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Un statut civil protecteur du conjoint survivant

04/09/2006

Aujourd'hui, avec l'adoption définitive, le 13 juin 2006, de la loi portant réforme des successions et des libéralités, qui suit la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce et celle n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, on peut considérer que le conjoint survivant bénéficie d'un statut protecteur complet. Il est intéressant d'en rappeler les grandes lignes.
Bien entendu, il reste des incertitudes générées par ces textes nouveaux. En outre, des dispositions fiscales de la loi de finances pour 2004 sont venues contrarier les options prises par le législateur civil. L'idée est cependant là : le conjoint survivant a vu son "sort patrimonial" nettement amélioré au terme de cette ébullition législative et tous les domaines concernant sa protection patrimoniale ont été revus. 
Chaque loi successive a ajouté des mesures de protection en privilégiant un domaine spécifique :

  • la loi du 3 décembre 2001 s'est concentrée sur les droits légaux du conjoint dans la succession de son époux prédécédé
  • la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 a également renforcé la protection du conjoint en rendant irrévocable les donations entre époux de biens présents et en décidant du maintien en cas de divorce des avantages matrimoniaux prenant effet au cours du mariage
  • la loi adoptée le 13 juin 2006, dont la plupart des dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2007, comporte d'importantes dispositions concernant les relations matrimoniales et patrimoniales entre les époux et est venue pallier certaines insuffisances des textes antérieurs.

L'objet du présent article est de dresser un bilan des dispositions légales récentes déjà en vigueur ainsi que celles qui le seront au 1er janvier 2007 et qui constitueront ensemble un statut protecteur complet du conjoint survivant. Le conjoint survivant bénéficie depuis le 1er juillet 2002, date d'entrée en vigueur de la loi du 3 décembre 2001, de droits successoraux importants qui varient selon la composition de la famille au moment du décès ainsi que résumés ci-dessous :

  • En plus de son conjoint, le défunt laisse : Droits légaux du conjoint en l'absence de toute disposition volontaire
  • Un ou plusieurs enfants communs (ou descendants) : Option entre ¼ des biens en pleine propriété ou la totalité en usufruit
  • Un ou plusieurs enfants non communs (ou descendants) : ¼ des biens en pleine propriété
  • Père et mère (pas de descendant) : ½ des biens en pleine propriété
  • Père ou mère (pas de descendant) : ¾ des biens en pleine propriété
  • Collatéraux privilégiés1 : Totalité des biens en pleine propriété (sauf droit de retour sur les biens de famille : ½ en pleine propriété des biens que le défunt avait reçus par succession ou donation de son père ou de sa mère)
  • Collatéraux ordinaires2 et/ou ascendants ordinaires3 : Totalité des biens en pleine propriété

La loi du 3 décembre 2001 s'est fortement démarqué du régime légal antérieur sur un certain nombre de points.
C'est la première fois au plan successoral que la spécificité des familles recomposées est prise en compte par le législateur :

  • Lorsque les enfants sont communs aux époux, un système d'option a été mis en place entre des droits en propriété (1/4) ou des droits en usufruit 4 (sur la totalité des biens existants). Ce système optionnel, fortement inspiré de la pratique des "donations au dernier vivant", a pour conséquence qu'au décès du premier des époux, les deux termes de l'option devront être pesés en fonction des besoins de l'époux survivant mais également en fonction de la consistance des droits ainsi octroyés.

Cette analyse peut s'avérer délicate, l'assiette des droits n'étant pas la même selon l'option prise; ainsi, l'usufruit légal du conjoint survivant s'exerce sur les biens existant dans le patrimoine du défunt en excluant les legs5 ; quant à l'assiette des droits légaux en propriété, sa détermination suppose que dans un premier temps une "masse de calcul" soit établie (réunissant aux biens existant, les libéralités rapportables faites aux héritiers) sur laquelle le conjoint survivant a un droit théorique d'1/4. Ce droit sera limité par la "masse d'exercice" qui comprendra également les biens existants mais exclura toutes les libéralités, sachant que les droits du conjoint ne pourront ni porter atteinte à la réserve des enfants ni aux droits de retour. Les droits en propriété du conjoint ne peuvent donc s'exercer que sur la quotité disponible, ce qui en pratique peut les réduire considérablement.

