligation d’échange de la marge initiale le 1er septembre 2022.
Tant que le montant de marge initiale estimé entre deux parties ne dépasse pas 50 millions d'euros, celles-ci sont dispensées de négocier des contrats, à charge pour elles de surveiller en continu que cette marge initiale estimée reste en deçà de ce seuil. Afin de faciliter le calcul de la marge initiale, l'ISDA a mis à la disposition du marché une méthode facultative de calcul appelée "modèle de marge initiale standard" ("Standard Inital Margin Model" ou "SIMM"), mais les parties peuvent choisir d'utiliser un autre modèle. Au-delà de ce seuil de 50 millions d'euros, les parties doivent négocier entre elles et avec le ou les dépositaires une série de contrats. A cette fin, les parties pourront choisir entre l'arsenal contractuel publié par la Fédération bancaire française (le 2016 Master Pledge Agreement et ses annexes, dans l'attente d'un nouveau modèle de contrat à paraître) et celui de l'ISDA (Collateral Transfer Agreements et Security Agreements).
Article paru dans Option Finance le 24/01/2020
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