Home / Actualités / Vendre des produits bas de gamme n’exonère pas...

Vendre des produits bas de gamme n’exonère pas de la garantie des vices cachés

La pratique sportive, un usage raisonnable pour des baskets d’enfant

29/09/2020

Après deux mois d’utilisation dans des conditions prévisibles, la semelle de chaussures d’enfants bas de gamme se décolle. L’acheteur/revendeur de ces produits peut revendiquer à bon droit la garantie des vices cachés à l’encontre de son vendeur.

En 2014, dans le cadre de la Coupe du monde de football, la société X vend 19 559 paires de chaussures d’enfants à la société TAO, laquelle les réceptionne sans réserve et les commercialise. Deux mois plus tard, elle informe la société X que des articles lui sont retournés par les clients et refuse de payer les factures émises. Assignée en paiement, la société TAO demande la résolution du contrat de vente pour défaut de conformité et vices cachés ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Les parties versent au débat judiciaire trois pièces contractuelles : le cahier des charges de la société TAO, ses conditions d’achat et les conditions de vente de la société X. La société TAO oppose aussi à la société X un usage commercial selon lequel, dans la profession, il convient d’admettre que les livraisons ne comportant pas plus de 1 % d’articles défectueux sont considérées comme normales.

La cour d’appel de Douai rejette la demande en résolution de la vente pour manquement de la société X à son obligation de délivrance conforme de la marchandise livrée et refuse également la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Sur la demande en résolution de la vente pour manquement de la société X à son obligation de délivrance conforme de la marchandise livrée, la Cour de cassation considère que le moyen n’est pas fondé. Faute pour la société TAO de justifier du nombre de ventes qu’elle a elle-même réalisées, il est impossible d’évaluer avec exactitude le taux de retour des marchandises et la Cour d’appel n’avait pas à rechercher si le taux de retour excédait  1 % (Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.207).

Sur la demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, la Cour d’appel avait retenu qu’il n’était pas démontré l’existence d’un vice caché ayant fait obstacle à l’usage auquel étaient destinées les chaussures "soit un usage limité dans le temps d’une chaussure enfant de bas de gamme où l’aspect marketing prédomine sur la qualité de fabrication". Elle avait aussi retenu qu’il n’était pas rapporté la preuve d’un défaut intrinsèque de la chaussure la rendant impropre à l’usage auquel elle était destinée, mais celle d’une usure conforme à l’usage qui devait en être attendue.

Dans son pourvoi, la société TAO faisait valoir que la Cour d’appel avait vicié son raisonnement en constatant qu’un délai de deux mois avait séparé la vente des chaussures et les retours des clients et que les chaussures avaient été utilisées conformément à leur destination, sans s’être pour autant expliquée sur la durée normale d’utilisation desdites chaussures.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus.

Elle juge que la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ces constatations : d’un côté, bien que les chaussures ne fussent pas vendues comme des chaussures de sport, celles-ci étaient destinées à des enfants, lesquels pouvaient être amenés à pratiquer des sports. De l’autre, deux mois après la commercialisation des chaussures, certaines d’entre elles présentaient un décollement de la semelle à l’avant.

Cette décision permet de rappeler la distinction à faire entre l’action pour non-conformité et celle fondée sur l’existence d’un vice caché.

L’action qui tend à faire reconnaître la non-conformité d’un produit repose sur la première obligation principale à la charge d’un vendeur : celle de délivrer le bien vendu (articles 1603 et 1604 et suivants du Code civil). La non-conformité de la chose aux spécifications convenues par les parties est une inexécution de l’obligation de délivrance du vendeur (en ce sens, Cass. 1re civ. 13 octobre 1993 n° 91-16.344), la preuve de la non-conformité incombant à l’acquéreur (Cass. Com., 3 décembre 1980, n° 78-13.305).

L’action qui tend à faire reconnaître l’existence de vices cachés d’un produit repose sur la seconde obligation principale à charge d’un vendeur : celle de garantir le bien vendu (articles 1603 et 1625 et suivants du Code civil). Relève de la notion de vice caché la non-conformité du bien vendu à sa destination normale (Cass. 1re civ., 8 décembre 1993 n° 91-19.627 ; Cass. 3e civ., 6 octobre 2004, n° 02-21.088).

L’intérêt de la décision est de souligner que le fait qu’un produit soit un produit bas de gamme ne justifie pas qu’il présente des vices cachés. Quelle que soit sa qualité, un produit doit toujours pouvoir être utilisé conformément à sa destination normale. Pour la Cour de cassation, même s’il ne s’agissait pas de chaussures vendues comme chaussures de sport, elles étaient néanmoins destinées à des enfants qui pouvaient être amenés à pratiquer des sports dans le cadre de leurs activités ; dès lors, une usure anormale (un décollement de la semelle à l’avant dans les deux mois de la commercialisation des chaussures) relevait de la garantie des vices cachés.

L’usage de la chose s’apprécie en tenant compte de sa nature et de son état au moment de son acquisition. Sauf précision au moment de l’achat, les juges apprécient l’impropriété de la chose vendue par rapport à son usage normal et habituel (Cass. com., 22 octobre 1968, n° 67-10.651)).

Beaucoup s’accordent à considérer que la défense de l’environnement passe par une modification du comportement consumériste. Deux voies sont possibles sans s’exclure : éduquer le consommateur pour qu’il consomme moins mais de meilleure qualité et/ou contraindre les fabricants à proposer des produits normalement pérennes, quitte à en demander un juste prix.

Tel est l’enseignement donné par la Cour de cassation dans sa décision du 17 juin 2020.

flèche 30x30
Lire également : Action en garantie des vices cachés : dans quel délai agir ?

En savoir plus sur notre cabinet d'avocats :

Notre cabinet d'avocats est l’un des principaux cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Notre enracinement local, notre positionnement unique et notre expertise reconnue nous permettent de fournir des solutions innovantes et à haute valeur ajoutée dans tous les domaines du droit.

cabinet avocats CMS en France

Notre cabinet d'avocats à Paris

actualité droit commercial 330x220

Actualité du droit commercial

nous contacter 330x220

Nous contacter

Auteurs

Brigitte Gauclere