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Heures supplémentaires : quand faut-il les rémunérer ?

Conditions de rémunération des heures supplémentaires effectuées à l'initiative du salarié

11/01/2019

Cass. soc., 14 nov. 2018, nos 17-16.959 et 17-20.659 ; Cass. soc.,  19 déc. 2018, n° 17-18.725 

La jurisprudence ne cesse d’assouplir les conditions permettant aux salariés d’obtenir le paiement des heures supplémentaires dont l’exécution n’a pas été demandée par l’employeur. Dans un tel contexte, ce dernier peut être souvent tenté de régler le problème de l’accomplissement et du paiement des heures supplémentaires en concluant avec leurs salariés des conventions de forfait en jours. Force est de constater que le recours à ce dispositif n’est pas exempt de risques. Analyse de trois décisions récentes de la Cour de cassation.

► Assouplissement des conditions de paiement des heures supplémentaires

La décision de recourir aux heures supplémentaires relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur, qui peut en imposer la réalisation au salarié et les supprimer unilatéralement, sauf à ce qu’elles aient été contractualisées (Cass. soc., 12 mars 1997, n° 94-41.855). En revanche, le salarié ne peut décider, de sa propre initiative, d’accomplir des heures supplémentaires et en obtenir le paiement, sans que l’employeur ait consenti, au moins implicitement, à leur accomplissement (Cass. soc., 20 mars 1980, n° 78-40.979).

Pourtant, la Cour de cassation décide de façon constante que les heures supplémentaires rendues nécessaires par la nature ou la quantité de travail demandée au salarié doivent être rémunérées même si elles n’ont pas été imposées par l’employeur (Cass. soc., 19 avr. 2000, n° 98-41.071 ; Cass. soc., 12 déc. 2013, n° 12-14.029). Cependant, jusqu'à présent aucune décision ne s’était prononcée sur le cas particulier dans lequel l’employeur s’opposait expressément à la réalisation d’heures supplémentaires ou lorsque leur réalisation était subordonnée, par le contrat de travail, à l’accord de l’employeur.

C’est désormais chose faite. Dans une première décision (Cass. soc., 14 nov. 2018, n° 17-16.959), la chambre sociale énonce, sous la forme d’un attendu de principe, que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies :

  • soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur ;
  • soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

La Cour précise dans ce dernier cas qu’il importe peu que le salarié n’ait pas requis l’autorisation de l’employeur comme le prévoyait le contrat (Cass. soc., 14 nov. 2018, précité) ou que ce dernier se soit plusieurs fois opposé à la réalisation d’heures supplémentaires (Cass. soc., 14 nov. 2018, n° 17-20.659). En d’autres termes, dès lors que l’accomplissement d’heures supplémentaires a été rendu nécessaire par la tâche à accomplir, elles doivent être rémunérées par l’employeur.

Reste à déterminer comment apprécier l’adéquation ou l’inadéquation de la charge de travail à la durée légale du travail. La Cour de cassation précise que cette adéquation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Pour caractériser la nécessité du dépassement de la durée légale du travail, ces derniers ont relevé dans l’une des deux affaires, que l’employeur avait accepté de régler des heures supplémentaires sur une période antérieure et que la charge de travail avait été maintenue puis accrue sur la période postérieure ce qui permettait d’établir que des heures supplémentaires avaient été rendues nécessaires pour l’exécution des tâches confiées. Le second arrêt demeure muet sur ces modalités d’appréciation.

Il appartiendra néanmoins au salarié de justifier à l’appui de sa demande de paiement d’heures supplémentaires de la nécessité dans laquelle il se trouvait de dépasser les horaires de travail en dépit de l’interdiction de l’employeur (Cass. soc., 15 juin 2016, n° 15-10.117).

Pour autant, dans la majorité des cas, il demeure difficile de déterminer objectivement la charge de travail et son adéquation à la durée légale du travail, d’autant que :

  • la durée d’exécution des tâches peut être difficilement quantifiable pour certaines fonctions ;
  • les temps d’exécution sont susceptibles de varier d’un individu à un autre.

Avec cette jurisprudence, il devient plus difficile pour l’employeur de s’opposer à la demande de paiement des heures supplémentaires formée par un salarié, dès lors que celles-ci ont été effectuées. Le seul moyen fiable pour l’employeur d’éviter d’avoir à les payer au salarié est donc d’en empêcher concrètement leur réalisation. Encore conviendra-t-il dans ce cas de s’assurer que le travail confié peut être réalisé dans la durée légale du travail, ce qui, on l’a vu, n’est pas aisé.

► Le recours aux conventions de forfait en jours : une solution sécurisée ?

Compte tenu de la difficulté d’assurer l’adéquation de la charge de travail à la durée légale du travail et du risque accru pour l’employeur d’avoir à régler au salarié des heures supplémentaires effectuées sans son accord, ce dernier peut parfois être tenté de conclure avec ses salariés une convention de forfait en jours sur l’année.

En effet, aux termes de l’article L.3121-62 du Code du travail, les salariés ayant conclu une telle convention ne sont soumis ni aux dispositions légales relatives aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail ni à la durée légale hebdomadaire.

Néanmoins tous les salariés ne sont pas éligibles au dispositif du forfait-jours : seuls sont concernés les cadres autonomes et les salariés qui ne peuvent suivre l’horaire collectif du fait de leurs fonctions, tels qu’ils sont définis par l’accord collectif instituant le forfait-jours.

En outre, l’existence d’une convention de forfait en jours ne dispense pas l’employeur de veiller, au titre de la protection de la sécurité et de la santé du salarié, à ce que l’amplitude et la charge de travail soient raisonnables et permettent une bonne répartition du travail dans le temps. Le non-respect de ces règles dégagées par la jurisprudence a entraîné l’annulation d’un grand nombre de conventions de forfait (Cass. soc., 26 sept. 2012, n° 11-14.540 ; Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 11-28.398 ; Cass. soc., 11 juin 2014, n° 11-20.985), autorisant ainsi les salariés à réclamer le paiement des heures supplémentaires réalisées au-delà de la durée légale du travail. La plupart des conditions de validité du forfait-jours, dégagées par la jurisprudence, ainsi que l’obligation de mettre en place un dispositif garantissant le droit à la déconnexion des salariés en forfait-jours, ont été intégrées dans le Code du travail par la loi du 8 août 2016 (C. trav., art. L.3121-64 et L.3121-65). Néanmoins, l’interprétation que feront les juges de ces nouvelles dispositions reste incertaine et il n’est pas garanti que le dispositif en soit sorti réellement plus sécurisé.

En tout état de cause, l’obligation de contrôler la charge de travail pèse sur l’employeur. En cas de contentieux, il lui appartiendra de rapporter la preuve (Cass. soc., 19 déc. 2018, n° 17-18.725) :

  • du respect des stipulations de l’accord ;
  • du contrôle de la charge de travail et de l'amplitude du temps de travail des salariés.

On le voit, que les salariés soient soumis à un horaire de travail ou qu’ils aient conclu une convention individuelle de forfait en jours en application d’un accord collectif, l’employeur ne peut se défausser de son obligation de contrôler la charge de travail du salarié et doit mettre en place à cette fin des outils adaptés.


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