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Rupture brutale de relations commerciales entre un réseau de distributeurs et son fournisseur

responsabilité de la tête de réseau ?

30/09/2022

C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt rendu le 22 juin 2022 (n° 21-14.230).

La société Esnault, fournisseur spécialisé dans la vente de fruits et légumes, a subi la rupture de relations commerciales établies avec plusieurs distributeurs appartenant au groupe (à l'époque) Franprix-Leader Price, avant d’être placée en liquidation judiciaire.

La société, puis son liquidateur judiciaire, a considéré cette rupture comme brutale, et engagé une action sur le fondement de l'article L.442-6 I 5° du Code de commerce (à présent art. L.442-1 II).

Les demandeurs ont considéré que les relations commerciales établies avec les différentes sociétés partenaires étaient constitutives d’une unique relation qui devait être appréciée dans sa globalité. De ce fait, c’est la responsabilité de la société Leader Price Exploitation (LPE), qui a conclu des contrats de franchise, de licence et de concession avec différentes sociétés du groupe, qui a été recherchée en sa qualité de tête de réseau.

La cour d’appel de Paris a débouté la société Esnault et son liquidateur judiciaire de leur demande en condamnation de la société LPE à payer les sommes de 1 570 307 euros en réparation du préjudice subi, de 364 803 euros en paiement du coût des licenciements supportés. Ces derniers ont formé un pourvoi.

La Cour de cassation a donc eu à se prononcer sur la question de l’imputabilité à une seule société de la rupture brutale d’une relation mise en œuvre par plusieurs autres sociétés indépendantes. Cette problématique, qui s’articule autour des principes (i) de l’autonomie des personnes morales, (ii) de responsabilité que doit assumer toute société partie à une relation qu’elle rompt et (iii) de l’absence de personnalité juridique du groupe de sociétés, n’est pas nouvelle mais la façon de l’appréhender par la Haute cour semble se préciser.

En effet, la Cour de cassation relève que la circonstance que les sociétés distributeurs en cause aient eu une personnalité juridique distincte de celle de la société LPE « n'excluait pas que celle-ci doive répondre d'une rupture des relations commerciales qu'elle leur aurait, de fait, imposée, de sorte qu'il [appartenait à la cour d’appel] de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d'une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci ».

Selon cet arrêt, s’il peut être rapporté que les sociétés qui prennent la décision de rompre une relation sont dépourvues d’autonomie car elles ne peuvent choisir librement leurs fournisseurs et décider du maintien de cette relation, alors l’auteur réel de la rupture, celui qui l’a dictée, devrait voir sa responsabilité recherchée. Ainsi, lorsqu’une politique de groupe élaborée à un niveau supérieur déclenchant des actions concertées de résiliation brutale peut être démontrée, la responsabilité de la société qui tire les ficelles devrait être retenue.

Cela a déjà été jugé ("en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les filiales et les franchisés n'avaient disposé d'aucune autonomie dans la décision de nouer des relations commerciales avec la société BOV (le fournisseur) puis dans celle de les rompre, la Cour d'appel a pu retenir la responsabilité de la [tête de réseau] sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce "  : Cass. com., 5 juill. 2016, Sté Groupe Planet Sushi c/ Blue Ocean Venture).

En l’espèce, une concomitance entre les achats effectués et la rupture des relations par l’ensemble des magasins à l’enseigne Leader Price a été rappelée dans les moyens du demandeur.

En présence d’un groupe de sociétés détenues directement ou indirectement par une même entité ou d’un réseau entretenant uniquement des relations contractuelles, il faut être vigilant dans l’analyse des relations nouées et rapporter la preuve, qui a manqué en l’espèce, de l’absence d’autonomie de décision dans la gestion des flux d’approvisionnement ou de fourniture des sociétés concernées pour mettre en jeu la responsabilité de la société tête de groupe à l’origine de la rupture.

Si ces conditions sont remplies, les chefs de demande en réparation seront plus importants car la relation sera globalisée et non plus divisée en autant de relations commerciales conclues et la date de naissance de la plus ancienne de ces relations sera probablement prise en compte pour vérifier la durée suffisante du préavis.

La devise « un pour tous, tous pour un » risque alors d’être éprouvée par l’auteur réel de la rupture.


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Francine Van Doorne
Counsel
Paris