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S'implanter en Russie

14/01/2008

Pays en forte croissance, la Russie bénéficie du cours élevé des matières premières ainsi que d'une demande intérieure soutenue. Les opportunités d'implantation sont multiples dans la plupart des secteurs d'activités ainsi qu'en atteste l'augmentation constante des investissements étrangers.

Une vaste modernisation du système juridique et fiscal a été mise en oeuvre au début des années 2000, permettant de lever nombre de contraintes et obstacles administratifs et légaux et de faciliter l'implantation des sociétés étrangères sur le territoire russe.

Cependant le poids de la bureaucratie reste important et les écueils nombreux sur la route d'une implantation réussie...

1.1. Il existe deux types d'implantation, fonction du secteur d'activité et/ou du niveau de maturité du projet : d'une part, une implantation légère par création d'une structure non dotée de la personnalité morale (bureau de représentation), d'autre part, une implantation commerciale sous forme de filiale ou de succursale.

1.2. Le bureau de représentation est une structure accréditée auprès des autorités russes qui ne peut exercer d'activité commerciale. Cette structure constitue habituellement le premier pas en Russie permettant d'héberger du personnel pendant la phase d'étude et de prospection de marché.

Si ce type de structure présente un avantage fiscal incontestable (en principe pas d'imposition, exonération de TVA sur loyers), son intérêt est cependant diminué par les lourdeurs administratives lors de sa création et de sa liquidation. Ce type d'implantation ne présente donc un véritable intérêt qu'en cas d'absence de visibilité de la politique commerciale de l'entreprise à moyen/long terme sur le marché russe.

1.3. Dans le cadre d'une implantation pérenne sur le marché russe, il est préférable de se tourner vers la création d'une succursale ou d'une filiale.

La succursale, structure non dotée de la personnalité morale mais accréditée auprès des autorités locales, permet de réaliser une activité commerciale sur le territoire russe. Cependant, en raison de difficultés pour importer des biens et équipements, ce type de structure est généralement recommandé pour les activités de services.
Dans le cadre d'une activité commerciale ou industrielle, l'implantation sous forme de filiale devient alors incontournable.

1.4. Les principales formes d'entités juridiques sont les sociétés à responsabilité limitée ("Obchestvo s Ogrannichennoye Otvetstvennostyou", en abrégé OOO) et les sociétés par actions (Aktsionernnoye Obchestvo, en abrégé AO) avec ou sans appel public à l'épargne. Ces entités peuvent exercer tout type d'activité légale, sous réserve de l'obtention de permis et licences pour certaines activités (banque, construction, alcool, pharmacie, etc.).
Les principes du droit des sociétés sont assez similaires à ceux que l'on peut rencontrer en Europe continentale sans pour autant bénéficier de la flexibilité et de la sophistication des législations européennes.

L'OOO est la structure la plus souple du point de vue de son fonctionnement. En pratique, il s'agit de la structure la plus couramment utilisée en cas de création d'une filiale à 100 %.

Les AO sont, quant à elles, généralement préconisées en cas de création d'une filiale comprenant plusieurs actionnaires dans la mesure où les droits et obligations des actionnaires sont mieux encadrés et où il n'existe pas de possibilité de sortie à tout moment (ce qui est le cas dans les OOO).

En pratique, en raison du manque de flexibilité et de modernité du droit russe, il demeure prudent de structurer les sociétés conjointes en dehors de Russie, dans une juridiction dans laquelle les droits des actionnaires pourront être sécurisés (au travers d'un pacte d'actionnaires notamment) et qui détiendra 100 % des titres de la société opérationnelle russe.

Les investisseurs peuvent enfin opter pour l'acquisition de sociétés russes existantes ou de participations dans de telles sociétés. La plupart des acquisitions d'actifs ou titres de sociétés russes sont soumis au contrôle des autorités de la concurrence. Les investisseurs à destination de la Russie peuvent faire appel aux financements institutionnels ou privés (banques, fonds d'investissements, financement intragroupe, etc.) étrangers.

Les financements bancaires russes, malgré leurs coûts prohibitifs, peuvent également être envisagés. Le système bancaire demeure cependant fragile et largement fragmenté. Il est donc de recommandé de travailler avec les principales banques russes ou les filiales des banques étrangères présentes sur le marché russe.

Depuis le 1er janvier 2007 les restrictions relatives au contrôle des changes ont quasiment disparu, levant ainsi l'un des derniers freins au développement économique de la Russie.

