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Commissions interbancaires sur le traitement des chèques : les banques mises hors de cause

23/04/2012


En septembre 2010, l'Autorité de la concurrence (ADLC) avait infligé une amende record de près de 385 millions d'euros à onze banques, dont la Banque de France, pour avoir mis en place de manière concertée des commissions interbancaires non justifiées lors du passage à la dématérialisation du traitement des chèques.

L'ADLC avait estimé qu'en prévoyant le versement d'une « commission d'échange image-chèque », destinée selon les banques à compenser forfaitairement la perte de trésorerie engendrée par l'accélération du règlement interbancaire des chèques liée à la dématérialisation, au détriment des banques tirées débitées plus tôt, l'accord avait un objet anticoncurrentiel car conduisant à une hausse du prix des services bancaires.

Or, on le sait, la qualification d'infraction par l'objet permet de sanctionner une entente sans qu'il soit besoin de s'intéresser à ses effets concrets sur la concurrence.

La cour d'appel de Paris vient d'annuler cette décision et de mettre hors de cause les banques concernées.

Elle a estimé que l'analyse conduite par la Commission ne permettait pas d'affirmer « qu'au regard de sa teneur appréciée dans le contexte juridique et économique dans lequel il s'inscrit, cet accord révèle un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence en l'assimilant assurément, conformément aux exigences de la jurisprudence communautaire, à des formes de collusion entre entreprises pouvant être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au fonctionnement normal du jeu de la concurrence, dans des conditions telles qu'il serait inutile, aux fins de l'application de l'article 101, paragraphe 1 du traité, de démontrer que cet accord a eu des effets concrets sur le marché ».

En d'autres termes, l'ADLC aurait conclu de manière un peu hâtive au caractère intrinsèquement anticoncurrentiel de l'accord.

La cour d'appel de Paris lui reproche en effet, alors qu'il n'existait aucun précédent reconnaissant que les commissions interbancaires multilatérales ont nécessairement un effet anticoncurrentiel, de ne pas avoir qualifié l'objet anticoncurrentiel de l'accord au regard de sa teneur, de ses objectifs et de son contexte juridique et économique.

A cet égard, elle relève que la mise en place des commissions litigieuses était directement liée au nouveau système dématérialisé d'échange des chèques, « projet d'intérêt général neutre au regard du droit de la concurrence et par surcroît constitutif d'un indéniable progrès technique et économique ».

S'inscrivant ainsi dans le cadre d'un projet d'intérêt général, l'accord sanctionné ne pouvait être assimilé à un cartel secret. Par ailleurs, limité, dans son principe, aux relations interbancaires et n'ayant pas pour objet de fixer un tarif commun des presta tions fournies aux clients des banques et ne prévoyant pas la répercussion sur leurs clients des commissions versées, cet accord ne constituait pas une entente sur les prix finals.

Dès lors, faute d'avoir démontré une restriction par l'objet, l'Autorité ne pouvait se dispenser ni d'examiner les effets de l'accord ni de réunir, pour le sanctionner, le cas échéant, des éléments établissant que le jeu de la concurrence avait été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible. L'annulation de la décision de l'ADLC emporte pour conséquence essentielle l'obligation de restitution aux banques des sommes versées au Trésor.

Restitution définitive ou seulement provisoire ?

C'est maintenant à la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi par l'Autorité de la concurrence, d'en décider.


Par Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 23 avril 2012

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Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris