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Entreprises en difficulté : comment déceler les signes «avant-coureurs» ?

23/04/2012

Le rôle du dirigeant, en temps de crise, passe nécessairement par une anticipation des difficultés permettant de mettre en place les mesures appropriées pour y faire face. La première étape est donc de savoir anticiper ses difficultés : pour cela il faut savoir les détecter à temps. En fait, le degré d’information dépend de la structure et de l’organisation de l’entreprise.

Il va de soi que les grandes entreprises ainsi que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont pourvues de mécanismes de reporting :
* le commissaire aux comptes, qui est tenu par la loi de déclencher une procédure d’alerte dès lors qu’il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation et si les difficultés persistent, doit en informer le président du tribunal de commerce(1).
* le comité d’entreprise dispose également de cette prérogative.

L’expert-comptable a un rôle important dans la chaîne d’alerte en matière financière mais également en tant que conseil qui connait parfaitement la vie de l’entreprise, encore faut-il qu’il use de ce pouvoir et qu’il communique facilement et franchement avec le dirigeant.

Le moindre « incident » doit alarmer les dirigeants

Dans les entreprises sous Leverage by Out (LBO), il existe une information financière abondante, à jour et documentée.

En effet, les analyses menées lors de l’acquisition ont souvent permis de déterminer les résultats prévisionnels des prochaines années, mais aussi les impacts de la saisonnalité de l’activité et nécessairement les besoins en fonds de roulement.

Les échéances de la dette sont expressément définies. Il en résulte que le moindre « incident » va devenir un signe qui doit alarmer les dirigeants sur la situation de l’entreprise.

Doivent être notamment pris en compte :

  • la non réalisation du business plan défini lors de l’opération de LBO,
  • le défaut de paiement au titre du remboursement de la dette senior/mezzanine (avec la problématique des dettes remboursables in fine),
  • les bris de covenants(2) usuellement prévus dans la documentation de financement(3) et ce même en l’absence d’un défaut de paiement,
  • le risque d’un éventuel blocage du tirage des lignes BFR (crédits revolving) et Capex négociées …

Toutefois, abondance d’informations ne signifie par pour autant qualité dans l’information car dans bon nombre de dossiers de restructuration, il faut intervenir au niveau du management et notamment de la direction financière, à laquelle il faut substituer rapidement des équipes d’auditeurs pour fixer une revue de la situation de l’entreprise en termes d’exploitation et de trésorerie.

Difficile d’apprécier la réalité des difficultés

Dans les petites entreprises, les dirigeants ne disposent pas des mêmes outils de reporting.

Dans ces conditions, il est difficile d’apprécier la réalité des difficultés notamment lorsque l’actionnaire est également le dirigeant : l’entreprise a pour lui une dimension plus humaine qu’économique.

Dans ce cas, certains facteurs doivent alerter immédiatement le dirigeant sur les difficultés de l’entreprise :

  • diminution importante du chiffre d’affaires/exercices antérieurs,
  • la rentabilité de l’entreprise est inférieure ou égale à la moyenne des entreprises du secteur…
  • des clients importants déposent le bilan,
  • le solde négatif des comptes bancaires perdure,
  • les fonds propres deviennent négatifs,
  • retard dans le paiement/non paiement des cotisations fiscales et sociales,
  • l’endettement est trop élevé par rapport à la rentabilité de l’entreprise,
  • refus de cession Dailly, d’escompte, de crédit à court à terme,
  • des concours bancaires à court terme,
  • dégradation de l’analyse et de la note de crédit de la société, fournie par la Banque de France, les banques, les sociétés d’assurance crédit.

Bien entendu, il s’agit d’une liste non exhaustive qui a pour vocation à mettre l’accent sur les signes les plus communément rencontrés.

L’analyse de la situation est capitale et déterminante pour mettre en place les solutions adéquates.

La phase de diagnostic (financier, économique, structurel, opérationnel …) peut durer de quelques jours à quelques semaines et doit impérativement être menée avec le support d’experts indépendants.

L’absence de cash signe majeur des difficultés sérieuses

En conclusion, le signe majeur de l’existence des difficultés sérieuses est l’absence de cash.

Toutefois, une vigilance accrue des dirigeants, grâce à la prise en compte des clignotants évoqués devrait permettre d’éviter cette situation d’impasse de trésorerie.

Lorsque l’impasse de trésorerie est là, le dirigeant doit agir très vite, c’est-à-dire s’entourer d’une équipe de professionnels spécialisés en entreprises en difficulté/restructuring conseils nécessaires (avocats, cellules de recovery, mandataire ad hoc/conciliateur …) dans la perspective de renégocier efficacement les dettes de l’entreprise et trouver un accord avec les principaux créanciers.

  1. Article L.612-3 du Code de commerce
  2. Les covenants ou ratios prudentiels sont des outils permettant un contrôle précis de l’évolution de la structure financière et de la rentabilité des entreprises sous LBO à travers leurs calculs annuels et la mise en place d’un cadre devant être respecté. Les organismes bancaires et financiers mettent donc en place un cadre comprenant différents ratios financiers devant être respectés tout au long de la vie de l’opération sous peine de rendre les engagements financiers exigibles dans leurs totalités. En effet les covenants sont intégrés dans les contrats liant les parties.
  3. Ratios de leverage (dette financière nette/EBITDA), de fonds propres (dette financière nette/fonds propres, de cash flow (cash flow/service de la dette) et de couverture des intérêts (EBITDA/charges financières).

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Par Carole Dessus, avocat, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon

Article paru sur le site www.tourmag.com (http://www.tourmag.com/) le 21 février 2012

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