  • Lorsque les enfants ne sont pas tous communs, c'est-à-dire lorsque le défunt a des enfants autres que ceux issus du mariage dissous par le décès, qu'il s'agisse d'enfants naturels, adultérins ou légitimes, le système optionnel disparaît et les droits du conjoint survivant sont nécessairement fixés au 1/4 en propriété.

Permettre au conjoint survivant de recueillir l'usufruit des biens de son époux prédécédé permet au veuf ou à la veuve le maintien de ses conditions de vie ; si l'usufruit s'exerce sur des biens de jouissance (résidence principale, résidence secondaire par exemple), il lui permet de continuer à occuper ce bien ; s'il s'exerce sur des biens de rapport (bien immobilier loué, portefeuille de titres générateurs de dividendes ou d'intérêts) il lui permet de maintenir un certain niveau de revenus.
Il faut pouvoir compter sur une bonne entente entre le conjoint survivant et les autres héritiers du défunt. En effet, les objectifs de l'usufruitier, motivé par les revenus, et du nu-propriétaire, intéressé par la valorisation du patrimoine qu'il recueillera, sont naturellement en opposition. C'est la raison pour laquelle la loi du 3 décembre 2001 relative à la protection du conjoint survivant a réservé l'option pour la totalité en usufruit de la succession du prédécédé à l'hypothèse où tous les enfants des époux sont communs.
Il faut également veiller à ce que cette protection ne soit pas un leurre comme ce serait le cas si l'usufruit s'exerçait sur des biens non productifs de revenus (par exemple des actions de SICAV de capitalisation) et avoir en tête que les droits légaux en usufruit du conjoint survivant ne s'exercent que sur les biens du défunt existants au décès, ce qui peut parfois réduire leur assiette à peu de choses.
Pour des raisons fiscales, la faiblesse des revenus des biens soumis à usufruit peut rendre en pratique cette option impossible. En effet, pour ne viser que les droits de successions6, ils sont élevés du fait de la revalorisation de l'usufruit viager par la loi de finances pour 2004 en fonction d'un barème codifié sous l'article 669 du CGI et établi en fonction de l'âge de l'usufruitier (sans tenir compte du rendement financier du bien). Pour prendre un seul exemple, l'usufruit viager du conjoint âgé de 70 ans au décès de son époux représente 40 % de la valeur en pleine propriété du bien au lieu de 10 % avant 2004. Pour autant le législateur de 2004 n'a pas augmenté l'abattement qui s'applique à la part du conjoint survivant et qui s'élève à 76.000 Euro.
Certes, le décret du 6 mai 2005 a institué au profit du conjoint survivant le droit à un différé de paiement des droits de succession dus sur sa part jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter, soit de la date de son décès, soit de la date de la donation ou de la cession partielle ou totale des biens transmis par succession. Précisons que cette possibilité de crédit est subordonnée au défaut de liquidité des biens de la succession qui doivent comprendre au moins 50 % de biens non liquides (par exemple des immeubles ou des actions non cotées) et que le conjoint survivant doit acquitter un intérêt égal aux deux tiers de l'intérêt légal, soit 1,3 % pour les successions ouvertes en 2006 et constituer des garanties.
On ne peut donc que déplorer ce manque de coordination entre les législations civile et fiscale qui a pour résultat d'interdire, pour des questions de coût, le choix de l'option en usufruit.
