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Clauses relatives à l’inexécution contractuelle et aux litiges éventuels

Points de vue acquéreur et vendeur

05/07/2019

La présente contribution passe en revue quelques enjeux choisis de la négociation des clauses relatives à l’inexécution et aux litiges dans le contexte d’une acquisition de droits sociaux et, sans prétendre vouloir aborder la question de façon exhaustive, fournit aux acquéreurs et aux vendeurs une grille de lecture sur les objectifs à poursuivre au cours de la négociation.
Quatre clauses seront examinées successivement sous la forme d’un court débat contradictoire entre les conseils des parties : clause pénale, clause relative au délai de recours, clause d’arbitrage et clause d’information.

La clause pénale

La clause pénale prévoit une sanction financière déterminée en cas de manquement par le vendeur à l’une de ses obligations.

Avocat acheteur (AA) : je tente d’obtenir l’insertion d’une clause pénale. Conformément à l’article 1231-5 du Code civil, cette clause « stipule que celui qui manquera d’exécuter [le contrat] paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts », et le texte précise qu’« il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ». La clause pénale permet donc à l’acquéreur, si le vendeur ne satisfait pas parfaitement ses obligations, d’obtenir une indemnisation sans avoir à rapporter la preuve du préjudice réellement subi.

Avocat vendeur (AV) : je tente pour ma part d’éviter l’insertion d’une clause pénale car je préfère que l’indemnisation ne soit due par mon client que si l’acquéreur est en mesure de rapporter la preuve du préjudice qu’il a réellement subi. 

Si le cours des négociations conduit à ce que la clause pénale soit tout de même insérée dans le contrat, je serai attentif au montant indiqué. Je tâcherai de faire stipuler un très faible montant. Notons que, paradoxalement, un montant très élevé (trop élevé) pourrait gêner l’acquéreur car l’article 1231-5 dispose que « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

AA : si je veux donner à mon client une position encore plus favorable, je pourrais rechercher un renforcement de la clause en indiquant :

  • soit que la clause pénale n’est pas exclusive d’une indemnisation complémentaire en cas de preuve rapportée d’un préjudice dépassant tel montant ;
  • soit que la clause pénale indemnise tel préjudice identifié - à l’exclusion de tout autre - dont le fait générateur est imputable au vendeur/garant et, par exemple, en cas de défaillance du vendeur au jour du closing alors que les conditions suspensives sont réalisées.

La clause relative au délai de recours La clause relative au délai de recours prévoit le délai pendant lequel la garantie d’actif et de passif peut être actionnée.

AA : je tente d’éviter l’insertion d’une clause relative au délai pendant lequel la garantie d’actif et de passif peut être actionnée, afin de voir appliquer les délais de prescription de droit commun, sauf à ce que je parvienne à négocier une clause augmentant le délai de prescription.

Conformément à l’article 2254 du Code civil, « la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans ».

AV : je tente, au maximum, de limiter dans le temps la possibilité pour l’acheteur d’exercer un recours contre le vendeur, en négociant l’insertion d’une clause limitant le délai de recours de l’acheteur à l’encontre du vendeur, le délai pouvant alors être inférieur à un an dans la mesure où il ne devrait pas être considéré comme un délai de prescription.

La clause d’arbitrage

La clause d’arbitrage prévoit qu’en cas de litige, ce dernier sera tranché par voie d’arbitrage et non par les juridictions judiciaires.

AA : je veille à ce que :

  • le recours à l’arbitrage, qui est coûteux, soit approprié au regard de l’enjeu de l’opération ; et
  • la clause d’arbitrage soit la plus précise possible, afin d’éviter qu’elle soit remise en cause au prétexte que sa rédaction ambiguë puisse être qualifiée de « pathologique ».

AV : je peux jouer sur le fait qu’une clause dont la rédaction rend la mise en oeuvre de l’arbitrage contraignante ou difficile, notamment en raison de son coût ou de la longueur de la procédure, dissuadera l’acquéreur de faire valoir les droits concernés.

