Home / Publications / Imposition des prestations en capital : l’Etat combat...

Imposition des prestations en capital : l’Etat combat les niches et déniche du revenu imposable

24/03/2011


Selon l’article 59 de la nouvelle loi de finances rectificative pour 2010 les prestations de retraite en capital deviennent un revenu imposable. Les bénéficiaires de plans d’épargne-retraite étrangers se trouveront dans une situation délicate.


1. Le point de départ : un bout de paradis fiscal dans le système fiscal français

Le traitement fiscal applicable jusqu’en 2010 aux retraités, bénéficiaires de plans de pensions versées sous forme de capital était paradisiaque : le versement du capital, insusceptible de renouvellement, n’était pas constitutif en France d’un revenu imposable au sens de l’article 1er du Code général des impôts (CGI), tel qu’interprété par l’administration fiscale dans sa doctrine (5-F 121).

Lorsque le capital était versé par un débiteur établi dans un Etat lié à la France par une convention fiscale, tel que la Belgique, la Suisse, le Luxembourg ou encore le Danemark (jusqu’en 2008), les prestations en capital tenant lieu de pension ne pouvaient être imposées dans le pays de source, en vertu de la convention fiscale applicable (ayant dénoncé en 2008 la convention le liant à la France, le Danemark a retrouvé le droit d’imposer à la source les pensions de source danoise versées à des résidents français).

En résultait un vide fiscal : les versements de retraites sous forme de capital se faisaient en franchise totale d’impôt. Ce vide n’était point occulte, mais reconnu et commenté par l’administration fiscale française, dans une instruction publiée dans le cadre franco-suisse (Instruction 14-B-1-96 du 16 février 1996, et 14 B-3-06 du 15 novembre 2006).

Le régime profitait aux retraités percevant des retraites étrangères (principalement de source britannique, suisse, danoise, belge ou luxembourgeoise) car le système de retraite français ne permettait pas une sortie en capital.

Le résultat était avantageux, d’autant plus que les contributions initialement versées pour la constitution du capital-retraite pouvaient avoir été déduites du revenu imposable des bénéficiaires.

2. Le paradis fiscal se fait saborder

La nature ayant horreur du vide, les autorités françaises et suisses ont entendu le combler, dans le cadre franco-suisse : l’avenant à la convention fiscale franco-suisse du 27 août 2009 prévoit que la Suisse peut prélever un impôt à la source sur les prestations de retraite en capital de source helvète, tant que la France ne les impose pas en tout ou partie. L’avenant, applicable aux pensions versées à compter du 1er janvier 2011, met fin à « l’inégalité fiscale », sans remédier au préjudice financier du Trésor public. Le gouvernement français avait toutefois annoncé, lors des débats parlementaires relatifs à l’avenant, l’instauration d’un dispositif permettant l’imposition en France des pensions en capital.

La question d’un tel dispositif devenait également pressante en raison de l’adoption le 9 novembre dernier de la loi de réforme des retraites, permettant aux bénéficiaires de produits d’épargne retraite, tels que les plans d’épargne populaire (PERP) et les contrats de la caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon), d’opter pour une sortie en capital plafonnée à 20% du montant des droits individuels. Les modalités d’imposition de ces revenus restaient à déterminer. En l’absence de réaction législative adaptée, une nouvelle « niche » aurait vu le jour.

L’amendement à la loi de finances rectificative pour 2010, déposé par le gouvernement, a donc un triple effet : (i) permettre l’imposition des prestations en capital issues de plan de retraites français (PERP ou PREFON), (ii) assurer l’imposition en France, et non en Suisse, des prestations de retraites en capital versées à des résidents français par des organismes helvétiques, (iii) garantir, d’une manière plus large, l’imposition en France des prestations étrangères de retraite en capital versées à des résidents français.

3. Un régime d’imposition se voulant simple

Le régime d’imposition en France repose sur une distinction binaire :

La constitution du capital retraite a été financée par des contributions qui ont été fiscalement déductibles

Tel est le cas des sorties en capital de PERP ou PREFON, mais également des plans de pensions étrangers, chaque fois que le droit local permet la déduction des contributions du revenu imposable.

