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Vers une représentation des travailleurs de plateformes

Ordonnance n°2021-484

29/06/2021

Il y a quelques semaines, au Royaume-Uni, Uber annonçait qu’un accord a été conclu avec le syndicat britannique GMB afin de représenter les 70 000 chauffeurs Uber présents Outre-Manche.

En France, à la suite du rapport Frouin, Elisabeth Borne confiait en début d’année 2021 à Bruno Mettling, Pauline Trequesser et Mathias Dufour la tâche d’élaborer un projet d’ordonnance sur la représentation des travailleurs indépendants des plateformes.

Cette ordonnance a finalement été publiée au Journal officiel le 22 avril dernier[1]. Elle fixe les modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes pour leur activité et énonce les conditions d’exercice de cette représentation.

  • Une représentation pour quels travailleurs ?

Les dispositions de l’ordonnance n°2021-484 concernent les travailleurs indépendants recourant à des plateformes de mise en relation dans deux secteurs d’activités : la conduite d’une voiture de transport avec chauffeur (VTC) et la livraison de marchandises au moyen d’un véhicule à deux ou trois roues, motorisés ou non[2]. Ces secteurs représentent près de 100 000 travailleurs indépendants.

  • Quelles organisations peuvent représenter ces travailleurs ?

Il peut s’agir de syndicats professionnels ou d’associations constituées en vertu de la loi du 1er juillet 1901 dont l’objet social couvre la représentation de ces travailleurs et la négociation des conventions et accords qui leur sont applicables [3].

  • Comment les organisations deviennent-elles représentatives ?

Pour être représentatives, les organisations doivent remplir les critères suivants[4], inspirés de ceux prévus par l’article L. 2121-1 du Code du travail pour les organisations syndicales représentant des salariés :

  • Respect des valeurs républicaines ;
  • Indépendance ;
  • Transparence financière ;
  • Ancienneté minimale d’un an dans le champ professionnel des travailleurs concernée. Cette ancienneté est appréciée à la date de dépôt des statuts donnant vocation à l’organisation de représenter ces travailleurs ;
  • Audience minimale de 8% des suffrages exprimés. A noter qu’à titre dérogatoire, lors du premier scrutin, pourront être reconnues représentatives les organisations qui auront recueilli au moins 5% des suffrages exprimés ;
  • Influence appréciée au regard de l’activité et de l’expérience en matière de représentation de ces travailleurs ;
  • Effectifs d’adhérents et cotisations.

La liste des organisations reconnues représentatives sera arrêtée par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi, dite l’« ARPE ».

  • Qu’est-ce que l’ARPE ?

L’ARPE est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère du Travail et du Ministère des Transports. Cette autorité est une instance d’information, de concertation et de régulation des relations entre personnes intéressées par les plateformes[5].

Elle est chargée de l’organisation des élections des représentants de travailleurs, de gérer le financement de leur formation et de leur indemnisation, d’assurer leur protection en se prononçant sur les demandes d’autorisation en cas de rupture des relations contractuelles[6].

  • Quelles sont les conditions requises pour être électeur ?

Peuvent voter les travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation qui justifient d’au moins 3 mois d’ancienneté dans le secteur considéré. Cette ancienneté s’apprécie au premier jour du 4ème mois précédant l’organisation du scrutin en totalisant, au cours de la période constituée des 6 mois précédents, les mois pendant lesquels ces travailleurs ont effectué au moins 5 prestations pour une plateforme[7].

Les listes électorales seront arrêtées par l’ARPE, selon des modalités qui seront définies par décret en Conseil d’Etat[8].

  • Quelles seront les principales modalités d’organisation des élections ?

Les élections seront organisées au niveau national. Le scrutin aura lieu par vote électronique et chaque électeur disposera d’une voix unique[9].

Le scrutin sera organisé sur sigle, les travailleurs voteront pour une organisation, qui devra ensuite désigner ses représentants[10]. Un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser les modalités d’organisation du scrutin[11].

  • A quelle fréquence les élections seront-elles organisées ?

En principe, le scrutin sera organisé tous les quatre ans par l’ARPE.

Le premier scrutin visant à déterminer la liste des organisations représentatives des travailleurs devra être organisé avant le 31 décembre 2022 et la liste des organisations reconnues représentatives devra être arrêtée avant le 30 juin 2023.

Le deuxième scrutin devra quant à lui être organisé 2 ans après la date du premier scrutin, soit avant le 31 décembre 2024. Les scrutins postérieurs auront lieu tous 4 ans[12]. 

  • Combien de représentants pourront être désignés par les organisations ?

Les organisations reconnues représentatives auprès des travailleurs désigneront des représentants dont le nombre sera déterminé par décret[13].

  • Quelle protection pour les représentants des travailleurs de plateformes ?

Les représentants des travailleurs bénéficieront de deux séries de protection.

D’une part, ils seront protégés contre le risque de rupture du contrat commercial. Celle-ci ne pourra intervenir qu’après autorisation de l’ARPE, qui devra s’assurer que la rupture du contrat est sans lien avec les fonctions représentatives exercées par le travailleur.

L’autorisation préalable de l’ARPE sera également requise lorsque le travailleur indépendant aura fait la preuve que la plateforme a eu connaissance de l’imminence de sa désignation en tant que représentant, ainsi que durant les six mois suivant l’expiration du mandat[14].

La rupture du contrat commercial en méconnaissance des dispositions relatives à cette procédure d’autorisation est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3.750 euros[15].

D’autre part, les représentants des travailleurs pourront saisir le tribunal judiciaire afin de faire cesser la situation et demander réparation du préjudice s’ils estiment subir, du fait de la plateforme, une baisse d’activité en rapport avec leur mandat[16].

Les conditions de calcul de cette baisse d’activité seront déterminées par décret en Conseil d’Etat.

Cette ordonnance pose les contours du régime de représentation des travailleurs de plateformes de mobilité, mais ce texte est encore incomplet puisqu’il se limite à la représentation des travailleurs intervenant dans deux secteurs d’activité. En outre, la parution de nombreux décrets est attendue afin de préciser les conditions du dialogue social.

Toutefois, force est de constater que la construction d’un véritable droit autonome du travailleur de plateforme est lancée !

Article paru dans Les Echos Executives le 29/06/2021

[1] Ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021, prise sur le fondement de l’article 48 de la loi n° 2019-1428.

[2] Article L.7343-1 nouveau du Code du travail.

[3] Article L.7343-2 nouveau du Code du travail.

[4] Article L.7343-3 nouveau du Code du travail

[5] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation.

[6] Articles L.7345-1 à L.7345-6 nouveaux du Code du travail.

[7] Article L.7343-7 nouveau du Code du travail.

[8] Article L.7343-7 nouveau du Code du travail.

[9] Article L.7343-9 nouveau du Code du travail.

[1] Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation.

[10] Article L.7343-11 nouveau du Code du travail.

[11] Article 2 de l’ordonnance n°2021-484 du 21 avril 2021.

[12] Article L.7343-12 nouveau du Code du travail.

[13] Article L.7343-13 nouveau du Code du travail.

[14] Article L.7343-16 nouveau du Code du travail.

[15] Article L.7343-17 nouveau du Code du travail.


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