AA : je pourrais rechercher une amélioration de la clause, consistant à éviter autant que possible que l’acheteur soit, de fait, ultérieurement contraint à renoncer à tout recours en raison d’une disproportion entre le coût de l’arbitrage et l’enjeu du litige. Pour ce faire, je pourrais :

  • purger en amont le sujet des honoraires du ou des arbitres, en visant, en cas d’arbitrage ad hoc, un barème prédéterminé, ou en cas d’arbitrage institutionnel, une institution dont le barème paraît approprié au regard de l’opération envisagée ;
  • prévoir qu’en dessous d’un certain montant (dont tant le quantum que les modalités de détermination sont précisées), la clause d’arbitrage est expressément déclarée manifestement inapplicable.

La clause d’information

La clause d’information impose à l’acheteur de tenir informé le vendeur des faits ou événements dont la survenance peut conduire à la mise en jeu de la garantie délivrée par le vendeur/garant.

AA : j’ai tout intérêt à profiter de la connaissance par le vendeur/garant de la situation et de l’historique de la société cible afin de solliciter son concours à la réception de toute information exposant la société cible à un risque susceptible d’être couvert par la garantie ; mon client, l’acheteur, bénéficiera ainsi du concours actif et motivé du vendeur.

AV : je demande à être informé de tout événement dont la survenance peut conduire à la mise en jeu de la garantie (avec accès aux archives sociales et aux pièces relatives à la demande) et j’enferme cette obligation de communication à la charge de l’acheteur dans des conditions rigoureuses de forme (e.g., courriel et notification par lettre recommandée avec accusé de réception) et de délais (e.g., dix jours à compter de la réception de la réclamation). En outre, je demande à ce que le non-respect par l’acheteur de cette obligation soit sanctionné par la déchéance (ou la forclusion) de la garantie.

AA : je résiste à cette demande du conseil du vendeur en mettant en exergue le caractère disproportionné de la sanction encourue (déchéance de la garantie) par rapport au manquement imputable à l’acheteur (non-respect d’un délai). En réplique, je propose que l’acheteur répare l’éventuel préjudice subi par le vendeur du fait du non-respect des délais, à supposer que le vendeur soit en mesure d’apporter la preuve que ledit manquement (e.g., défaut de communication ou communication tardive) lui a causé un préjudice.

AV : je demande à ce que le vendeur soit associé à la conduite, voire conduise directement les procédures, afin de pouvoir faire valoir ses arguments, le cas échéant en étant assisté de ses conseils, et que le vendeur soit libéré de toute obligation si l’acheteur devait ne pas se prévaloir des arguments invoqués par le vendeur, ou encore si l’acheteur devait faire droit à une réclamation ou une demande de tiers contre l’avis du vendeur.

AA : j’accepte cette demande formulée par le vendeur sous les conditions cumulatives suivantes :

  • la gestion de la réclamation par le vendeur (comme le défaut de réponse du vendeur dans le délai imparti) vaut reconnaissance que la réclamation est couverte par la garantie et, de ce fait, le vendeur s’engage à en supporter les conséquences conformément aux termes de la convention ;
  • les frais et honoraires inhérents à la conduite de ces procédures sont intégralement pris en charge par le vendeur ;
  • l’acheteur conserve en tout état de cause la main sur la gestion de la réclamation et ne sera pas tenu par les arguments avancés par le vendeur, notamment afin de faire prévaloir l’intérêt social de la société cible sur l’intérêt du vendeur/garant visant à minorer son exposition financière.

AV : je demande que la gestion par l’acheteur et par la société cible (dont l’acheteur se porte fort) des demandes et réclamations soit conduite de façon loyale avec le but de minimiser l’exposition financière du vendeur/garant et qu’en tout état de cause, l’acheteur s’interdise tant en son nom personnel que pour le compte de la société cible de transiger sur une demande ou réclamation sans l’accord préalable et écrit du vendeur.


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Benoît Provost
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