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Règles d’urbanismes et aléas

la délicate conciliation entre règles d’urbanisme et dispositifs fiscaux incitatifs

08/12/2022

Différents régimes incitatifs en matière de fiscalité immobilière reposent, le plus souvent à titre principal, sur l’obligation de transformer ou en tout cas d’affecter un bien immobilier à un usage conforme à celui ou ceux fixés par le législateur dans un délai prédéfini. Cependant, la longueur des procédures administratives tend à multiplier les difficultés afférentes à la durée de la phase préparatoire d’une opération (I) ou tenant au respect des engagements pris (II).

Des incitations fiscales souvent temporaires et parfois difficilement compatibles avec les périodes de conception et de préparation des opérations immobilières

Dans un contexte de raréfaction des terrains utilement constructibles, les acteurs (propriétaires et promoteurs) intègrent désormais fréquemment la fiscalité comme un paramètre de négociation de l’ensemble de l’opération.

Or, l’exigence pratique d’un pré-accord, par exemple sous la forme d’une promesse de vente, soumis à conditions suspensives impliquant nombre de démarches préalables et d’obtentions administratives (permis de construire pouvant impliquer ou non la modification du plan local d’urbanisme, « négociation » de l’affectation des différentes surfaces à construire ou réhabiliter, etc.) peut conduire à priver les parties de la faculté de soumettre l’opération à un régime fiscal pourtant applicable à la date de l’accord de principe.

Tel est notamment le cas des dispositions de l’article 210 F du Code général des impôts (CGI) qui permettent aux sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’un taux d’imposition favorable (19 % en lieu et place du taux de droit commun actuel de 25 %) à raison des plus-values réalisées sur la cession de certains actifs immobiliers.

Ce dispositif au profit du vendeur visait initialement à favoriser la transformation d’immeubles d’activités en immeubles à usage de logement ; il a été au fil du temps élargi aux ventes de terrains à usage industriel ou de terrain à bâtir toujours sous condition de transformation (ou de construction) en immeuble à usage de logement. Les zones d’implantation concernées ont en revanche été réduites (zones A et Abis), tandis que le délai exigé par la loi auprès de l’acquéreur pour achever les travaux de transformation n’a quant à lui jamais été réduit. Rappelons en effet qu’en principe, faute de respecter cet engagement dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l’exercice au cours duquel l’acquisition est intervenue, l’acquéreur encourt une pénalité actuellement égale au montant de l’économie d’impôt réalisée par le cédant.

Si la période d’application de ce régime a été prorogée ou renouvelée à plusieurs reprises – non sans être accompagnée de certaines adaptations – le principe et les modalités géographiques comme temporelles des renouvellements successifs ont pu s’avérer insuffisants ou inadaptés pour permettre à des projets déjà engagés de s’adapter.

En d’autres termes, il est délicat de développer un projet subordonné à une adaptation des règles d’urbanisme et à un accord avec les collectivités locales impliquées alors que la durée d’application du régime telle que prévue pendant la période des discussions fait peser une incertitude forte – à défaut de énième prorogation – sur son applicabilité au projet en discussion.

En pratique, les périodes d’application retenues conduisent soit à faire peser sur le cédant le risque d’avoir négocié une cession sur la base d’un régime qui aura disparu lors de la levée des conditions suspensives soit à faire peser sur l’acquéreur le risque de s’être engagé en considération d’un projet qui ne pourra pas être réalisé en l’état prévu.

On peut comprendre qu’aucune des deux parties ne soit disposée à assumer le risque correspondant même si, en pratique, la réduction du taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés (passé de 33,33 % à 25 % depuis 2012) minore l’importance à la fois de l’intérêt et des risques inhérents à ce dispositif.

Les dispositions des 7e et 8e du II de l’article 150 U du CGI instituant des exonérations, le cas échéant, partielles en faveur des cessions de biens immobiliers par des personnes physiques à certains acquéreurs s’engageant à réaliser des logements sociaux appellent des remarques de même nature compte tenu des limites fixées à leur application à chaque reconduction successive.

Dans toutes ces situations, la durée – insuffisante - d’application du régime s’avère fréquemment un obstacle compte tenu du délai nécessaire à l’obtention d’un permis de construire définitif et purgé de recours.

Des obligations et engagements dont le respect peut être mis en péril par des événements extérieurs

Les promoteurs ayant pris envers les cessionnaires des terrains constructibles ou envers leurs clients des engagements d’achèvement dans un délai déterminé peuvent, sans mauvaise volonté, se trouver empêchés pour des motifs étrangers à leurs projets (événements climatiques, Covid-19, pénurie de matériaux) de réaliser la construction de biens immobiliers dans les délais impartis.

L’administration fiscale, quelque temps avant la crise sanitaire, avait déjà admis d’octroyer des délais complémentaires dérogatoires dans des situations exceptionnelles proches de la force majeure.

Naturellement, la crise sanitaire a imposé la généralisation de la suspension des délais ; toutefois, dès après la période de suspension, les entreprises n’ont pas toutes été en mesure de relancer immédiatement les chantiers rencontrant fréquemment des problématiques de personnels, de sous-traitants et/ou de fourniture de matériaux.

Des mesures particulières ont été prises mais elles s’avèrent malheureusement trop ciblées et parfois insuffisantes en termes de délais octroyés.

En outre, elles ne s’appliquent pas/plus aux nouvelles opérations alors que les conditions actuelles ne permettent pas toujours aux entreprises de s’inscrire dans les délais fixés par le législateur.

Il en est particulièrement ainsi des dispositions relatives au dispositif PINEL (article 199 novovicies du CGI) dont le C du I prévoit que l’investisseur peut bénéficier d’un avantage fiscal si, entre autres conditions, le logement prévu est achevé dans un délai de trente mois suivant la signature de l’acte d’acquisition.

Dans de nombreuses situations mais en particulier dans le cadre de ce régime qui impose un délai particulièrement serré, le manque de terrains constructibles a contraint certains acteurs à ne plus pouvoir subordonner la signature des acquisitions à une clause suspensive de permis purgé de recours ce qui fait courir un risque important en cas de refus, contestation et, a fortiori, remise en cause du permis sollicité.

Les règles propres au dispositif PINEL mentionné précédemment présentent en outre la particularité de faire courir un délai distinct pour chaque vente/lot alors même que la construction de l’immeuble constitue un ensemble qui justifierait la référence à un délai uniforme.

Outre la problématique de l’achèvement qui doit être réalisé à temps, le dispositif PINEL dans sa version optimale sera désormais recentré le 1er janvier prochain sur les acquisitions de logements répondant à des caractéristiques environnementales et énergétiques particulières très strictes. Elles imposent aux promoteurs des contraintes propres au programme et dont la compatibilité avec celles imposées par les PLU ou par les surcoûts d’approvisionnement actuels peut s’avérer délicate.

Quand il s’agira de trouver un ou des successeurs à ces dispositifs incitatifs pour les investisseurs, et à l’heure où le marché pourrait marquer le pas, espérons que le principe fondamental de sécurité juridique inspire les pouvoirs publics dans un sens propice à leur application. 

Article paru dans La lettre de l'immobilier de novembre 2022


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