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La donation-partage transgénérationnelle graduelle/résiduelle

25/09/2009

La combinaison de la donation graduelle ou résiduelle avec la donation-partage transgénérationnelle offre une réponse à la problématique de la conservation des biens donnés dans la famille stricto sensu en cas de décès d’un donataire enfant ou petit-enfant alors que l’ascendant donateur est prédécédé (et que le droit de retour ne fonctionne plus).

L’analyse de la doctrine contemporaine majoritaire, qui voit dans le mécanisme graduel une libéralité avec charge, et non une libéralité conditionnelle, permet de valider cette combinaison.

Lorsque l’on combine la donation-partage transgénérationnelle avec le mécanisme graduel ou résiduel, la liberté de désignation du bénéficiaire de la charge graduelle ou résiduelle est limitée.

La charge graduelle ou résiduelle n’a pas d’incidence sur la liquidation de la donation-partage transgénérationnelle.

Est-il possible de combiner la donation-partage transgénérationnelle (C. civ., art. 1078-4 à 1078-10) avec la donation graduelle ou résiduelle (C. civ., art. 1048 à 1061) au sein d’une même opération de transmission ?
La question se pose nécessairement lors de la mise en place d’une donation-partage transgénérationnelle par laquelle un grand-parent va répartir ses biens entre ses petits-enfants ou entre ses enfants et ses petits-enfants, le décès d’un copartageant postérieurement à celui de l’ascendant donateur devant être alors envisagé.

Dans cette hypothèse des décès successifs de l’ascendant donateur puis d’un enfant ou petit-enfant copartageant, le droit de retour légal ou conventionnel ne jouant pas (1), que va-t-il advenir des biens donnés ? La dévolution de la succession du donataire-copartageant en application des règles légales risque de ne pas correspondre aux souhaits de l’ascendant donateur en transmettant tout ou partie des biens initialement donnés à la famille par alliance.

Une fois conscient de cette problématique, le recours à la donation graduelle ou résiduelle s’impose naturellement comme offrant le cadre juridique idéal pour la mise en place des solutions souhaitées par le grand-parent donateur. En effet, les donations graduelles ou résiduelles, respectivement renouvelées et créées par la loi du 23 juin 2006, permettent d’organiser deux transmissions successives :

  • la première au profit du grevé (ou premier gratifié), avec la charge soit de conserver et de transmettre (donation graduelle), soit seulement de transmettre (donation résiduelle) ; puis
  • la seconde au profit de l’appelé (ou second gratifié), qui ne recueillera le bien donné qu’au décès du grevé, sauf abandon anticipé de jouissance. Ainsi, en prévoyant qu’en cas de décès sans descendance de l’enfant ou du petit-enfant copartageant, le bien transmis sera recueilli par un copartageant de la même souche, ou en cas de disparition de la souche (hypothèse de l’enfant sans descendance), par des copartageants des autres souches, l’ascendant s’assurera de la conservation du bien dans la famille stricto sensu (2).

Illustration 1 :

Dans cette première hypothèse, le grand-parent disposant gratifie le petit-enfant 1 dans le cadre d’une donation transgénérationnelle, à charge pour lui de transmettre à son décès, au cas où il n’aurait pas de descendance, le bien ou ce qu’il en reste à son frère (petit-enfant 2).

Illustration 2 :

Dans cette seconde hypothèse, le grand-parent disposant gratifie un de ses enfants (Enfant 3), à charge pour lui, s’il n’a pas de descendance, de transmettre à son décès le bien ou ce qu’il en reste à ses neveux et nièces (les quatre petits-enfants).

Cela étant, il convient de s’assurer de la validité juridique de ces solutions, ce qui implique de s’interroger sur :

  • la compatibilité du mécanisme graduel ou résiduel avec la donation-partage « classique » (3) (I) et la donation-partage transgénérationnelle (II) ;
  • les restrictions à la liberté de désignation du second gratifié (III) ;
  • les modalités de liquidation civile des donations-partages transgénérationnelles graduelles ou résiduelles (IV).

I – Sur la compatibilité de la donation-partage « classique » et de la donation graduelle ou résiduelle

La question de la compatibilité de la donation-partage entre parent et enfants avec le mécanisme graduel ou résiduel (4) conduit à s’interroger sur le point de savoir si les donations graduelles ou résiduelles s’analysent comme des libéralités avec charge pour le grevé de conserver et/ou de transmettre ou comme des libéralités conditionnelles :

  • s’il s’agit d’une libéralité avec charge, alors les deux transmissions se succèdent, sans que la seconde remette en cause la première ;
  • s’il s’agit d’une libéralité conditionnelle (5), le caractère rétroactif de la condition conduit à effacer la première transmission et à remettre en cause la donation-partage.

On comprend bien les conséquences négatives attachées à l’analyse de la libéralité conditionnelle : sachant que la donation-partage bénéficie nécessairement à des héritiers présomptifs, si le second gratifié prenait la place du premier, il serait nécessaire que le second gratifié soit lui-même un héritier présomptif du donateur (C. civ., art. 1075). Plus fondamentalement, on pourrait craindre que la donation-partage encoure la déqualification. En effet, la donation-partage a la particularité de réaliser un partage, c’est-à-dire une répartition définitive entre les donataires : le donateur attribue à chaque copartageant son lot. En cas de donation-partage graduelle ou résiduelle, le partage serait remis en cause rétroactivement au décès du premier gratifié (donataire copartageant) : le second gratifié se substituerait au premier gratifié. Or, si la loi présume que le second gratifié est un donataire direct du donateur (C. civ., art. 1051), elle ne le présume pas copartageant. Le mécanisme graduel viendrait rétroactivement remettre en cause la répartition opérée par la donation-partage entraînant une dégénérescence de la donation-partage graduelle ou résiduelle en donation ordinaire au décès du premier gratifié.

Les textes ne permettent pas de clore le débat entre libéralité avec charge et libéralité conditionnelle. Certes, l’article 1048 du Code civil dans sa définition même de la libéralité graduelle vise le terme de « charge » (6) et incite à comprendre que la libéralité graduelle réalise deux libéralités successives. En revanche, l’article 1051 du Code civil est source d’ambiguïté lorsqu’il précise que le second gratifié est réputé tenir ses droits de l’auteur de la libéralité (7).

On pourrait comprendre que cette règle permette en quelque sorte de revenir sur la libéralité d’origine, ce qui pourrait donner un argument à la thèse de la libéralité conditionnelle (8). Mais comme en pratique le bien va transiter du patrimoine du grevé à celui du second gratifié, il faut certainement considérer que l’article 1051 du Code civil crée une fiction juridique (9) destinée à faire sortir les biens donnés de la succession du grevé (10).

Quant à la doctrine moderne, elle analyse les substitutions comme des libéralités avec charge et limite la portée du mécanisme conditionnel. Ainsi, Marc Nicod (11) précise que les auteurs modernes préfèrent expliquer que « le premier gratifié est pleinement propriétaire des biens donnés ou légués, sous la charge de conserver et de transmettre. Cette double charge l’oblige à ne rien faire qui soit de nature à compromettre l’effet substitutif voulu par le disposant. Toutefois, elle ne s’impose à lui que dans la mesure où l’appelé lui survit effectivement. Si jamais l’appelé prédécède, les aliénations que le grevé aura pu consentir en faveur de tiers se trouveront définitivement consolidées. Dès lors, l’idée d’une condition de survie n’est pas complètement écartée, mais elle n’affecte que la disponibilité des biens. Autrement dit, ce n’est pas la propriété du grevé qui est conditionnelle, mais seulement son caractère inaliénable ».

II – Sur la compatibilité entre la donation-partage transgénérationnelle et le mécanisme graduel ou résiduel

L’analyse des donations graduelles et résiduelles comme des libéralités avec charge permet de valider la donation-partage transgénérationnelle graduelle ou résiduelle quand bien même le premier et le second gratifiés appartiendraient à des souches distinctes.

A – Le premier et le second gratifiés appartiennent à la même souche

Raisonnons dans un premier temps sur l’hypothèse 1, où le second gratifié (PE2) est membre de la même souche que le grevé (PE1).

La solution proposée nous paraît pouvoir être validée en dehors de toute considération sur l’analyse juridique du mécanisme graduel. En effet, même si l’on adhère à la thèse de la libéralité conditionnelle, l’anéantissement rétroactif de la première transmission ne paraît pas entraîner un risque de déqualification de la donation-partage transgénérationnelle si celle-ci a lieu au sein d’une même souche. En effet, l’article 1078-6 du Code civil dispose que : « Lorsque des descendants de degrés différents concourent à la même donation-partage, le partage s’opère par souche (12)» . Par conséquent, l’insertion d’une clause graduelle ou résiduelle au profit d’un autre membre d’une même souche maintient la répartition opérée par la donation-partage et exclut tout risque de déqualification en donation ordinaire.

En ce qui concerne l’obstacle soulevé supra pour la donation-partage « classique », lié au fait que celle-ci ne peut avoir lieu qu’entre héritiers présomptifs du disposant, qualité que n’a pas nécessairement le second gratifié (notamment si les seconds gratifiés sont les propres enfants du grevé), la donation-partage transgénérationnelle est à ce niveau plus souple que la donation « classique » puisqu’elle permet que soient allotis les descendants quel que soit leur degré de parenté (C. civ., art. 1078-4).

B – Le premier et le second gratifiés n’appartiennent pas à la même souche Que penser alors de l’hypothèse 2 dans laquelle, si l’enfant alloti (E3) n’a pas de descendance, le second gratifié (PE1, PE2, PE3 et PE4 dans notre illustration) reçoit le bénéfice de la donation-partage transgénérationnelle graduelle ou résiduelle sans appartenir à la même souche que le grevé ?

L’originalité de l’hypothèse ici visée réside dans le fait que le décès du premier gratifié sans descendance fait disparaître la souche qu’il formait à lui seul. Dans ce cas, seule l’analyse aux termes de laquelle la donation graduelle ou résiduelle réalise une libéralité avec charge, et non une libéralité conditionnelle, permet la validation du schéma : en effet, l’exécution de la charge ne remet pas en cause la donation-partage initiale qui est maintenue.

III – Sur les limites à la liberté de désignation du second gratifié

Si la charge graduelle ne peut être imposée en principe que sur la quotité disponible, elle peut cependant grever la réserve du premier gratifié avec son consentement comme l’autorise l’alinéa 2 de l’article 1054 du Code civil. Pour autant, dans cette hypothèse, la liberté du disposant de désigner le second gratifié n’est pas totale.

L’alinéa 4 de l’article 1054 du Code civil prévoit en effet que la charge graduelle grevant la réserve du premier gratifié bénéficie de plein droit à l’ensemble de ses enfants nés et à naître. Ce texte donne aux descendants directs de l’enfant gratifié en premier un droit sur la réserve de leur auteur sur la base duquel ils pourraient demander la limitation à la quotité disponible de la charge graduelle bénéficiant à un tiers.

Si le premier gratifié n’a pas d’enfant, le principe de liberté de désignation du premier gratifié n’est pas limité. Ainsi, dans l’illustration 2 où le premier gratifié E3 est un héritier réservataire du disposant, ce n’est qu’en l’absence de descendance que le consentement de E3 à ce que la charge de conserver et de transmettre grève son allotissement au profit de ses neveux et nièces (PE1, PE2, PE3 et PE4 dans notre illustration) permettra de gratifier ces derniers en second.

