Lorsque l’inaptitude du salarié est médicalement constatée, l’employeur doit s’acquitter de plusieurs obligations avant de procéder à son éventuel licenciement.
Outre la nécessité d’effectuer des recherches de reclassement destinées à maintenir le salarié dans un emploi conforme aux préconisations du médecin du travail, l’employeur a également l’obligation de consulter le comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement et de préciser au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent à son reclassement lorsque celui-ci s’avère impossible (articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail).
Si ces formalités doivent être réalisées en cas d’inaptitude sans dispense de reclassement, la question de leur pertinence se pose lorsque le médecin du travail dispense l’employeur de toute recherche de reclassement en se référant expressément à l’un des cas prévus aux articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12 du Code du travail, à savoir que « tout reclassement du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
La dispense d’obligation de consulter le CSE n’a pas encore été confirmée par la Cour de cassation, mais de nombreuses Cours d’appel ont opté pour une analyse juridique consistant à dispenser l’employeur de l’obligation de consulter le CSE lorsque le médecin du travail l’a dispensé de toute recherche de reclassement en visant l’un des deux cas de dispense précités (Cf notamment CA Paris, 2 décembre 2020, n°14/11428).
Quant à la dispense d’obligation de notifier au salarié les motifs s’opposant à son reclassement, la jurisprudence est moins nombreuse et la solution est donc, plus incertaine.
Rappelons que l’absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte permet à celui-ci de solliciter, en principe, une indemnité dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi (Cass. Soc., 24 janvier 2001, n° 99-40.263).
Cette information doit être communiquée par écrit et avant l’engagement de la procédure de licenciement. Cela signifie que la seule énonciation des motifs s’opposant au reclassement dans la lettre de licenciement ne permet pas à l’employeur de satisfaire à son obligation (Cass. Soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.068).
La Cour de cassation (Cass. Soc., 18 novembre 2003, n° 01-43.710) a considéré un temps que le non-respect de cette formalité entraînait nécessairement un préjudice pour le salarié et qu’il appartenait au juge de le réparer par l’octroi de dommages-intérêts.
Il n’est pas certain que cette jurisprudence subsiste aujourd’hui puisque depuis 2016 (Cf notamment Cass. Soc., 13 avril 2016 n° 14-28.293) la Cour de cassation a abandonné la notion de préjudice dit « nécessaire ».
Selon la Cour, il appartient désormais au salarié qui invoque un manquement de son employeur de démontrer le préjudice que celui-ci lui a causé. La preuve du préjudice concerne aussi bien son principe que son quantum. Néanmoins, par de récents arrêts, la Cour de cassation semble infléchir sa jurisprudence en reconnaissant à nouveau que certains manquements de l’employeur causent nécessairement un préjudice au salarié sans qu’il soit besoin que ce dernier en fasse la démonstration (Cass. Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420 ; Cass. Soc., 26 janvier 2022, n° 20-21.636).
Quoi qu’il en soit, s’agissant d’une indemnité spécifique due en cas d’absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié, l’employeur en est-il redevable lorsque le médecin du travail estime expressément que « tout reclassement du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » ?
Les cas de dispense de l’obligation de notifier au salarié inapte les motifs qui s’opposent à son reclassement
Relevons avant toute chose que, dans certains cas, l’indemnité spécifique prévue en cas d’absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte n’est pas due. Il en est ainsi, par exemple, lorsque l’employeur a proposé au salarié des offres de reclassement validées par le médecin du travail mais que celui-ci les a refusées (Cass. Soc., 24 mars 2021, n° 19-21.263).
La question demeure toutefois s’agissant de la nécessité de communiquer au salarié inapte une telle information lorsque le médecin du travail a expressément dispensé l’employeur de tout reclassement en faisant état de l’un des deux cas de dispense précités.
Cette position s’explique par le fait que le salarié, destinataire de l’avis d’inaptitude dans lequel le médecin du travail exclut expressément tout reclassement, ne peut raisonnablement soutenir qu’il ignore les motifs qui s’opposent à son reclassement.
Par ailleurs et outre la question portant sur la nécessité ou non de notifier au salarié par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement, se pose également celle d’un éventuel cumul entre l’indemnité due en l’absence d’une telle notification, lorsqu’elle est obligatoire, et l’indemnité versée par l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le non-cumul avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Précisons, d’emblée, que la seule absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié déclaré inapte ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 18 novembre 2003, n° 01-43.710).
La jurisprudence considère par ailleurs de longue date que l’indemnité pour absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 18 novembre 2003, n° 01-43.710).
La chambre sociale a récemment réaffirmé ce principe (Cass. Soc., 15 décembre 2021, n° 20-18.782).
Dans cette affaire, les juges du fond avaient condamné l’employeur au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 300 € de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement du salarié déclaré inapte.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel en rappelant que les deux indemnités ne peuvent se cumuler.
L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse répare donc aussi bien le préjudice découlant de la perte injustifiée de l’emploi que celui résultant de l’absence de notification des motifs s’opposant au reclassement du salarié inapte.
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