Les nombreuses réformes engagées depuis les années 2000 ont permis de rapprocher le système fiscal russe des normes internationales. Des lacunes demeurent cependant (régime de groupe, prix de transfert notamment) et l'application de la loi par les autorités fiscales reste encore problématique (en matière de TVA particulièrement).

D'une manière générale, les sociétés russes et les établissements stables de sociétés étrangères en Russie sont soumis à l'impôt sur les bénéfices au taux de droit commun de 24%. La base imposable est peu ou prou équivalente à celle que l'on connait en France (à ceci près que certaines charges de publicité, de formation, de représentation et de déplacements ne sont pas entièrement déductibles).

Les opérations commerciales sont assujetties à la TVA russe (au taux de droit commun de 18 % ou au taux réduit de 10 % ou 0 %) selon des règles équivalentes aux règles européennes. La mise en oeuvre de cette taxe demeure toutefois problématique en raison notamment d'un formalisme contraignant.

Les importations sont également soumises à la TVA ainsi qu'aux droits de douanes (taux de 0 à 20 % selon les biens importés). Certains régimes spécifiques autorisent toutefois une exonération partielle ou totale de la TVA et des droits de douane.

La Russie connait également une sorte de taxe professionnelle, dénommée impôt sur le patrimoine. Il s'agit d'une taxe régionale assise sur les immobilisations et prélevée au taux maximum de 2,2%.

Sur le plan social, les entreprises sont assujetties à un impôt social unique perçu sur la totalité des rémunérations versées. Cet impôt, entièrement à la charge de l'employeur, est calculé selon un barème d'imposition dégressif 26% à 2% des rémunérations brutes annuelles.

Enfin, les personnes physiques fiscalement domiciliées en Russie sont assujetties à l'impôt sur le revenu, au taux de droit commun de 13 % sur l'ensemble de leurs revenus mondiaux (30% pour les non résidents sur leurs revenus de source russe). L'impôt sur le revenu est directement prélevé à la source par les employeurs russes.

La Russie connaît un véritable boom immobilier entraînant des augmentations récurrentes des prix de l'immobilier tant à la location qu'à l'achat.

En raison de ce marché en perpétuelle croissance, certaines entreprises font le choix d'acquérir leurs propres bureaux cependant que d'autres investissent dans des sites industriels ou dans des exploitations agricoles. En toute hypothèse, une acquisition immobilière demeure complexe et peu transparente et mérite donc une attention toute particulière (cf. article paru dans la Lettre de l'Immobilier du 8 octobre 2007).

Le bon niveau de formation de la main d'oeuvre russe constitue un atout incontestable. Le marché du travail est peu organisé mais très actif et très compétitif, surtout dans les grandes villes.

Il convient par ailleurs de noter que le nouveau code du travail a conservé un cadre rigide et très formaliste des relations de travail qui est, dans l'ensemble, assez protecteur des droits du salarié. En revanche, les droits collectifs (syndicats, représentants du personnel, etc.) sont quasi inexistants dans l'environnement social russe.
Pour être valable, le contrat de travail doit être écrit et comporter certaines informations obligatoires. Le contrat à durée indéterminée demeure la règle. Le contrat à durée déterminée peut cependant être utilisé exceptionnellement (les cas de recours sont limitativement prévus par le code du travail).

La durée maximum légale de travail est de 40 heures par semaine. La loi prévoit quatre semaines de congés payés ainsi qu'un régime d'heures supplémentaires assez strict.

Les cas de rupture du contrat de travail sont quasiment identiques à ceux qui existent en France. La procédure de licenciement est particulièrement lourde et le juge peut imposer la réintégration du salarié, en cas de non respect de la procédure.

Si le coût de la main d'oeuvre est dans l'ensemble relativement faible, les rémunérations de certains cadres dans les grandes villes peuvent dépasser les salaires dans les grandes capitales européennes. A cet égard, le salaire minimum (2 300 roubles) n'est pas représentatif des rémunérations servies à Moscou.

Bien qu'il existe une assurance sociale obligatoire en Russie, le niveau de protection offert est relativement faible et les employeurs offrent généralement un régime volontaire d'assurance santé à leurs salariés.

Enfin, il convient de préciser que l'emploi de salariés étrangers est soumis à un régime contraignant d'obtention de visa de travail et de permis de travail, à renouveler chaque année et soumis à un quota.

En conclusion, malgré nombre de barrières administratives, la Russie offre aujourd'hui un climat juridique et fiscal très largement favorable au développement des investissements étrangers.


Article paru dans la Revue Option Finance du 19 novembre 2007


Authors:

Charles-Henry Roy, Carole Bréchot, Avocats CMS Bureau Francis Lefebvre Moscou