Home / Actualités / Quid de la validité de l’application de nouvelles...

Quid de la validité de l’application de nouvelles CGV sans le consentement du cocontractant ?

La CEPC donne son avis

09/12/2020

Interrogée sur la licéité de l’application de nouvelles conditions générales de vente (CGV), notamment d’une nouvelle durée contractuelle, sans le consentement exprès du cocontractant, la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) estime que cette application peut résulter, dans certains cas, d’une acceptation implicite (avis n° 20-5 du 7 octobre 2020).

Les circonstances de la saisine : un désaccord sur la version des CGV à appliquer

Un contrat de location/entretien de linge professionnel avait été conclu en 2011 pour une période initiale de quatre ans, renouvelable par tacite reconduction par périodes successives de la même durée, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties au plus tard six mois avant l’échéance. Ce contrat avait été renouvelé en 2015, soit jusqu’en 2019.

En 2016, le prestataire avait transmis par courrier à son client de nouvelles CGV prévoyant, à propos de la durée du contrat, qu’"il est conclu pour une période initiale de quatre ans […]. Il se renouvelle ensuite par tacite reconduction pour une période d’une durée d’un an sauf dénonciation expresse […] au plus tard trois mois avant l’expiration de la période initiale".

Le courrier indiquait par ailleurs :

  • d’une part, que "les évolutions contractuelles principales concernent le renouvellement du contrat qui, à l’issue d’une période de quarante-huit mois, s’effectuera pour une période de douze mois, sauf résiliation préalable ; seule la signature des nouvelles conditions générales pourra entraîner une nouvelle période contractuelle de 48 mois" ;
  • d’autre part, que les nouvelles conditions générales s’appliqueraient à la relation commerciale dès le prochain renouvellement du contrat en cours, à moins que le client n’ait indiqué par écrit qu’il ne souhaitait pas en bénéficier. Le client pouvait également opter pour une application immédiate des nouvelles dispositions.

Le client n’avait alors ni refusé l’application des nouvelles conditions, ni opté pour leur application immédiate.

Après le renouvellement intervenu en 2019, le client avait fait part de son souhait de résilier le contrat à sa prochaine échéance, soit selon lui en 2020. Le prestataire avait refusé de prendre en compte cette demande estimant que l’échéance était en 2023 dans la mesure où le client n’avait pas manifesté par écrit son intention de ne pas bénéficier de l’application des nouvelles conditions contractuelles ; celles-ci s’appliquaient donc automatiquement lors du renouvellement de 2019 pour une nouvelle durée contractuelle initiale de 4 ans.

Saisie pour avis par un syndicat professionnel, la CEPC s’est prononcée sur les conditions de résiliation de ce contrat.

La position de la CEPC : la reconnaissance d’une acceptation implicite des CGV et leur nécessaire interprétation

Tout d’abord, la CEPC considère qu’il résulte, tant de la jurisprudence antérieure à la réforme du droit des contrat de 2016 que des articles 1119 ("Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées…") et 1120 ("Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières") nouveaux du Code civil, que le client peut être considéré, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme avoir accepté implicitement les nouvelles CGV, lesquelles sont donc applicables au contrat renouvelé en 2019. A défaut d’avoir usé de la faculté offerte par le prestataire de refuser le bénéfice des nouvelles conditions générales, le client est ainsi supposé les avoir implicitement acceptées.

Ce point acquis, restait ensuite pour la CEPC à se prononcer sur la durée pour laquelle le contrat avait été renouvelé en 2019 et le moment à partir duquel il pouvait donc être résilié.

A cet égard, la CEPC relève qu’il est permis de s’interroger, au regard tant du contenu de la clause des nouvelles CGV relative à la durée de quatre ans du contrat initial que du courrier accompagnant celles-ci, sur le point de savoir si cette durée de quatre ans concerne le tout premier contrat conclu entre les parties ou celui auquel s’appliquent les nouvelles conditions générales.

Constatant qu’il existe ainsi un doute sur la compréhension de cette clause, la CEPC fait appel aux règles d’interprétation issues de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats applicables au contrat renouvelé en 2019.

Le nouveau contrat appartenant, selon elle, à la catégorie des contrats d’adhésion, tels que définis à l’article 1110 alinéa 2 du Code civil puisqu’il "comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties", la CEPC suit donc la règle d’interprétation de l’article 1190 du Code civil en vertu de laquelle "Dans le doute, le contrat d'adhésion (s’interprète) contre celui qui l'a proposé".

Ce qui la conduit in fine à considérer que les nouvelles conditions générales s’appliquent au renouvellement du contrat en 2019 et que, partant, le contrat a été renouvelé en 2019 pour une période de douze mois et peut être résilié par chacune des parties moyennant un préavis de trois mois "avant l’expiration de la période initiale". En d’autres termes, son interprétation des CGV joue dans un sens favorable au client.

La portée de l’avis

Cet avis de la CEPC, s’appuyant sur l’article 1120 du Code civil, est en phase avec la jurisprudence validant l’acceptation implicite de CGV au vu des circonstances d’espèce (en ce sens, CA Paris, 1er février 2019, n° 18/04526 jugeant que "la poursuite des relations commerciales […] pendant plus de trois années sans la moindre difficulté, permet de retenir, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'une acceptation implicite […] de ces conditions générales de vente figurant en troisième page des devis et au verso de toutes les factures").

Pour ce qui est de son appréciation de la clause litigieuse, la CEPC prend le soin de rappeler qu’elle vaut naturellement sous réserve de l’interprétation souveraine des juges du fond.


 En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Son enracinement local, son positionnement unique et son expertise reconnue lui permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

Expertise : Concurrence

nous contacter 330x220

Nous contacter

Vos contacts

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris