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La victime d’une rupture brutale peut refuser d’exécuter le préavis

Si le préavis est insuffisant le refus de l’exécuter est indifférent !

21/04/2020

Dans une décision du 4 décembre 2019, la Cour de cassation juge qu’au titre de l’article L.442-6.I.5 (ancien) du Code de commerce, la partie qui octroie un préavis insuffisant engage sa responsabilité même si son co-contractant refuse d’exécuter ce préavis.

L’historique : une rupture des relations commerciales et un refus d’exécution du préavis

Depuis 2006, un fabricant et un grossiste de produits pharmaceutiques entretenaient des relations commerciales matérialisées par des contrats-cadres annuels, non reconductibles tacitement. En pratique, les parties devaient se réunir deux mois avant l’expiration de chaque contrat-cadre pour négocier les conditions d’un renouvellement éventuel.

Fin 2013, n’ayant pas réussi à s’accorder sur les conditions d’un contrat applicable en 2014, les parties signèrent un avenant prévoyant l’application du contrat en cours jusqu’au 28 février 2014 "dans l’attente de pouvoir éventuellement conclure un nouveau contrat-cadre applicable à compter du 1er mars 2014".

Le 14 février 2014, le grossiste invoqua les mauvaises performances de son fabricant pour lui notifier la fin de leur relation commerciale au 30 juin 2014 (soit avec un préavis de quatre mois), et ce, sous certaines conditions dont notamment une diminution des volumes livrés. Une extension de ce préavis était, semble-t-il, une option envisageable par le grossiste si le fabricant le souhaitait.

Dans ce contexte, le fabricant refusa d’exécuter le préavis. En faisant preuve d’une relative mauvaise fois, le grossiste lui reprocha alors d’être à l’origine de la rupture brutale de leur relation commerciale. Deux actions fondées sur l’article L.442-6.I.5 (ancien) du Code de commerce se faisaient donc face !

Cause et conséquence de la rupture : la Haute juridiction ne s’y est pas trompée

Dans un arrêt instructif à divers égards, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme la position des juges du fond (CA Paris, 28 février 2018, n° 16/09874) et estime que "du fait de l'insuffisance du préavis accordé, de sa tardiveté et des conditions d'exécution nouvelles imposées, il ne peut être reproché [au fabricant] d'avoir refusé d'exécuter le préavis" (Cass. com., 4 décembre 2019, n° 18-15.640). Pour les hauts magistrats, ce refus était la conséquence logique et légitime de la rupture brutale imposée par le grossiste et non sa cause.

En l’espèce, il est possible de penser qu’un préavis de quatre mois a été jugé insuffisant au regard de relations qui avaient duré approximativement huit ans. De plus, ce préavis était assorti de conditions d’exécution préjudiciables au fabricant (diminution des livraisons) alors même qu’il est de jurisprudence constante que pendant la période de préavis les parties doivent continuer à exécuter leurs obligations aux mêmes conditions qu’antérieurement (Cass.com, 10 février 2015, n° 13-26.414).

Pour la Cour de cassation, l’auteur de la rupture brutale était donc bien le grossiste qui n’avait pas respecté un préavis suffisant et non le fabricant qui refusait d’exécuter ce préavis trop court et dont les modalités d’exécution lui étaient défavorables. Ce refus d’exécuter ne constituait pas, en l’espèce, une faute du fabricant.

Une fois de plus, cette décision rappelle l’importance de définir la durée du préavis avec rigueur et attention. A défaut d’une telle précaution, la responsabilité de l’auteur de la rupture sera engagée au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies (article L.442-1.II nouveau du Code de commerce). Le refus d’exécuter un préavis trop court ne devrait pas permettre d’échapper à une condamnation.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des affaires commerciales de Juin 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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