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Quid des négociations de 2011 sur l'égalité hommes-femmes et sur la pénibilité ?

27/12/2011


L'imminence de l'entrée en vigueur des dispositifs issus de la loi du 9 novembre 2010 en matière d'égalité professionnelle et de pénibilité suscite de nombreuses questions de la part des employeurs. Retour sur les modalités et les délais d'accomplissement de ces nouvelles obligations, à la lumière des circulaires du 28 octobre 2011.


La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites est à l'origine de nouvelles mesures destinées à favoriser l'égalité hommes-femmes et la prévention de la pénibilité. À compter du 1er janvier 2012, les entreprises de 50 salariés et plus(1)(2) devront ainsi être couvertes, d'une part, par un accord ou, à défaut, par un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et, d'autre part, par un accord ou par un plan d'action concernant la prévention de la pénibilité si la proportion de l'effectif de l'entreprise(3), exposée à un ou plusieurs facteurs de pénibilité énumérés à l'article D.4121-5 du Code du travail, est au moins égale à 50 %. Une circulaire DGT et une circulaire interministérielle du 28 octobre 2011 sont venues apporter l'éclairage de l'Administration sur ces nouvelles obligations.

La tentative de négociation d'un accord, préalable obligatoire ?

Tout d'abord, se pose la question de savoir si la tentative de négociation d'un accord constitue un préalable obligatoire à l'adoption d'une décision unilatérale intitulée, dans les deux cas, « plan d'action » : la rédaction des textes laisse à penser que la réponse est différente selon qu'il s'agit de la prévention de la pénibilité ou de la promotion de l'égalité hommes-femmes. En effet, l'article 77 de la loi susvisée évoque « un accord ou un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité » sans jamais établir de hiérarchie entre ces deux modes d'accomplissement par l'entreprise de sa nouvelle obligation.

La circulaire DGT du 28 octobre 2011 conforte cette interprétation du texte puisqu'elle précise que « l'employeur a le choix soit de négocier un accord, soit de réaliser un plan d'action ». En revanche, l'article 99 de la même loi requiert, en matière d'égalité professionnelle, la couverture par un accord « ou, à défaut d'accord », par un plan d'action. Même si la circulaire interministérielle n'apporte aucune précision sur ce point, cette formulation conduit à conseiller à tout employeut d'être en mesure de prouver qu'il a tenté de passer par la voie de la négociation d'un accord collectif avant d'emprunter celle de la décision unilatérale.

La date de couverture pour ne pas encourir de pénalité financière

Autre sujet majeur de préoccupation des employeurs, la date à laquelle leur entreprise doit être couverte pour ne pas encourir la pénalité financière. Il convient de noter, à cet égard, qu'il n'y a pas de contrôle de conformité de l'accord ou du plan d'action lors de sa mise en place ; c'est à l'occasion d'un contrôle que l'inspecteur du travail risque de constater l'absence d'engagements conformes aux exigences légales et réglementaires. La DIRECCTE pourra alors prendre la décision d'appliquer une pénaliré qui peut atteindre 1 % des rémunérations ou gains versés à l'ensemble des travailleurs en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes, et aux seuls travailleurs exposés en ce qui concerne la prévention de la pénibilité. Cette pénalité n'est cependant pas rétroactive : elle ne s'applique ainsi qu'à compter de la notification du taux à l'employeur. Or, l'inspecteur du travail devra, avant d'envisager de sanctionner une entreprise, nécessairement la mettre en demeure de combler sa carence et ce, sous un délai de 6 mois. Les circulaires du 28 octobre 2011 précisent que, si l'entreprise a régularisé sa situation à l'échéance du délai de 6 mois, le DIRECCTE notifiera sa décision de ne pas appliquer la pénalité.

Dès lors qu'il est ainsi établi que l'Administration laissera le temps aux entreprises pour se mettre en conformité avec leurs nouvelles obligations, il y a lieu de privilégier le travail au fond des accords et plans d'action. Par ailleurs, il convient de mettre l'accent sur ce qui constitue, à notre sens, trois points de vigilance en la matière.

Trois points de vigilance pour les entreprises

Au regard de l'égalité hommes-femmes tout d'abord, les articles L.2242-5-1 et R.2242-2 du Code du travail imposent la fixation par accord ou, à défaut, par décision unilatérale prenant la forme d'un « plan d'action » intégré au rapport présenté annuellement au Comité d'entreprise, d'objectifs de progression, d'actions permettant de les atteindre et d'indicateurs chiffrés dans deux (pour les entreprises de moins de 300 salariés) ou trois (pour les entreprises de 300 salariés et plus) des 8 domaines d'action que sont l'embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, la rémunération effective er l'articulation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.

Il en résulte que l'obligation de présenter annuellement un rapporr au comité d'entreprise portant notamment sut l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes perdure(4). Force est de constater par ailleurs, quant à la prévention de la pénibilité, que la détermination des populations exposées aux facteurs de risques professionnels n'est pas aisée en pratique. En effet, l'interprétation plus ou moins restrictive de la liste fixée à l'article D.4121-5 du Code du travail pourrait donner lieu à contentieux notamment compte tenu du caractère très technique des dispositions en cause. L'employeur, chargé de déterminer la proportion de l'effectif de son entreprise exposée(5), devra donc réaliser une analyse au cas par cas, rigoureuse et pointue.

Il convient, pour terminer, de relever que si aucune sanction n'est prévue pour non atteinte des objectifs fixés, un tel manquement pourrait toujours être avancé par exemple, concernant l'égalité hommes-femmes, au soutien d'une action en disctimination et, concernant la prévention de la pénibilité, en vue d'établir la faute inexcusable de l'employeur, ces deux types de contentieux étant de plus en plus fréquemment engagés par les salariés.

Ces deux thèmes phares de l'année 2011 méritent en conséquence qu'une attention toute patticulière leur soit consacrée dans les mois à venir.


1. Mais également, concernant la pénibilité, les entreprises de moins de 50 salariés appartenant à un groupe de 50 salariés et plus au sens du comité de groupe

2. La circulaire précise, concernant la pénibilité, qu'il y a lieu de négocier en 2011 lorsque l'effectif requis est atteint au 31 décembre 2010.

3. Y compris, selon la circulaire, les salariés mis à disposition et les salariés temporaires mais cette position parait discutable au regard des articles D. 138-25 et 26 du Code de la sécurité sociale.

4. Art. L.2323-47 et 57 du C. trav

5. Il convient de noter que le CHSCT est également chargé de procéder a l'analyse de l'exposition des salariés à des facteurs de pénibilité (art. L.4612-2 du C. trav.)


Par Marie-Pierre Schramm, avocat associé et Caroline Lambert, avocat

Chronique parue dans la revue Décideurs, Stratégie, Finance, Droit de Décembre 2011

Auteurs

Portrait deMarie-Pierre Schramm
Marie-Pierre Schramm
Caroline Lambert
avocat