En octroyant au conjoint survivant des droits en pleine propriété même en présence de descendants, le législateur de 2001 a fortement modifié la logique de la transmission successorale qui jusqu'alors privilégiait les liens par le sang par rapport à eux créés par le mariage.
Cette solution, qui permet certainement de répondre aux besoins de protection du conjoint dans la généralité des cas, peut s'avérer parfois contraire aux objectifs des intéressés. Elle a pour conséquence en effet de rendre le conjoint survivant propriétaire, ou copropriétaire indivis avec les autres membres de la famille du défunt, des biens de ce dernier. Lorsque ces biens sont "attachés" à la famille d'origine (demeure familiale, participations dans des entreprises sociétaires familiales, etc...) l'époux peut souhaiter prendre des dispositions testamentaires en vue d'éviter que son conjoint recueille des droits en propriété sur eux. Le législateur n'a pas été jusqu'à faire du conjoint survivant un héritier réservataire7 - sauf hypothèse particulière d'absence d'enfants et de père et mère - ce qui a pour conséquence que les droits du conjoint sont fragiles. Par simple testament l'époux peut décider d'exhéréder partiellement ou totalement son conjoint sauf l'hypothèse particulière du logement conjugal (voir ci-après). Une autre évolution remarquable est celle de la place du conjoint héritier dans l'ordre successoral puisqu'il recueille l'intégralité de la succession en pleine propriété lorsque le défunt ne laisse ni père et mère ni enfant. Il prime donc les frères et soeurs du défunt et leurs descendants, sauf le cas échéant, le droit de retour légal sur les biens dits de famille8.
C'est dans cette situation - absence de parents et d'enfants - que le législateur de 2001 a innové en accordant au conjoint survivant9 un droit à réserve du 1/4 de la succession en pleine propriété10. La réserve du conjoint est d'ordre public, comme celle des enfants et des parents, ce qui offre à l'époux survivant une protection forte. Cette mesure reste cependant limitée car elle n'attribue une protection renforcée que sur 1/4 de la succession, là où le conjoint survivant a droit légalement à la totalité. Elle apparaît comme une mesure de compromis peu satisfaisante car elle porte atteinte à la liberté de disposition du défunt sur son patrimoine sans offrir une véritable protection au conjoint.
Précisons que lorsque le conjoint recueille les trois quarts ou la totalité de la succession, les ascendants du défunt, autres que les père et mère11, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments contre la succession du prédécédé (art. 757-3 du Code civil). Cette obligation, pesant en tout ou partie sur le conjoint, doit dans le cas d'une succession peu importante, le conduire à s'interroger sur l'opportunité de renoncer à ladite succession.
Une idée directrice de la réforme du 3 décembre 2001 est le souci de maintenir au conjoint survivant ses conditions de vie antérieures, ce qui s'exprime à travers un droit au maintien dans le logement conjugal et le droit à une pension alimentaire.
Qu'il soit locataire ou propriétaire, et quelle que soit la nature de ses droits dans la succession (usufruit ou droits en pleine propriété), le conjoint survivant dispose désormais des moyens de se maintenir dans le logement qui lui servait de résidence principale au moment de son veuvage.
Cette protection du conjoint sur le logement familial et son mobilier se décompose principalement :