Lorsque le premier gratifié est le petit-enfant (illustration 1), la question se pose en des termes différents. En effet, dans cette hypothèse, les limites de l’article 1054, alinéa 4, du Code civil semblent en première analyse ne pas s’appliquer, le petit-enfant n’étant pas héritier réservataire du disposant. Cela étant, le mécanisme de la donation-partage transgénérationnelle prévoit une imputation du bien reçu par le petit-enfant (PE1) sur la réserve de l’enfant (E1) dans la succession du grand-père donateur (v. infra, IV). Il nous paraît donc important que les seconds gratifiés appartiennent à la même souche que l’enfant (E1) et soient ses propres enfants (PE2 dans l’illustration 1).

Enfin, signalons que la situation est moins confortable avec la libéralité résiduelle du fait de l’absence de renvoi à l’article 1054 du Code civil par les textes organisant le régime des libéralités résiduelles. La possibilité de grever la réserve du premier gratifié dans le cadre d’une libéralité résiduelle, même avec l’accord de l’intéressé, demeure donc incertaine, bien qu’au fond il n’y ait aucune raison de traiter plus sévèrement les libéralités résiduelles que les libéralités graduelles.

IV – Les modalités de liquidation civile des donations-partages transgénérationnelles graduelles ou résiduelles

Si le législateur a été très précis sur la liquidation civile des donations-partages transgénérationnelles, établissant des règles complexes obligeant à retraiter ces donations à la fois dans la succession de l’ascendant donateur mais également dans celle de l’enfant ayant « renoncé » à sa part de réserve au profit de ses propres enfants (les petits-enfants allotis), il est pratiquement muet sur la liquidation civile des libéralités graduelles ou résiduelles. Ce silence du législateur pose des difficultés sur le plan liquidatif à chaque fois que la charge graduelle ou résiduelle grève une réserve, ce qui est le cas dans nos illustrations. Rappelons que lorsque la donation-partage est consentie à un petit-enfant (comme dans notre illustration 1 qui nous servira de référence) :

  • dans la succession du donateur, la donation est présumée au bénéfice de l’enfant (E1) ; la donation s’impute sur la réserve de l’enfant revenant à chaque souche puis sur la quotité disponible. Lorsque tous les enfants de l’ascendant donateur ont donné leur consentement au partage anticipé et qu’il n’a pas été prévu de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent, la libéralité est évaluée au jour de la donation-partage pour l’imputation et le calcul de la réserve (C. civ., art. 1078-8).
  • dans la succession de l’enfant, tout se passe comme si le petit-enfant (PE1) avait reçu le bien de son ascendant direct via une donation simple, sauf si tous les descendants du défunt ont reçu un lot dans le partage anticipé et qu’il n’y a pas de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent, auquel cas le rapport n’est pas dû et les biens sont évalués au jour de la donation (C. civ., art. 1078-9) (schéma 1).

Lorsque l’on insère une clause graduelle ou résiduelle dans la donation-partage transgénérationnelle, deux fictions juridiques vont donc se succéder :

  • au décès du donateur, en application des règles de liquidation de la donation transgénérationnelle, l’enfant (E1 et non le bénéficiaire effectif, c’est-à-dire le petit-enfant PE1) est présumé avoir reçu le bien (schéma 1) ;
  • puis, au décès du petit-enfant (PE1), par le mécanisme graduel ou résiduel, le second gratifié (PE2) est présumé tenir ses droits directement du donateur (le grand-père) en vertu de l’article 1051 du Code civil (schémas 2 et 3).

Convient-il alors, au décès du premier gratifié, de liquider une seconde fois la succession de l’ascendant donateur ? Autrement dit, il faut s’interroger sur le point de savoir si la charge graduelle ou résiduelle doit être prise en compte dès l’ouverture de la succession du donateur, rendant la liquidation de celle-ci définitive, ou, au contraire, si la mise en œuvre du mécanisme graduel ou résiduel au décès du premier gratifié (le petit-enfant PE1) rend une seconde liquidation de la succession du donateur nécessaire (13).

