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Quand l’UE s’affranchît des seuils de contrôle des concentrations !

Des opérations n’atteignant ni les seuils européens, ni les seuils nationaux pourraient être contrôlées à l’échelon européen

25/05/2021

Les opérations de concentration sont soumises au contrôle de la Commission européenne ou des autorités de concurrence nationales (ANC) lorsque certains seuils de notification généralement fondés sur le chiffre d’affaires sont atteints. A l’avenir, des opérations n’atteignant ni les seuils européens, ni les seuils nationaux pourraient être contrôlées à l’échelon européen.

Les enjeux contemporains

L’article 22 du règlement 139/2004 relatif au contrôle des concentrations autorise un ou plusieurs États membres (EM) à demander à la Commission d'examiner toute concentration qui, sans être de dimension communautaire, affecte le commerce entre EM et menace d'affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États concernés (§1). La Commission peut elle aussi considérer qu'une concentration répond à ces critères et inviter le ou les EM concernés à lui présenter une demande de renvoi (§5).

Après avoir découragé ces demandes, la Commission a décidé de changer radicalement d’approche face aux enjeux contemporains. Comme annoncé en septembre 2020, elle souhaite pouvoir appréhender - sans devoir en passer par une modification des seuils de contrôle actuels - des concentrations impliquant des entreprises qui jouent ou sont susceptibles de jouer un rôle concurrentiel important sur le marché alors qu’elles génèrent peu ou pas de chiffre d’affaires lors de leur réalisation. Sont ainsi tout particulièrement visées, les opérations réalisées dans le secteur de l’économie numérique et le secteur pharmaceutique.

Afin de renforcer la prévisibilité et la sécurité juridique d’une application élargie du mécanisme de renvoi, la Commission a publié le 31 mars 2021 des orientations pratiques concernant son approche en la matière. Complétant la communication générale de 2005 sur les renvois d’affaires, ce guide précise, à côté d’aspects procéduraux sur lesquels nous ne nous arrêterons pas ici, les critères et facteurs pris en considération pour encourager ou accepter les renvois d’opérations non notifiables.

Les critères juridiques et autres facteurs du renvoi

L’opération doit d’abord affecter le commerce entre EM, c’est-à-dire être susceptible d’avoir une influence, directe ou indirecte, réelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre EM. A ce titre, peuvent entrer en ligne de compte la localisation des clients potentiels, la disponibilité et l’offre des produits ou services en cause, la collecte de données dans plusieurs EM ou le développement et la mise en œuvre de projets de R&D dont les résultats pourraient être commercialisés dans plus d’un EM.

L’opération doit ensuite menacer d’affecter significativement la concurrence sur le territoire du ou des EM concernés. L’État requérant devra démontrer un risque réel d’effets néfastes significatifs sur la concurrence, justifiant un examen approfondi de l’opération. Pour cela, pourront être pris en considération : la création ou le renforcement d’une position dominante d’une des entreprises concernées ; l’élimination d’une force concurrentielle importante, y compris l’élimination d’un arrivant récent ou futur ou la concentration de deux entreprises innovantes importantes ; les barrières à l’entrée ; etc.

Le mécanisme de renvoi vise les opérations concernant au moins une entreprise dont le chiffre d’affaires ne reflète pas le potentiel concurrentiel réel ou futur. Cela inclut les concentrations intéressant notamment : une jeune pousse ou un nouvel arrivant au potentiel concurrentiel substantiel ; un innovateur important ou une entreprise menant des recherches potentiellement importantes ; une entreprise exerçant une pression concurrentielle même potentielle importante ; une entreprise ayant accès à des actifs concurrentiels importants (matières premières, infrastructures, données ou droits de propriété intellectuelle, etc.) ; un fournisseur d’intrants/composants clés pour d’autres secteurs industriels. La Commission peut aussi tenir compte de la valeur de la contrepartie reçue par le vendeur par rapport au chiffre d’affaires actuel de l’entreprise cible.

A noter que si une opération de concentration peut faire l’objet d’une demande de renvoi post-closing (art. 22 §4), la Commission précise que, sauf potentiels problèmes de concurrence et effets préjudiciables sur les consommateurs d’ampleur, le renvoi sera considéré comme inopportun six mois après la réalisation de l’opération (ou sa connaissance dans l’UE).

Un renvoi déjà opérationnel

Sans attendre la publication officielle de ces orientations, l’Autorité de la concurrence a saisi le 9 mars dernier la Commission - sur invitation de cette dernière - d’une demande d’examen de l’acquisition de la société Grail (start-up américaine de biotechnologie, développeur d’un test sanguin de dépistage du cancer) par la société Illumina (société américaine numéro un mondial du séquençage génétique). Le 20 avril, la Commission a accepté cette demande, à laquelle s’étaient joints plusieurs EM (Belgique, Grèce, Islande, Pays-Bas, Norvège), estimant l’opération susceptible d’avoir des effets sensibles sur la concurrence intra-UE dans le secteur des tests de dépistage du cancer. Parallèlement, la Federal Trade Commission a demande au juge américain la suspension de la réalisation de l’opération craignant qu’Illumina soit en mesure d’empêcher ou de retarder le développement de produits concurrents de ceux de Grail.

Soulignons qu’entre-temps, le Conseil d’Etat a décliné sa compétence pour connaître d’une contestation dirigée contre la demande de renvoi de l’ADLC, cette demande n’étant pas détachable de la procédure d’examen de l’opération non notifiable menée par la Commission sous le contrôle de la CJUE (ordonnance du 1er avril 2021 n° 450878).

Article paru dans Option finance le 26/04/2021


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