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Publication de la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre

30/03/2017

1L. n° 2017-399, 27 mars 2017, JO 28 mars

Par cette loi, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) fait son entrée dans le Code de commerce. En effet dès 2017, les grandes entreprises devront établir et mettre en place un plan de vigilance afin de prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes et l’environnement, susceptibles de résulter de leur activité, de celles des sociétés qu’elles contrôlent, de leurs sous-traitants et fournisseurs habituels.

Sont tenues à cette obligation les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre dont le siège social est fixé sur le territoire français et qui emploient, elles-mêmes et par l’intermédiaire de leurs filiales, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés sur le territoire français ou 10 000 salariés dans le monde (C. com., art. L. 225-102-4).

Ce plan de vigilance devra comprendre une cartographie des risques, des procédures d’évaluation des filiales, sous-traitants et fournisseurs, des actions d’atténuation des risques et de prévention, un mécanisme d’alerte et de signalement ainsi qu’un dispositif de suivi et de mise en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. Il devra être rendu public et inclus dans le rapport présenté à l’assemblée générale prévu par l’article L. 225-102 du Code de commerce.

À compter de la présentation de ce rapport pour l’exercice 2018, le compte-rendu de la mise en œuvre du plan devra être établi et rendu public. De plus, des dispositions contraignantes entreront en vigueur à cette date (C. com., art. L. 225-102-4 et L. 225-102-5) :

  • les sociétés qui ne respectent pas cette obligation pourront faire l’objet d’une mise en demeure, qui pourra, selon le rapport du Sénat, être adressée par toute personne ayant intérêt à agir (personne physique, association, etc.) ;
  • à défaut de mise en conformité dans un délai de trois mois, toute personne justifiant d’un intérêt à agir pourra saisir la juridiction compétente1 pour en demander le respect sous astreinte ;
  • en outre, la responsabilité civile de l’entreprise pourra être engagée pour l’obliger à réparer intégralement le préjudice que l’exécution de ces obligations aurait permis d’éviter. Cette action pourra être introduite devant la juridiction compétente1 par toute personne justifiant d’un intérêt à agir. La juridiction pourra ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci.

Selon l’exposé des motifs, l’objet de la loi est « de responsabiliser ainsi les sociétés transnationales afin d’empêcher la survenance de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement ».

Ainsi, si le texte vise les atteintes portées aux droits « des personnes » sans aucune distinction, alors la responsabilité de l’entreprise pourrait être engagée par toute personne, physique ou morale, qui y aura intérêt, y compris ses propres salariés. C’est d’ailleurs ce que suggèrent les travaux parlementaires de la loi.

Dans ces conditions, s’agissant des atteintes à « la santé et la sécurité des personnes », on peut s'interroger sur l'articulation de ce nouveau dispositif avec l’obligation de sécurité de l’employeur et avec le mécanisme de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, dont le caractère forfaitaire est validé par toutes les juridictions françaises et internationales.

Un décret en Conseil d’Etat pourra compléter les mesures de vigilance et préciser les modalités d’élaboration et de mise en œuvre du plan de vigilance.

En conclusion, à l’instar des lois Auroux de 1982, qui ont initié le mouvement vers la reconnaissance des droits du salarié-citoyen, la loi du 27 mars 2017 pose la première pierre des devoirs de l’entreprise-citoyenne.


1 À défaut de précision, il s’agit de la juridiction civile de droit commun : le tribunal d’instance pour les litiges dont l’enjeu est inférieur à 5 000 € et le tribunal de grande instance pour les autres litiges.