La Cour de cassation (Cass. civ. 3ème, 17 octobre 2019, n°18-19.611 et 18-20.550, FS- P+B+I) considère que la mesure d’instruction ordonnée en référé aux fins d’appréciation des malfaçons et désordres d’un immeuble ne suspend pas le délai de prescription de l’action en nullité du contrat de construction.
L’action en annulation d’un contrat de construction de maison individuelle (CCMI)
En décembre 2006, M.C et la société Le Chêne Constructions concluent un CCMI.
Avant la réception de l’immeuble, M.C constate de nombreuses malfaçons et désordres. Il saisit le juge des référés qui, par ordonnance en date du 24 décembre 2009, désigne un expert pour apprécier ces derniers. L’expert rend son rapport en décembre 2011.
Plus de cinq ans après la conclusion du CCMI, en août 2012, M.C assigne la société Le Chêne Constructions en annulation du contrat et subsidiairement en résolution ou en réparation des désordres affectant la maison.
La Cour d’appel juge recevable la demande en nullité du contrat de M.C. A l’appui de sa position, elle indique qu’ « il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription, prévue par l’article 2239 du code civil, et que l’expertise sollicitée en référé est utile à l’appréciation de la demande en nullité du contrat, les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction“.
Estimant au contraire que la mesure d’instruction ordonnée en référé aux fins d’appréciation des malfaçons et désordres de l’immeuble ne suspend pas le délai de prescription de l’action en nullité du contrat de construction, la société Le Chêne Constructions saisit la Cour de cassation en annulation de la décision d’appel.
L’application rigoureuse par la Cour de cassation du champ d’application de l’article 2239 du Code civil
La Cour de cassation applique avec rigueur le champ d’application du premier alinéa de l’article 2239 du Code civil qui dispose que : « La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès […]. ».
Elle estime que la demande visant à voir ordonner en référé une expertise sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons affectant un ouvrage ne tend pas au même but que la demande en annulation du contrat de construction de cet ouvrage. En effet, cette dernière est liée à la forme du contrat de construction. Elle n’est aucunement liée aux désordres et malfaçons affectant l’ouvrage et ayant fait l’objet de la procédure de référé-expertise. En conséquence, la mesure d’instruction ordonnée en référé ne suspend pas la prescription de l’action en annulation du contrat de construction.
Ainsi, la Cour énonce le principe selon lequel l’interruption de la prescription quinquennale ne peut pas s’étendre d’une action à une autre lorsque les deux actions ont une cause distincte et ne tendent pas aux mêmes fins.
Cette décision s’inscrit dans un courant d’interprétation jurisprudentielle constant qui délimite avec rigueur le champ d’application de l’article 2239 du Code civil.
En effet, la Cour de cassation refuse également de suspendre la prescription au titre de cet article dans le cadre notamment des délais de forclusion des actions :
- en garantie décennale ;
- en garantie contre les vices apparents ;
- en garantie des vices cachés.
Elle apprécie aussi de manière très rigoureuse la qualité de bénéficiaire de la mesure de suspension.
Cette position rigoureuse permet d’éviter les demandes dilatoires et invite les justiciables à être vigilants dans l’appréciation des délais de prescription. Ils ne doivent pas oublier que lorsque la mesure d’instruction sollicitée ne contribue pas à l’appréciation du bien-fondé d’une action au fond, le délai de prescription de cette dernière n’est pas interrompu.
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Cet article a été publié dans notre Lettre Promotion-Urbanisme de Juillet 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.
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