  • en un droit de jouissance temporaire et gratuite pendant un an ;
  • en un droit viager d'habitation du logement et d'usage du mobilier ;
  • en un droit prioritaire à l'attribution au logement dans le cadre du partage de la succession.

Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a droit pendant une année à la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit (C. civ. art. 763). Ce droit à la jouissance gratuite du logement, d'ordre public, est réputé être un effet direct du mariage et non un droit successoral. Il peut donc être revendiqué par le conjoint alors même qu'il renoncerait à la succession.
Pendant cette année, le conjoint va pouvoir s'interroger sur sa volonté de bénéficier par la suite du droit viager d'habitation et d'usage sur son logement. Il peut également, s'il reçoit des droits en pleine propriété dans la succession, mettre à profit le délai d'un an pour conclure avec les cohéritiers un partage, dans lequel il sera prioritaire pour obtenir l'attribution en propriété du logement familial et des meubles.
Le choix d'un droit d'usage et d'habitation, droit réel proche d'un usufruit mais qui présente la caractéristique d'être incessible et de ne pas donner à son titulaire le droit de donner en location le bien qui en est grevé, assure une protection efficace du conjoint sur son logement. D'autant plus que le législateur, tout en renvoyant aux textes du Code civil régissant ce droit, a assoupli son régime pour autoriser le conjoint, lorsque le local n'est plus adapté à ses besoins, à le louer afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement.
À la différence du droit de jouissance temporaire, le droit viager d'usage et d'habitation ne présente pas un caractère d'ordre public. Pour autant, l'époux qui souhaiterait en priver son conjoint devra établir un testament authentique, ce qui l'obligera à faire intervenir son notaire et devrait éviter les décisions trop impulsives. On notera en outre que l'exhérédation du conjoint, en ce qui concerne le droit d'habitation et d'usage, sera parfois inefficace :

