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La loi de ratification des ordonnances Macron est adoptée !

20/02/2018

Dans le cadre de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement le 27 septembre 2017, le Sénat et l’Assemblée nationale réunis en commission paritaire mixte ont adopté, le mercredi 31 janvier 2017, un texte commun sur le projet de loi ratifiant les diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Ce texte ratifie également l’ordonnance "balai" du 20 décembre 2017. Après avoir été présenté à nouveau devant l'Assemblée nationale, ce texte vient d'être définitivement adopté, le 14 février 2018, par le Sénat.

La loi de ratification ne se limite pas à entériner le texte des ordonnances du 22 septembre et du 20 décembre 2017. En effet, outre la ratification des cinq ordonnances, elle corrige certaines erreurs ou "coquilles" figurant dans les textes initiaux, et modifie, sur le fond, de nombreuses dispositions.

En voici les principales mesures, qui nous semblent devoir être signalées aux entreprises.

  • Sur le renforcement de la négociation collective

Le texte modifie plusieurs dispositions "clés" de cette ordonnance. Il apporte des précisions en matière de révision et de dénonciation des accords conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et précise les conditions de maintien de la rémunération lorsque l’accord dénoncé ou mis en cause n’est pas remplacé par un nouvel accord à l’issue d’un délai de 15 mois suivant sa dénonciation ou sa mise en cause.

Révision et dénonciation. La loi précise que les accords conclus dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, dont l'effectif est compris entre 11 et 49 salariés, peuvent être révisés ou dénoncés dans les mêmes formes, ce qui n’était pas précisé dans l’ordonnance.

Ces modalités de révision ou de dénonciation sont également applicables aux entreprises qui viennent ultérieurement remplir cette condition d'effectif, quelles que soient les modalités selon lesquelles l'accord collectif a été conclu.

Signature de l’accord par des membres titulaires du comité social et économique (CSE) représentant la majorité des suffrages exprimés. Le texte précise les modalités de calcul de cette majorité qui se mesure en fonction des seuls suffrages exprimés en faveur des membres élus du CSE, et non plus de la totalité des suffrages exprimés.

Lorsque l’accord est conclu par des membres titulaires du CSE central, il est tenu compte, pour chacun d’eux, d’un poids égal au rapport entre le nombre de suffrages exprimés dans l’établissement en faveur de ce membre et du nombre total des suffrages exprimés en faveur des membres titulaires dans chaque établissement.

Maintien de la rémunération des 12 derniers mois auquel peut prétendre le salarié lorsque l’accord dénoncé ou mis en cause n’a pas été remplacé par un nouvel accord à l’expiration du délai de 15 mois. Dans un tel cas, le salarié a droit à une garantie de rémunération dont le montant ne peut être inférieur à la rémunération versée en application de l’accord dénoncé et du contrat de travail. Cette garantie peut être assurée par le versement d’une indemnité différentielle entre la rémunération qui lui était due en vertu de l’accord dénoncé ou mis en cause et son contrat de travail et le montant de la rémunération résultant du nouvel accord s’il existe et de son contrat de travail, dans la limite de la rémunération conventionnelle antérieure (C. trav., art. L.2261-13 et L.2261-14).

Modification des règles de publication des accords. L’anonymisation des accords collectifs destinés à être publiés, qui n’était automatique qu’à titre transitoire, devient la règle. En outre, les accords d’intéressement, de participation, les plans d’épargne d’entreprise, interentreprises ou pour la retraite collectifs, ainsi que les plans de sauvegarde de l’emploi conventionnels et les accords de performance collective sont dispensés de cette obligation de publication (C. trav., art. L.2231-5-1). Enfin, le nouveau texte prévoit que l’employeur peut occulter les éléments portant atteinte aux intérêts stratégiques de l’entreprise.

  • Sur la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise

Le texte issu de la commission mixte paritaire contient plusieurs dispositions nouvelles concernant notamment, les mesures transitoires et le fonctionnement du CSE. 

Possibilité de mettre en place le CSE de manière anticipée lorsque les mandats des anciennes instances représentatives du personnel arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019. Dans ce cas, la durée des mandats pourra être réduite d’une durée maximale d’un an, par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur, après consultation du comité d’entreprise.

Mise en place d’un CSE central. Le texte corrige "l’oubli" de l’ordonnance en précisant que la mise en place d’un CSE central, en cas de pluralité d’établissements distincts, ne s’impose que dans les entreprises d’au moins 50 salariés (C. trav., art. L.2313-1).

Règlement intérieur du CSE. Le texte codifie la jurisprudence selon laquelle, sauf accord de l'employeur, le règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales.

Budget de fonctionnement et financement des activités sociales et culturelles. Les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement ne sont plus prises en compte dans l’assiette de calcul de la subvention de fonctionnement du CSE et de la contribution de l’employeur aux activités sociales et culturelles du CSE (C. trav., art. L.2312-38 et L.2315-61).

La loi supprime le plancher de financement des activités sociales et culturelles par référence au total le plus élevé des trois dernières années et prévoit qu’à défaut d’accord, le rapport de cette contribution à la masse salariale ne peut être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente.

S’agissant du budget de fonctionnement, le texte prévoit désormais que seule une partie de l’excédent peut être affecté au financement des activités sociales et culturelles et qu’un tel transfert est impossible pendant trois ans lorsque l’employeur a été contraint de prendre en charge la totalité du coût de l’expertise au motif que le budget de fonctionnement est insuffisant.

Limitation à trois du nombre de mandats successifs. Le nombre de mandats est désormais limité à trois sauf pour les entreprises de moins de cinquante salariés ou pour les entreprises de cinquante à moins de trois cents salariés lorsque le protocole d’accord préélectoral en dispose autrement (C. trav., art. L.2314-33). Cette limitation s’applique également dans les mêmes conditions aux membres du CSE central et aux membres des CSE d’établissement. En revanche, elle ne s'applique qu'aux seuls mandats exercés à compter de la mise en place du CSE.

Expertises. S’agissant du nouveau mode de financement de certaines expertises ponctuelles pour lesquelles il est prévu un financement à hauteur de 20 % par le CSE et de 80 % par l’employeur, le texte prévoit une prise en charge total du coût de l’expertise par l’employeur lorsque le budget de fonctionnement est insuffisant pour couvrir ce coût et lorsque celui-ci n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget des activités sociales et économiques au cours des trois années précédentes.

En outre, le texte ouvre un nouveau cas de recours à l’expertise dans le cadre de l’expertise technique pour préparer la négociation relative à l’égalité professionnelle dans les entreprise d’au moins 300 salariés.

Instance de dialogue social dans les réseaux de franchise. Cette mesure, très contestée au moment de sa création par la loi Travail du 8 août 2016 (n° 2016-1088), est supprimée.

  • Sur la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail

Télétravail. La rédaction de l’article L.1222-9 du Code du travail est modifiée. Désormais le télétravail peut être mis en place de façon régulière même en l’absence de charte ou d’accord collectif, par accord formalisé par tout moyen entre l’employeur et le salarié.

Rupture conventionnelle collective. Le texte prévoit la possibilité de proposer un congé de mobilité dans le cadre d’un accord portant rupture conventionnelle, et précise le contenu de l’accord portant rupture conventionnelle collective.

Ce dernier doit désormais indiquer la durée pendant laquelle les ruptures du contrat de travail peuvent être engagées, les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié ainsi que les modalités d’exercice du droit de rétractation par les parties.

Le contrôle exercé par la DIRECCTE est également précisé puisque celui-ci porte dorénavant sur le caractère précis et concret des mesures de reclassement externes.

Barème d’indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Si le texte initial indiquait que le juge pouvait tenir compte des indemnités de licenciement perçues par le salarié au moment de la rupture pour déterminer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est désormais précisé que l’indemnité légale de licenciement ne doit pas, quant à elle, être prise en compte.

Suivi médical. Une nouvelle disposition prévoit que les salariés qui font ou ont fait l’objet d’un suivi médical renforcé bénéficient d’un examen médical par le médecin du travail avant leur départ à la retraite. Cet examen a principalement pour objet d’établir une traçabilité et un état des lieux, à date, des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques et de mettre en place une surveillance post-professionnelle en lien avec le médecin traitant.

Apprentissage à l’étranger. La loi fixe les modalités selon lesquelles le contrat d’apprentissage peut être effectué en partie à l’étranger pour une période qui ne peut excéder un an.

Le texte désormais définitivement adopté devrait faire l'objet, dans les prochains jours, d'une saisine du Conseil constitutionnel qui devra se prononcer dans un délai d'un mois à l'issue duquel le texte pourra être publié et entrer en vigueur.

La ratification du texte aura pour effet de rendre sans objet l’ensemble des recours formés contre les ordonnances devant le Conseil d’Etat, celles-ci perdant, du fait de leur ratification, leur nature d’acte réglementaire.