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Quelle renégociation des conventions, dans l’attente de la prochaine recommandation de la CEPC ?

Comment anticiper la sortie de crise

04/06/2020

Est annoncée une réflexion sous l’égide de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC), qui porterait sur des bonnes pratiques dans les relations fournisseurs-distributeurs à l’occasion de la sortie de crise sanitaire. Cette initiative doit être saluée et soutenue.

En effet, rares sont les catégories de produits qui n’ont pas connu, depuis quelques semaines, une profonde perturbation dans leur distribution. Rares sont aussi les plans d’affaires tout juste arrêtés qui n’ont pas été bouleversés par la mise en œuvre des mesures sanitaires et les effets du confinement. Des discussions pourraient se tenir entre acteurs afin d’adapter le prix convenu ou les plans d’affaires à la réalité nouvelle. Quels principes devront être mobilisés au cours de ces renégociations ? Quels pourraient être le champ et l’axe de ces renégociations ?

Les principes mobilisés en vue de ces renégociations

La faculté de renégocier la convention annuelle ne fait guère de doute. Elle résulte aujourd’hui des dispositions de l’article L.441-3 du Code de commerce qui énonce : "Sans préjudice des articles L.442-1 à L.442-3, tout avenant à la convention […] fait l'objet d'un écrit qui mentionne l'élément nouveau le justifiant."

Cette faculté de renégocier, apparue dès la circulaire Dutreil du 8 décembre 2005, est toutefois encadrée au gré des positions régulièrement formulées par la CEPC (avis du 22 décembre 2008), l’Administration (note d’information du 22 octobre 2014) ou encore le juge (par ex. CA Paris, 16 mai 2018). Ainsi :

  • une justification doit être apportée par les parties ;
  • l’équilibre commercial ou l’économie générale de la convention doivent être préservés.

Dans les circonstances actuelles, l’élément justifiant la renégociation ne devrait pas poser difficulté dès lors que la crise Covid-19 aura bouleversé la relation commerciale et mis à bas, tout ou partie du plan d’affaires dessiné par les parties à la date de signature de la convention.

Dans des circonstances plus classiques, la préservation de l’équilibre ou de l’économie générale du contrat constitue la limite posée aux discussions en cours d’année. Aujourd’hui, au regard des bouleversements constatés, préserver cet équilibre ou cette économie pourrait bel et bien apparaître moins comme la limite, que comme le motif de la renégociation. En présence d’un chiffre d’affaires manifestement éloigné des prévisions ou d’une impossibilité de fait pour le distributeur de respecter les engagements pris en contrepartie de la dégradation tarifaire convenue, les prochaines discussions ne connaîtront plus pour limite un équilibre ou une économie perdus de fait.

Mais, au-delà de ces deux considérations, les parties veilleront à respecter les stipulations contractuelles visant l’adaptation de leur accord ainsi que les principes légaux tenant aux modalités selon lesquelles elles initieront et mèneront leurs discussions. Là résideront probablement les marqueurs de ces négociations atypiques. Ces fondements sont ceux posés par l’article L.442-1 du Code de commerce, précisément ses deux dispositions-chapeaux issues de la récente réforme, celles qui appellent la sanction de toute pratique visant à :

  • obtenir ou tenter d’obtenir un avantage sans contrepartie ou une contrepartie manifestement disproportionnée ;
  • soumettre ou tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif.

« S’il est admis que la modification substantielle du contexte puisse justifier la remise en cause des conditions financières négociées dans la convention annuelle, encore faut-il que ces conditions aient été réellement discutées et négociées entre les parties et non imposées unilatéralement », nous rappelle la cour d’appel de Paris.

Les dispositions du droit des pratiques restrictives de concurrence encadreront donc nécessairement les prochaines discussions. Elles pourraient être opposées à la partie qui refuserait une telle discussion en présence pourtant d’un nécessaire rééquilibrage de l’économie de la convention, comme elles sont d’ailleurs invoquées en cas de variation manifeste des cours de matières premières...

Enfin, l’article L.442-3 du Code de commerce qui prohibe la rétroactivité des accords devra être ménagé, malgré la difficulté d’adapter une convention annuelle pour le seul avenir (quid des engagements initiaux qui n’auront pas été tenus ?) en présence de modalités de calcul des avantages différés sur la base du chiffre d’affaires annuel.

Les deux options en vue de retrouver l’équilibre et l’économie de la relation commerciale

Au-delà des discussions habituelles qui résultent de motifs généralement liés au cours des matières premières ou à la modification des budgets promotionnels, les parties pourraient donc être amenées à travailler ensemble au retour à l’équilibre et à l’économie de leur relation commerciale tels que projetés initialement. Cet objectif pourrait être retenu par la CEPC dans sa prochaine recommandation.

A ce titre, les interprétations seront probablement nombreuses pour appréhender ce que recouvrent ces notions d’équilibre ou d’économie de la relation commerciale.