À notre avis, la charge graduelle ou résiduelle doit être prise en compte en amont lors de l’unique liquidation de la succession du donateur (le grand-parent), sans remise en cause au jour du décès du premier gratifié (le petit-enfant).

Nous appuyons notre position sur les arguments suivants :

  • il résulte des travaux parlementaires que la fiction de l’article 1051 du Code civil a été créée dans le but de faire sortir les biens donnés de la succession du premier gratifié. Dans son rapport (14), Henri de Richemont considère que : « sur le plan civil, la fiction juridique ainsi créée vise à faire échapper les biens, ainsi obtenus par le second gratifié, aux règles de rapport et d’imputation applicables à la succession du premier gratifié ». Ainsi, l’objectif du législateur n’était pas de retraiter la donation graduelle ou résiduelle dans la succession du donateur ;
  • la sécurité juridique et le bon sens invitent à ne pas liquider à nouveau la succession du donateur. En effet, retraiter la succession du donateur aboutirait à des résultats aberrants. Par exemple, en matière d’évaluation des biens donnés pour l’imputation et le calcul de la réserve, la date d’évaluation est en principe celle de la donation-partage alors qu’elle est fixée au jour du décès dans le cadre de la donation graduelle ou résiduelle : au décès du premier gratifié, il faudrait donc liquider une seconde fois la succession du donateur en prenant en compte la valeur des biens donnés au jour du décès du donateur et non plus au jour de la donation-partage ;
  • les donations graduelles et résiduelles devant être analysées selon nous comme des libéralités avec charge, la première transmission n’est pas remise en cause au décès du premier gratifié : dès lors, la donation-partage est maintenue suite au décès du premier gratifié. Or il est évident qu’un bien ne peut être donné qu’une seule fois par un même donateur : sur le plan liquidatif, le donateur ne peut pas être considéré comme ayant donné successivement le bien à la fois par une donation-partage (la donation transgénérationnelle à PE1) et par une donation simple (la donation graduelle/résiduelle à PE2).

La question est alors de déterminer les modalités de liquidation de la charge graduelle ou résiduelle stipulée dans le cadre de la donation-partage transgénérationnelle.

Lors de la reconstitution de la masse successorale par réunion fictive des libéralités, la donation avec charge est en principe prise en compte pour l’émolument net transmis au donataire, c’est-à-dire la valeur du bien donné moins la valeur de la charge. Cependant, lorsqu’une charge est stipulée au bénéfice d’un tiers – ce qui est le cas de la clause graduelle ou résiduelle stipulée au profit d’un second gratifié –, elle s’analyse comme une libéralité en sous-ordre soumise à réunion fictive. Autrement dit, doivent être réunis à la fois l’émolument net transmis au donataire mais également la charge, ce qui équivaut à réunir la valeur de la pleine propriété du bien donné (15), comme si la charge n’existait pas.

Il en résulte que les biens transmis par la donation-partage transgénérationnelle graduelle ou résiduelle devront donc être inclus dans la masse de calcul successorale de l’ascendant donateur pour leur valeur en pleine propriété sans déduction de la charge.

Pour les opérations d’imputation des libéralités, il convient en règle générale de différencier le secteur d’imputation (réserve ou quotité disponible) de l’émolument net et de la charge. Toutefois, en présence d’une donation transgénérationnelle graduelle ou résiduelle, l’émolument net et la charge doivent, selon nous, s’imputer tous deux sur la réserve de l’enfant (E1) du donateur :

