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Règles de procédure et de motivation applicables au licenciement : ce qui change vraiment

23/01/2018

Le chapitre III de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 modifie les règles de procédure et de motivation applicables au licenciement pour motif personnel et économique. Il prévoit en effet la définition de modèles de lettre de licenciement et apporte un tempérament bienvenu à la règle jurisprudentielle selon laquelle, depuis les arrêts Janousek (Cass. soc., 26 oct. 1976, n° 75-40.659) et Rogié (Cass. soc., 29 nov. 1990, n° 88-44.308), l’absence ou l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement privait celui-ci de cause réelle et sérieuse.

Les conditions d’application de ces dispositions ont été précisées par deux décrets n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 établissant des modèles types de lettres de notification de licenciement et n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

  • Définition de modèles de lettres de licenciement 

Le décret du 29 décembre 2017 établit six modèles de lettres de licenciement susceptibles de couvrir tous les motifs de licenciement :

  • licenciement pour motif personnel disciplinaire (faute simple, faute grave faute lourde) ;
  • Licenciement pour inaptitude (professionnelle ou non professionnelle) ;
  • licenciement pour motif personnel non disciplinaire ;
  • licenciement individuel pour motif économique ;
  • licenciement pour motif économique de moins de 10 salariés sur une période de 30 jours ;
  • licenciement de plus de 10 salariés sur une période de 30 jours.

Ces modèles de lettres envisagent, pour chaque motif de licenciement, différentes options parmi lesquelles l’employeur doit opérer un choix en fonction de sa situation particulière et de celle du salarié. En outre, il est rappelé que ces modèles doivent être adaptés en fonction des dispositions contractuelles et conventionnelles applicables. 

Il est important de préciser que l’utilisation de ces modèles de lettre de licenciement n’a aucun caractère obligatoire pour les entreprises qui demeurent libres de les utiliser ou non.

  • Allègement des conséquences du manquement à la procédure conventionnelle

Il est fréquent que les conventions collectives instaurent, en sus des règles légales, des dispositions particulières en matière de procédure de licenciement, en particulier en matière disciplinaire. Dans un tel cas, une jurisprudence constante de la cour de cassation décidait que lorsque de telles mesures étaient prévues, leur non-respect par l’employeur constituait une irrégularité de fond privant le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 8 juin 2005 n° 03-46.754 ; Cass. soc., 17 mars 2010, n° 09-40.038).

Les dispositions issues de l’ordonnance n° 2017-1387 mettent désormais un terme à cette jurisprudence en indiquant expressément que "si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire".

En d’autres termes, la seule violation de la procédure conventionnelle ne constitue plus désormais la violation d’une garantie de fond privant le licenciement de cause réelle et sérieuse mais une simple irrégularité de procédure.

  • Possibilité de préciser les motifs de la lettre de licenciement

L’ordonnance n° 2017-1387 a également donné à l’employeur la possibilité de préciser, après la notification du licenciement, les motifs de celui-ci, soit à la demande du salarié, soit de sa propre initiative. Il s’agit là d’un tempérament à la règle, établie de longue date par la jurisprudence, selon laquelle l’absence ou l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse peu important que la réalité de ce motif soit, par ailleurs, établie. 

Étendue de la faculté de précision reconnue à l’employeur. Désormais l’employeur pourra ultérieurement "préciser" les motifs de celui-ci. Il semble résulter de l’utilisation du terme "préciser" qu’il est nécessaire qu’un motif de licenciement figure effectivement dans la lettre de licenciement. Ainsi, si aucun motif n’a été invoqué à l’appui de celui-ci, l’employeur ne devrait pas pouvoir corriger la lettre pour y introduire un motif de licenciement et ce dernier devrait, comme par le passé, être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. De même, l’utilisation du terme "préciser" exclut la possibilité pour l’employeur d’énoncer d’autres motifs que ceux qui figuraient initialement dans la lettre de licenciement. 

Demande de précisions par le salarié. Aux termes du décret du 15 décembre 2017, la demande de précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement doit être formulée par le salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge, dans les 15 jours de la notification de celui-ci. S’il le souhaite, l’employeur peut alors apporter ces précisions dans les mêmes formes, dans un délai de 15 jours à compter de cette demande. On le voit, l’employeur n’est donc en aucune façon, tenu de faire suite à la demande du salarié. 

En présence d'une telle demande, si l'employeur ne répond pas et que la lettre de licenciement est jugée insuffisamment motivée, le juge prononcera le licenciement sans cause réelle et sérieuse et le barème d'indemnisation prévu l'article L.1235-3 du Code du travail sera applicable. L'employeur a donc tout intérêt à répondre à la demande du salarié en complétant le mieux possible la motivation du licenciement. À noter, toutefois, que si l'employeur ne répond pas à la demande, estimant que la lettre est suffisamment motivée et que le juge tranche également en ce sens, l'absence de réponse n'entraîne pas de sanction spécifique.

En l’absence d’une telle demande du salarié, l'irrégularité que constitue l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité, égale à l’indemnité pour irrégularité de procédure, dont le montant ne peut excéder un mois de salaire. Pour que cette règle s’applique il faut tout de même que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux ce qu’il appartient au juge de vérifier.

Compte tenu des conséquences attachées au défaut de demande de précisions du salarié - l’insuffisance de motivation constituant alors une simple irrégularité de procédure - une question se pose alors : l’employeur doit-il indiquer, dans la lettre de licenciement, la faculté pour le salarié de demander des précisions concernant le motif du licenciement dans un délai de 15 jours à compter de sa notification ? Force et de constater que les textes ne prévoient aucune obligation en ce sens. Pourtant, tous les modèles de lettres établis par le décret du 29 décembre 2017 font état de cette faculté et on peut dès lors s’interroger sur les éventuelles conséquences d’un défaut d’information du salarié sur ce point. En principe, cette absence d'information ne devrait avoir aucune conséquence. Cependant, il ne peut être exclu qu’un juge, considérant que le salarié n’avait pas été informé de la possibilité de demander à l’employeur de préciser le motif de licenciement, décide qu’il s’agit d’un manquement de l’employeur qui doit être sanctionné. Dans ces conditions, il parait préférable, par prudence, de rappeler cette faculté pour le salarié dans la lettre de licenciement.

Précisions à l’initiative de l’employeur. Dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courrier remis en main propre contre décharge.

Si, en l’absence de demande du salarié, l’employeur ne procède pas à ces précisions, trois situations doivent alors être distinguées : 

  • soit, le juge décide que le licenciement est suffisamment motivé et aucune indemnité n’est alors versée au salarié ;
  • soit le licenciement est insuffisamment motivé mais le juge estime qu’il existe un motif réel et sérieux, et une indemnité d’un montant maximum d’un mois de salaire pour irrégularité de procédure ;
  • soit le licenciement est insuffisamment motivé et dépourvu de motif réel et sérieux et le salarié peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément au barème fixé par l'article L.1235-3.

Ainsi, on le voit, si le nouveau texte apporte un tempérament à la règle selon laquelle l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, ce manquement ne pourra constituer, en tout état de cause, une simple irrégularité de procédure que lorsque le salarié se sera abstenu de demander des précisions sur le motif du licenciement. Nul doute dans ces conditions qu’à l’occasion d’un licenciement, de telles demandes émanant des salariés deviennent systématiques.