  • si le conjoint survivant recueille la succession en usufruit, il pourra toujours, en sa qualité d'usufruitier, occuper ou louer le logement. L'article 764 du Code civil précise en effet que la privation des droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres ;
  • si le conjoint reçoit des droits en pleine propriété, il pourra, dans le cadre du partage de la succession et sur la base de son droit d'attribution préférentielle, recevoir de manière prioritaire dans son lot l'habitation principale et le mobilier la garnissant.

Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant qui recueille dans la succession des droits en pleine propriété est prioritaire, dans le cadre du partage de la succession, pour l'attribution non seulement de son habitation principale mais également du mobilier qui s'y trouve. L'article 832 du Code civil modifié, en indiquant que l'attribution de la propriété du local et du mobilier le garnissant est «de droit» pour le conjoint survivant, évite à ce dernier de subir les aléas du partage. Le conjoint survivant qui est dans le besoin bénéficie d'une pension alimentaire12 à l'encontre des héritiers (C. civ. art. 767), qui remplace l'ancienne créance alimentaire. Les conditions d'ouverture du droit à pension ont été assouplies par la loi du 3 décembre 2001 mais elles restent strictes. Quant au montant de la pension, il doit préserver le conjoint survivant de la misère, non lui assurer le maintien du niveau de vie que lui assurait le défunt. Du fait de ce caractère alimentaire, la loi du 3 décembre 2001 a retenu le terme « pension », ce qui implique un paiement sous forme de versements périodiques, et non d'attribution d'un capital.
Certainement parce que ses conditions d'obtention étaient strictes, l'ancienne créance alimentaire était rarement invoquée par le conjoint survivant. Les quelques modifications apportées par la loi nouvelle ne paraissent pas suffisantes pour donner à cette mesure une réelle portée pratique.
La loi du 3 décembre 2001 a modifié les droits légaux du conjoint. En revanche, elle n'est pas intervenue sur le terrain des libéralités entre époux. C'est à l'occasion de la loi sur le divorce du 26 mai 2004 que les libéralités entre époux ont vu leur régime juridique modifié. Alors que toutes les donations entre époux étaient révocables depuis 1804, la réforme du divorce du 26 mai 2004 a instauré le principe d'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux. Aux termes de l'article 1096 modifié du Code civil, la donation de biens présents entre époux n'est révocable que dans les conditions prévues par les articles 953 à 958 du Code civil. Ces textes visent les hypothèses de révocation pour cause d'inexécution des conditions de la donation et pour cause d'ingratitude. Sous ces réserves très spécifiques de révocation qui exige l'intervention du juge, le principe est dorénavant l'irrévocabilité des donations de biens présents entre époux13. En outre, le divorce des époux, qu'elle que soit la procédure suivie, sera sans effet sur cette donation qui sera maintenue (article 265 Code civil).
Du fait de ce caractère irrévocable, les donations de biens présents entre époux devraient se développer car elles offrent une sécurité juridique nouvelle. Du fait de leur caractère définitif, les transferts ultérieurs du bien donné au profit d'un tiers ne supporteront plus le risque d'être résolu en cas de révocation de la donation par l'époux donateur.
Ce principe d'irrévocabilité s'applique à toutes les donations entre époux de biens présents qu'elles soient passées sous forme notariée ou qu'elles soient réalisées par don manuel, donation indirecte ou donation déguisée14. Ainsi lorsque, animé d'une intention libérale, l'époux donateur aura remis une somme d'argent à son conjoint ou aura financé l'acquisition d'un bien au nom de son conjoint, ces donations manuels ou indirectes seront irrévocables. Il est important que les époux en soient informés.
La loi du 26 mai 2004 est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Elle ne précisait pas si le caractère irrévocable s'appliquait aux seules donations de biens présents entre époux postérieures à cette date ou à l'ensemble des donations quelle que soit leur date, même antérieures au 1er janvier 2005. C'est cette première position - les donations entre époux de biens présents antérieures au 1er janvier 2005 demeurent librement révocables - qui est adoptée par la loi portant réforme des successions et les libéralités.
De même, une précision attendue est apportée par la loi adoptée le 13 juin 2006 qui décide que l'irrévocabilité des donations entre époux de biens présents prévue par la loi du 26 mai 2004 ne s'applique qu'aux donations qui prennent effet au cours du mariage et non aux donations qui s'exécutent au décès de l'un des époux. Ce principe recevra application pour les réversions d'usufruit entre époux, qui si elles sont analysées par la jurisprudence comme des donations de biens présents, produisent leurs effets de manière différée au décès de l'époux donateur, si son conjoint lui survit. Les réversions d'usufruit restent donc révocables pendant le mariage.
Les donations entre époux pendant le mariage peuvent porter non seulement sur des biens présents mais également sur des biens à venir, ce qui constitue une exception au principe de prohibition des pactes sur succession future. Lorsqu'elle porte sur des biens à venir, la donation ne dépouille pas immédiatement le donateur : jusqu'à son décès, il continue de disposer librement de son patrimoine.
Cette donation peut porter sur des biens déterminés ou sur des quotités de biens. En pratique c'est souvent la quotité disponible spéciale entre époux qui est donnée dans le cadre d'une "donation au dernier vivant" ou d'un testament. Cette quotité est fonction de la composition de la famille du défunt :
En plus de son conjoint, le défunt laisse :

