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Signature électronique

dématérialisation des actes et matérialisation de certaines problématiques juridiques et fiscales

27/03/2022

Prenant acte de l’essor de la dématérialisation dans le quotidien des affaires et la vie courante, le législateur français a, dès 2000, posé un principe d’équivalence entre l’écrit électronique et l’écrit sur support papier, le premier ayant la même force probante que le second sous la double condition (i) que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et (ii) qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (C. civ., art. 1366).

Si la pratique de la signature électronique est dans un premier temps restée relativement confidentielle, elle s’est en revanche imposée au cours des dernières années et a trouvé un puissant accélérateur dans les diverses périodes de confinement liées à la Covid-19, au point d’être devenue incontournable.

Cela étant, la signature électronique peut encore à certains égards présenter des limites et nécessiter une attention particulière.

Les enjeux attachés à la détermination du lieu de conclusion de l’acte signé électroniquement

A priori, les enjeux attachés à la localisation d’un contrat en droit privé sont assez limités, tant en droit interne qu’en droit international privé, à tout le moins en ce qui concerne la détermination de la loi applicable au contrat. En effet, conformément à l’article 11 du Règlement « Rome I »1 , la loi applicable à la validité formelle d’un contrat est celle régissant le « fond du contrat », elle-même déterminée selon les règles des articles 3 et suivants dudit Règlement. L’article 11 permet également d’apprécier la validité formelle du contrat selon la loi du pays dans lequel il a été conclu, lorsque toutes les parties s’y trouvent au moment de sa conclusion, ou si les parties sont dans des pays distincts, selon la loi d’un des pays dans lequel l’une ou l’autre des parties se trouve ou a sa résidence habituelle au moment de la conclusion2 .

Pourtant, la localisation du contrat présente parfois des enjeux fiscaux importants, notamment lorsque l’opération est susceptible d’être soumise à enregistrement. L’article 718 du Code général des impôts (CGI) prévoit, par exemple, que « lorsqu’elles s’opèrent par acte passé en France, les transmissions à titre onéreux de biens mobiliers étrangers, corporels ou incorporels, sont soumises aux droits de mutation dans les mêmes conditions que si elles avaient pour objet des biens français de même nature ». Par ailleurs, l’article 726 du même code retient notamment qu’en cas de cession de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière réalisée à l’étranger, cette cession doit être constatée dans le délai d’un mois par un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France.

Lorsque la signature d’un acte constatant l’une ou l’autre de ces opérations est réalisée à distance par voie électronique, la localisation de l’acte pose la question de l’application de ces textes fiscaux. Or, sur ce point, il n’existe pas de règles propres à la détermination du lieu de signature d’un contrat par voie électronique. Il convient de se référer alors à l’article 1121 du Code civil selon lequel le contrat est réputé conclu « au lieu où l’acceptation est parvenue », à moins que les parties aient pris la précaution de fixer contractuellement le lieu de signature de leur accord, dès lors que l’article 1121 du Code civil semble avoir un caractère supplétif, sous la réserve usuelle de la fraude.

Naturellement, l’administration fiscale pourrait contester le choix des parties, à la condition de démontrer, par un faisceau d’indices « objectifs » que la signature du contrat peut être localisée ailleurs : domicile des parties, siège de la société dont les titres sont vendus, localisation des actifs cédés, lieu à partir duquel a été générée la demande de signature électronique, etc. Si les enjeux sont significatifs, le maintien d’une signature « physique » pourra le cas échéant être privilégiée, afin d’écarter autant que possible tout débat.

La reconnaissance des actes signés électroniquement par les administrations : l’exemple de l’enregistrement

En France, en application de l’article 658 du CGI, l’enregistrement est en principe donné sur les minutes, brevets ou originaux des actes qui y sont soumis. Or, l’original s’entend du manuscrit primitif, par opposition à la copie (BOI-ENR-DG-40-10-20-10 § 10). Le support papier d’un acte électronique, dès lors qu’il ne constitue qu’une copie de cet acte, ne pouvait pas être admis à l’enregistrement, sauf à modifier l’article 658 du CGI. C’est chose faite depuis le 1er janvier 2021, puisque l’article 658 du CGI autorise désormais la délivrance de l’enregistrement sur les copies des actes signés électroniquement, exception faite des promesses unilatérales de vente mentionnées à l’article 1589-2 du Code civil (i.e. celles afférentes à un immeuble, des droits immobiliers, un fonds de commerce, un droit au bail, ou des titres de sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du CGI).

Il n’en demeure pas moins que cette problématique peut encore se présenter dans le cadre d’autres formalités, notamment celles qui devraient être réalisées à l’étranger. Il est donc important de veiller à s’assurer au cas par cas que les autorités admettent la production d’un acte signé électroniquement pour effectuer les formalités requises et donner sa pleine efficacité à l’opération.

Zoom sur le Maroc

Au Maroc, la pandémie de Covid-19 a accéléré la transformation numérique et la réforme du cadre légal des solutions digitales. C’est ainsi que la loi n°43.20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques a été publiée en janvier 2021 et a abrogé partiellement les dispositions de la loi n°53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques. Cependant, l’entrée en vigueur de la loi 43- 20 est tributaire de la publication des textes réglementaires pris pour son application qui, à ce jour, ne sont pas encore publiés. De ce fait, la loi 53-05 demeure applicable dans son intégralité.

La loi n° 43-20 permettrait de mieux encadrer l’effet juridique de la signature électronique en mettant en place, par son article 4, trois niveaux de sécurité, à savoir : la signature électronique simple (pas d’exigences techniques et pas de présomption de fiabilité), avancée (meilleure reconnaissance juridique et exigences techniques intermédiaires mais pas de présomption de fiabilité) et qualifiée (usage obligatoire des produits de cryptographie). Le certificat dit qualifié de la signature électronique est délivré par un prestataire de services de confiance agréé et comporte des données et informations fixées par voie réglementaire.

Certes, la signature qualifiée est dotée de la présomption de fiabilité, il n’en demeure pas moins que les niveaux simple et avancé seraient également recevables en justice pour prouver le consentement du signataire.

Le bénéfice des avantages de la signature électronique niveau 2 et 3 suppose, entre autres, le déplacement du signataire auprès du prestataire agréé et le dépôt de son spécimen de signature. En pratique, la portée de la signature électronique est, aujourd’hui, limitée car elle n’est exploitable que pour les transactions électroniques. Or, l’essentiel des transactions civiles et commerciales continuent à requérir des démarches directes auprès de l’administration marocaine avec l’obligation de dépôt de dossiers physiques dotés des signatures authentifiées (légalisation/apostille).

La reconnaissance des actes signés électroniquement à l’étranger : la loi 43-20 dans son article 36 conditionne la recevabilité des signatures électroniques certifiées à l’étranger à l’existence d’un accord multilatéral auquel le Maroc est partie ou d’un accord bilatéral de reconnaissance réciproque entre le Royaume du Maroc et le pays concerné.

1. Règlement (CE) No 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

2. Notons que, dans les cas où le règlement Rome I n’est pas applicable, ce qui suppose que le juge d’un Etat tiers à l’UE soit saisi de la validité formelle d’un contrat, c’est le droit international privé propre à cet Etat qui devra s’appliquer.

Article paru dans la lettre des Fusions-Acquisitions de mars 2022


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