La pension versée en capital se trouve imposée dans la catégorie des traitements et salaires. L’article 163 bis II du CGI prévoit un système de quotient dit « de 15 » : (1) le montant du capital est divisé par quinze ; (2) le quinzième est ajouté au revenu global imposable ; (3) le complément d’impôt ainsi obtenu est multiplié par quinze pour le calcul de l’impôt final dû au titre de l’année du versement du capital.

Le coefficient de 15 correspond à l’espérance de vie moyenne des personnes qui partent aujourd’hui en retraite.

Le quotient est appliqué aux conditions cumulatives suivantes : (i) le versement du capital ne doit pas être fractionné, (ii) le contribuable doit en faire la demande (il est probable que les formulaires de déclaration seront adaptés pour permettre l’exercice de cette option), (iii) le montant de la prestation en capital est supérieur à 6000 €, et (iv) lorsque le contrat est étranger, le bénéficiaire doit prouver que les cotisations versées lors de la phase de constitution du capital étaient déductibles de son revenu imposable. On ne peut que s’étonner de cette exigence, alors que la preuve contraire est exigée du contribuable qui souhaite échapper à ce régime d’imposition pour se placer sous celui mentionné ci-dessous.

La constitution du capital retraite a été financée par des contributions non déductibles et prélevées sur un revenu imposable

Cette catégorie vise nécessairement les régimes de retraite étrangers. Si le bénéficiaire prouve que les cotisations versées lors de la phase de constitution du capital n’étaient pas déductibles de son revenu imposable, la prestation en capital suit le régime suivant : le capital correspondant aux contributions versées n’est pas imposé et la fraction correspondant aux produits générés sur le contrat est soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, selon le nouvel alinéa 6°bis de l’article 120 du CGI.

Dans la mesure où les plans de retraite en capital peuvent être analysés comme des contrats de capitalisation, ils devraient relever du régime d’imposition prévu à l’article 125-0 A du CGI, de sorte que les contrats (i) antérieurs à 1983 ou (ii) antérieurs au 26 septembre 1997 n’ayant pas été alimentés depuis le 1er janvier 1998 devraient bénéficier d’une exonération d’impôt en France, au même titre que les contrats de capitalisation équivalents français.

Les contrats conclus après le 26 septembre 1997 devraient pouvoir bénéficier, sur option du bénéficiaire, du prélèvement libératoire de l’impôt de 7,5% (contrat de plus de huit ans) 15 % (contrats entre 4 et 8 ans) ou 35% (contrats de moins de 4 ans), prélèvement auquel s’ajoutent les contributions sociales de 12,3%.

4. L’application du dispositif sera délicate

Le régime fiscal ainsi instauré ne devrait pas surprendre les détenteurs de contrats PREFON ou PERP, dans la mesure où il accompagne la réforme des modalités de sortie de ces contrats. Il pourrait toutefois amener l’ensemble des personnes qui travaillent ou ont travaillé à l’étranger à revoir avec attention leur situation fiscale dans la mesure où une charge nouvelle, qu’elles n’avaient pas pu prévoir lors de la souscription et l’alimentation de leurs plans de retraite en capital, vient frapper les revenus correspondants. La situation des personnes percevant des retraites en capital de source danoise deviendra problématique si les autorités fiscales françaises et danoises ne règlent pas le phénomène de double imposition qui surgit en l’absence désormais d’une convention susceptible d’y faire obstacle.

Les titulaires de plans étrangers prévoyant une sortie en capital devront également examiner avec attention la nature précise de leurs contrats. En effet, le nouveau régime de l’article 163 bis II du CGI vise spécifiquement les prestations de retraite versées sous forme de capital. Il sera donc nécessaire de distinguer de telles prestations des contrats d’épargne « privés » qui pourraient continuer à bénéficier du principe d’exonération des prestations en capital. Les bénéficiaires de contrats étrangers, notamment danois ou anglais, auront une distinction délicate à opérer entre leurs contrats d’épargne privés et leurs retraites, sachant que l’administration aura fort probablement tendance à assimiler tous les contrats ayant donné droit à une déduction fiscale à des prestations de retraite.


Par Frédéric Roux et Dimitar Hadjiveltchev, avocats

Article paru dans la revue Option Finance du 31 janvier 2011

Auteurs

Portrait deDimitar Hadjiveltchev
Dimitar Hadjiveltchev
Associé
Paris
Frédéric Roux