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Préjudice d’anxiété : ouverture à tout salarié exposé à des substances nocives ou toxiques

Réparation du préjudice à tout salarié exposé à d’autres substances que l’amiante

04/10/2019

Suite au revirement de jurisprudence opéré par l’Assemblée plénière le 5 avril 2019, qui a élargi la réparation du préjudice d’anxiété à tous les salariés exposés à l’amiante, y compris ceux qui ont travaillé pour un employeur dont l’établissement en cause n’est pas inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l’Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), la Chambre sociale étend, comme on pouvait s’y attendre, la possibilité d’obtenir réparation de ce préjudice à tout salarié exposé à d’autres substances que l’amiante.

Une extension prévisible du droit à la réparation

En effet, dans la mesure où le pas avait été franchi de ne plus adosser le droit à la réparation du préjudice d’anxiété aux seuls salariés remplissant les conditions posées par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, il n’y avait plus de raison, s’agissant de l’application des règles du droit commun de la responsabilité civile, de limiter le droit à réparation de ce préjudice aux seuls salariés exposés à l’amiante.

C’est dans ce contexte que, par un arrêt du 11 septembre 2019 (pourvoi n°17-24879), la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes leurs dispositions les arrêts rendus, le 7 juillet 2017, par la cour d’appel de METZ. Elle avait débouté plus de 700 mineurs de leurs demandes relatives au préjudice d’anxiété et au manquement à l’obligation de sécurité du fait de leur exposition à diverses substances cancérogènes.

Au visa des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail, la Cour pose le principe selon lequel « en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité ».

L’extension du droit à la réparation du préjudice d’anxiété, si elle était prévisible, apparaît particulièrement large au regard des termes employés par la Cour de cassation.

En effet, la référence à une exposition à des substances « nocives ou toxiques » qui, selon la Cour, ouvre droit à réparation, ne semble pas recouvrir uniquement les substances cancérogènes, mutagènes et repro-toxiques (CMR) ainsi que les agents chimiques dangereux (ACD) qui avaient le mérite d’être identifiés.  

De même, les notions de « risque élevé » et de « pathologie grave », celle-ci n’impliquant pas inéluctablement une issue mortelle, nécessiteraient également d’être déterminées.

Il reviendra aux juridictions du fond de préciser ces différentes notions.

Des conditions probatoires strictes

Si, sur le principe, tout salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique identifiée (benzène, poussières de silice, de bois, rayonnements ionisants, hydrocarbures, produits bitumeux, plomb, éthers de glycol,etc.) peut engager la responsabilité de son employeur, les conditions dans lesquelles cette responsabilité peut être mise en jeu apparaissent, a priori, strictes.

Après avoir démontré que son action n’est pas prescrite, c’est en effet sur lui que pèse la charge de la preuve :

  • de son exposition à une substance nocive ou toxique, laquelle sera plus ou moins aisée à rapporter selon la substance en cause ;
  • du risque élevé de développer une pathologie grave ce qui, selon l’évolution des connaissances scientifiques et médicales, pourra être délicat à établir ;
  • de l’anxiété qui en résulte, laquelle doit être personnellement ressentie  et ne peut raisonnablement résulter que d’un constat médical.

Afin d’échapper à toute condamnation, il est admis que l’employeur peut alors rapporter la preuve qu’il n’a pas manqué à son obligation de sécurité.

L’arrêt expose, en effet, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour (Assemblée plénière 5 avril 2019 et Chambre sociale 25 novembre 2015) que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles 4121-1 et 4121-2 du Code du Travail.

Aux cas d’espèce, la Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel, dont les arrêts sont pourtant motivés, s’est déterminée par des motifs insuffisants à établir que l’employeur démontrait qu’il avait effectivement mis en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs telles que prévues aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code de travail (les demandeurs faisaient notamment état de l’absence de masques à poussières, de l’absence de système efficace et fonctionnel d’évacuation des poussières).

La Haute-juridiction a donc renvoyé les affaires, pour être fait droit, devant la cour d’appel de DOUAI. 

Si on peut saluer l’absence de référence désormais à une obligation de sécurité de résultat - notion créée artificiellement par des arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 28 février 2002 rendus en matière de faute inexcusable – au profit d’une obligation de moyens renforcée, la preuve individuelle et concrète qui pèse sur l’employeur sera cependant difficile à rapporter, s’agissant d’expositions souvent anciennes.

Dans ce contexte, les questions relatives au délai de prescription applicable et au point de départ de ce délai seront déterminantes.

Si, pour les salariés exposés à l’amiante et remplissant les conditions posées par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la jurisprudence a artificiellement fixé le point de départ à la date de publication de l’arrêté ministériel d’inscription de l’entreprise sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’ACAATA, il reviendra aux juridictions, à défaut d’une telle inscription, de fixer la date du point de départ de ce délai. 

Au-delà des enjeux liés aux expositions passées, les employeurs doivent désormais préparer l’avenir. 

A cet égard, la conservation des preuves relatives aux modalités de suivi des expositions, à la délivrance d’attestations d’exposition et des mesures de sécurité mises en œuvre, doit faire l’objet de la plus grande vigilance de la part des employeurs.

L’élargissement du droit à la réparation du préjudice d’anxiété à tous les risques semble, en effet, ouvrir le champ à un nouveau contentieux dont il appartiendra aux juridictions de définir les contours.


Préjudice d'anxiété

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Elodie Bossuot-Quin
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