L’adaptation de la convention en vue de maintenir le " prix convenu" :

Une première piste consistera à préserver l’accord acquis et précisément la stabilité du "prix convenu" (cad du prix 3xnet). Cette notion est devenue centrale dans la construction de la convention récapitulative et du plan d’affaires, notamment lorsque les produits relèvent de la catégorie des PGC soumis aux dispositions de l’article L.441-4 du Code de commerce. Dans cette hypothèse, les parties travailleront ensemble à adapter les contreparties justifiant l’allocation globale des avantages économiques à l’acheteur.

Cette première démarche apparaît la plus directe : la négociation initiale a abouti à la fixation d’un "prix convenu", lequel est par principe fixé pour la durée de la convention récapitulative. La re-discussion inviterait les parties à tout mettre en œuvre pour adapter les contreparties initialement convenues, qu’elles soient associées à des réductions de prix ou à des budgets de services. Les budgets de coopération commerciale seraient ainsi maintenus moyennant une adaptation des prestations dans leur nature ou leur calendrier. Les engagements pris en termes d’assortiment seraient également adaptés aux circonstances subies et prochaines. Les éventuelles ristournes quantitatives pourraient enfin être adaptées selon le principe du prorata temporis ou au regard du nouveau chiffre d’affaires prévisionnel…

Cette première approche de l’équilibre et de l’économie de la relation apparaît cependant décorrélée du chiffre d’affaires, indifférente à l’écart parfois manifeste entre le chiffre d’affaires prévisionnel actualisé et celui qui avait été initialement considéré par les parties et, le cas échéant visé dans la convention.

Or, les parties à la convention annuelle n’ont-elles pas bâti l’équilibre de leur accord sur la base de ce chiffre d’affaires prévisionnel, lequel aujourd’hui pourrait s’avérer totalement bouleversé ? En présence d’un écart manifeste, le "prix convenu" ne doit-il pas être de nouveau discuté pour prendre en compte cette réalité ?

L’adaptation approfondie de l’accord aux perspectives nouvelles de la relation commerciale

Une autre approche pourrait prendre en compte le bouleversement de l’économie de la relation imaginée par les parties au 1er mars 2020, au-delà de la notion du "prix convenu" qui ne serait plus sanctuarisée.

Cette autre approche consisterait à s’affranchir du contenu de l‘accord initial, en considérant que cette économie et cet équilibre initialement définis ont déjà été bouleversés par les circonstances, que le "prix convenu" ne serait plus totalement pertinent en présence d’un écart majeur entre les chiffres d’affaires prévisionnels, initial et actualisé, que les engagements initiaux qui n’ont pu être tenus du fait des circonstances devraient être adaptés aux nouvelles circonstances et à l’avenir de la relation.

Cette approche porterait en elle les germes d’une négociation plus ouverte : des divergences profondes pourraient apparaître, eu égard aux aspirations individuelles et à la divergence des intérêts. Chaque partie pourrait alors mettre en exergue l’impact économique résultant de la chute significative de son chiffre d’affaires pour tenter d’obtenir une révision du "prix convenu" et la réécriture des engagements réciproques devenus impossibles à tenir. Sur la base de l’accord initial, les réductions de prix qualitatives ou quantitatives ainsi que les budgets de services seraient adaptés aux nouvelles circonstances et aux projections.

En définitive, l’une ou l’autre de ces approches sont susceptibles d’être retenues par les parties. La première tend à adapter l’accord à la réalité de la relation commerciale dans le respect du "prix convenu". La seconde prend toute la mesure de l’économie de la relation et intègre l’éventuelle nécessité de prendre acte d’un équilibre perdu et de bâtir un nouvel accord pour l’avenir.

Quelle que soit l’approche retenue, les parties devront privilégier le travail collaboratif, en identifiant au global et poste par poste dans quelle mesure leur plan d’affaires doit être adapté aux circonstances nouvelles. C’est bien cette approche collaborative, nourrie de propositions puis d’engagements équilibrés qui sera le socle de confiance nécessaire à la relation future. D’ailleurs, l’avenant prendra utilement en compte l’ensemble des sujets de divergence, au-delà du plan d’affaires, concernant notamment les pénalités ou encore les engagements minimaux en termes de budget sous mandat NIP.

Sur ce sujet encore, le droit et la stratégie de négociation chère à Laurent Plantevin convergeront : « 1- La finalité d’une négociation est bien d’aboutir à un accord stable entre les parties, leur permettant de revenir à un état de concorde assurant leur sécurité et leur pérennité. 2- la négociation est une stratégie vertueuse permettant aux parties de résoudre pacifiquement leurs divergences. »

Puisse la réflexion engagée sous l’égide de la CEPC, aboutir à une recommandation qui éclaire les parties et encadre ces prochaines renégociations !


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