Home / Actualités / Négociation sur l'égalité professionnelle 

Négociation sur l'égalité professionnelle 

précisions sur les informations à transmettre obligatoirement aux organisations syndicales

14/06/2019

À l'occasion de la négociation obligatoire relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'employeur doit communiquer aux organisations syndicales l'ensemble des indicateurs rendus obligatoires par la loi mais également les indicateurs pertinents développés en interne. C'est ce que décide la cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu le 23 mai 2019 (n° 18/24253).

Les entreprises dotées d'une section syndicale représentative ont l'obligation de négocier chaque année sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en particulier sur les objectifs et les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et sur la qualité de vie au travail. L'article L.2242-17 du Code du travail précise à cet égard que la négociation s'appuie sur les données figurant dans la base de données économiques et sociales (BDES).

En l'espèce, les organisations syndicales estimaient que les informations transmises par l'employeur étaient insuffisantes pour qu'elles puissent négocier en toute connaissance de cause. Elles ont donc saisi le Tribunal de grande instance, en référé, afin que leur soit transmise la totalité des indicateurs rendus obligatoires par les dispositions légales et réglementaires ainsi que ceux développés en interne par l'entreprise.

Compétence du juge des référés pour ordonner la communication des informations manquantes

Pour la première fois à notre connaissance s'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la Cour d’appel décide que le juge des référés peut être saisi en cours de négociation en vue de contraindre l'employeur à communiquer aux organisations syndicales les éléments de nature à assurer leur information complète. Elle retient en effet que la compétence du juge des référés ne se limite pas à la procédure d'information-consultation du comité social et économique (CSE) et que le non-respect de l'obligation de communiquer les informations définies par le Code du travail, dans le cadre de la négociation collective, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie sa compétence, même si les textes relatifs à l'égalité professionnelle ne la prévoient pas.

La Cour précise à cet égard que la compétence du juge ne peut être limitée au seul contrôle de la régularité formelle du déroulement de la négociation. Son intervention est donc justifiée lorsque les éléments d'information sont incomplets ou non conformes. Elle ajoute que "la communication de données conformes aux textes permet d'assurer l’information complète des organisations syndicales ainsi que la régularité de l’accord à venir ce qui motive l’intervention du juge des référés".

Étendue de l'obligation d'information des organisations syndicales

Considérant que les informations figurant dans la BDES portent sur l'année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu'elles peuvent être envisagées, sur les trois années à venir (C. trav., art. R.2312-10), la Cour d'appel fait droit à la demande des organisations syndicales visant à ce que leur soient communiqués les éléments concernant les années 2016, 2017 et 2018 et le cas échéant, le prévisionnel 2019 à 2021 inclus.

S'agissant du contenu des indicateurs qui doivent être communiqués, la Cour d'appel décide que :

  • la totalité des indicateurs énumérés à l’article R.2312-9 du Code du travail doit, s'agissant d’une entreprise d'au moins 300 salariés, être communiquée aux organisations syndicales (données chiffrées par sexe relatives à la répartition des effectifs, durée entre deux promotions, rémunération moyenne ou médiane mensuelle, formation, conditions de travail, etc.). Logiquement, la demande de communication des données concernant les membres du comité de direction a été rejetée puisque cet indicateur ne figure pas dans cette énumération ;
  • les indicateurs catégoriels, déclinés par métier ou échelon, conformément à la grille de positionnement interne mise en place dans l'entreprise ;
  • ces informations doivent être communiquées pour la totalité des effectifs présents au 31 décembre de l’année concernée, y compris pour les salariés en absence de longue durée, et doivent inclure les rémunérations fixes et variables effectives.

Par cette décision, la Cour d'appel enjoint donc à l'entreprise de communiquer, sous astreinte, aux organisations syndicales, non seulement les indicateurs prévus par la loi, mais également les indicateurs catégoriels, développés en interne et dont la mise en place n'est pas légalement obligatoire. La portée de l'arrêt mériterait d'être confirmée sur ce dernier point dans la mesure où, si la décision est formelle quant à l'obligation de communication de ces éléments, elle n'est aucunement motivée.

L'entreprise ayant d'ores et déjà fait connaître son intention de se pourvoir en cassation, il faudra attendre que la Cour de cassation se prononce sur l'analyse du juge du fond.

En tout état de cause, rappelons que l'ordonnance n° 2017-1686 du 22 septembre 2017 autorise désormais les entreprises à adapter, par accord collectif majoritaire conclu avec les délégués syndicaux ou, en leur absence, par accord conclu avec le CSE adopté à la majorité de ses membres titulaires, l'organisation, l'architecture et le contenu de la BDES (C. trav., art. L.2312-21). Selon toute vraisemblance, en présence d'un tel accord, seuls les indicateurs négociés devront être communiqués aux organisations syndicales lors des réunions de négociation.


En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

A propos de notre cabinet d'avocats

expertise droit du travail - employment law 330x220

Expertise : Droit du travail et protection sociale

Expertise : Relations avec les représentants du personnel et négociation collective