  • d’après les règles de liquidation de la donation-partage transgénérationnelle (schéma 1), l’émolument net transmis au petit-enfant est présumé s’imputer sur la réserve de l’enfant du donateur ;
  • la charge graduelle (ou résiduelle) s’impute en principe sur la quotité disponible (C. civ., art. 1054, al. 1er). Cependant, on peut considérer qu’en donnant son accord à la donation-partage transgénérationnelle graduelle ou résiduelle, l’enfant (E1) a nécessairement donné son accord à ce que sa charge grève sa réserve (C. civ., art. 1054, al. 2). La charge s’impute donc, comme l’émolument net donné, sur la réserve de l’enfant du donateur.
  • Au final, la charge suivant systématiquement le sort de l’émolument net donné, la liquidation de la succession du donateur est équivalente à celle obtenue sans tenir compte de la charge graduelle ou résiduelle. La stipulation d’une charge graduelle ou résiduelle dans une donation-partage transgénérationnelle n’a donc pas d’incidence sur le plan liquidatif.


(1) Rappelons qu’en cas de décès du petit-enfant de l’ascendant donateur, le droit de retour légal (C. civ., art. 738-2) ou conventionnel (C. civ., art. 951) ne pourra pas jouer en faveur de ses parents, ces derniers n’étant pas donateurs.

(2) Par opposition à la famille « par alliance ».

(3) Nous entendons par donation-partage « classique » la donation-partage à des héritiers présomptifs du donateur (C. civ., art. 1075 et s.).

(4) Sur ce débat, v. M. Nicod,– J.-Cl. Civil, art. 1048 à 1056, Fasc 10, nos 12 et s.

(5) Si la libéralité est conditionnelle, le grevé est propriétaire des biens reçus sous condition résolutoire qu’il prédécède à l’appelé, l’appelé étant propriétaire sous la condition suspensive qu’il survive au grevé. Cette analyse traditionnelle de la substitution fidéicommissaire est reprise dans les travaux préparatoires à la loi du 23 juin 2006. N. Peterka,– J.-Cl. Civil, art. 843 à 857, Fasc. unique : Successions, Rapport des libéralités, Généralités et domaine d’application, n° 26.

(6) C. civ., art. 1048 : « Une libéralité peut être grevée d’une charge comportant l’obligation pour le donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l’objet et de les transmettre, à son décès, à un second gratifié, désigné dans l’acte ».

(7) M. Nicod, J.-Cl. Civil, art. 1048 à 1056, précité, nos 21 et s.

(8) En ce sens, H. de Richemont,– Rapp. Sénat n° 343, 2005/2006, p. 263 ; M. Clermon et P. Cenac, Libéralités graduelles et résiduelles, JCP N 2006, n° 38, 1304.

(9) Dans ce sens, v. M. Nicod (J.-Cl. Civil, art. 1048 à 1056, précité, nos 21 et s.) selon lequel la fiction réside dans le fait que l’appelé reçoit concrètement les biens du patrimoine du grevé alors qu’il est légalement censé les tenir du disposant.

(10) La règle vise également à donner la clé pour la liquidation fiscale à effectuer au décès du grevé, H. de Richemont, Rapp. Sénat n° 343, précité.

(11) M. Nicod, J.-Cl. Civil, art. 1048 à 1056, précité, n° 19, en citant M. Grimaldi, Y. Lequette et Fr. Terré.

(12) Chaque souche est constituée par chaque enfant du donateur et ses descendants.

(13) Remarquons que la difficulté concerne toutes les donations graduelles/résiduelles grevant une réserve.

(14) H. de Richemont, Rapp. Sénat n° 343, précité.

(15) P. Catala, La réforme des liquidations successorales, Defrénois, 3e éd., n° 72, p. 174 ; M. Mathieu, J.-Cl. Liquidations-Partages, Fasc. 110, Quotité disponible et réserve, n° 164.

Par Sylvie Lerond,
et Grégory Dumont,
Avocats

Article paru dans la revue Droit & Patrimoine n°184 - Septembre 2009

Auteurs

Sylvie Lerond
Grégory Dumont