  • Un ou plusieurs enfants : Quotité disponible spéciale :
    - Soit, totalité des biens en usufruit
    - Soit, ¼ des biens en pleine propriété et ¾ des biens en usufruit
    - Soit, Quotité disponible ordinaire :
    . ½ en pleine propriété en présence d'un enfant
    .1/3 en pleine propriété en présence de 2 enfants
    .¼ en pleine propriété en présence de 3 enfants ou plus
  • Son père et sa mère : Quotité disponible spéciale :
    - ½ des biens en pleine propriété et ½ en nue-propriété
  • Son père ou sa mère : Quotité disponible spéciale :
    - ¾ des biens en pleine propriété et ¼ en nue-propriété
  • Autres : Quotité disponible spéciale
    - Totalité des biens en pleine propriété

La loi du 26 mai 2004 maintient le caractère révocable de ces donations, ce qui est justifié car les mêmes effets sont produits par un testament, par nature révocable.
La protection du conjoint survivant peut-être également organisée en recourant à des avantages matrimoniaux stipulés dans une convention matrimoniale de nature communautaire.
La loi du 24 mai 2004 introduit une distinction entre les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage (tel l'apport à la communauté de biens personnels à l'un des époux) et ceux qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial (telle une clause d'attribution de la communauté au conjoint survivant ou une clause de préciput permettant l'attribution d'un bien déterminé à l'époux survivant).
Les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage sont maintenus, à l'instar des donations de biens présents entre époux. Ceux qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial sont révoqués de plein droit sauf volonté contraire de l'époux qui les a consenties (article 265 Code civil).
La rigueur de cette solution est opportunément assouplie par la validation de la "clause alsacienne" par la loi du 13 juin 2006 (voir ci-après). Cette clause, introduite dans le contrat de mariage, permet à l'époux apporteur de reprendre, en cas de divorce, les biens antérieurement apportés à la communauté. Elle répond à une véritable attente des époux qui souhaitent conditionner la protection de leur conjoint au maintien de leurs relations matrimoniales.
Après les avancées importantes qu'offre au conjoint survivant la loi du 3 décembre 2001, la loi portant réforme des successions et des libéralités adoptée le 13 juin 2006 permet de lever des incertitudes générées par les textes antérieurs ainsi que d'assouplir et de compléter le statut du conjoint survivant. Les dispositions en matière matrimoniale introduites par le Sénat doivent être saluées.
La loi autorise le conjoint survivant à renoncer à une partie de la donation entre époux dite «au dernier vivant» que le défunt lui a accordée, sans que la fraction de la donation à laquelle le conjoint a renoncé soit considérée comme une libéralité aux autres successibles (articles 1094-1 et 1094-2 nouveaux du Code civil).
Cette faculté de renonciation partielle, qui constitue une exception au principe de l'indivisibilité de l'option successorale, est intéressante car elle permet au conjoint d'adapter ses droits sur la succession en fonction de ses besoins au jour du décès, besoins souvent difficiles à évaluer avec précision au moment où le défunt a consenti la donation.
La loi apporte une réponse attendue à une question laissée en suspens par la loi du 3 décembre 2001. En effet, cette loi a augmenté les droits légaux du conjoint survivant en laissant intacte la quotité disponible spéciale entre époux. Ainsi, en présence d'un enfant commun15, la question se posait de savoir si le conjoint survivant pouvait cumuler, d'une part, un usufruit sur la totalité des biens existant au titre de ses droits légaux et, d'autre part, la moitié de la succession en pleine propriété au titre de la quotité disponible ordinaire en vertu de dispositions volontaires (donation au dernier vivant ou testament). En cas de cumul, il aurait reçu plus de droits que ne l'autorise la quotité disponible spéciale entre époux.
En décidant que les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession, la loi n'autorise pas ce cumul (article 758-6 nouveau du Code civil). Cette mesure étudiée ci-avant doit être approuvée car le principe d'irrévocabilité des donations entre époux de biens présents est inadapté à la clause de réversibilité de l'usufruit. Les autres donations de présents entre époux sont d'effet immédiat : le donateur est dessaisi du bien donné au moment de la donation, ce qui justifie qu'il ne puisse pas revenir sur sa libéralité. En revanche, la réversion d'usufruit n'étant exécutable qu'au décès du donateur, il est préférable que celui-ci puisse décider de maintenir ou non la libéralité en fonction des événements ayant suivi l'acte de donation (en particulier un divorce).
La révocabilité de la clause de réversion d'usufruit redonne un intérêt civil à cet outil de transmission du patrimoine (qui reste toutefois pénalisant sur le plan fiscal16).
Le Sénat a introduit trois dispositions en vue de favoriser la protection du conjoint par stipulation d'avantages matrimoniaux.
1. Déjudiciarisation du changement de régime matrimonial en l'absence d'enfant mineur 
Cette mesure met fin à l'obligation de recourir à la procédure judiciaire d'homologation du changement de régime matrimonial.
Elle se justifie par l'inégalité qui existait en droit français entre d'une part, des époux français tenus de respecter cette procédure et d'autre part, un couple dont l'un a la nationalité étrangère et qui pouvait recourir aux dispositions de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 pour modifier son régime matrimonial par simple désignation de la loi applicable.
Le changement de régime matrimonial s'effectue désormais par simple acte notarié pour autant que les époux n'aient pas d'enfant mineur.
La procédure est ainsi considérablement allégée puisque seule serait prévue l'information des enfants majeurs de chaque époux, - qui ont un délai de trois mois pour s'opposer au changement de régime matrimonial - et des créanciers - qui ont également trois mois suivant la publication pour s'opposer au changement. L'homologation par le Tribunal de Grande Instance du domicile des époux n'est maintenue qu'en cas d'opposition des enfants majeurs ou des créanciers de même qu'en présence d'enfants mineurs.
2. Validation de la clause «alsacienne» 
Le contrat de mariage peut valablement stipuler une clause de reprise des apports à la communauté des biens propres en cas de divorce (voir ci-avant). Cette mesure était d'autant plus attendue des praticiens, que la Cour de cassation avait jugé le 17 janvier 2006 que cette clause de reprise des apports était inapplicable en faisant prévaloir la législation du divorce.
3. Renonciation à l'action en retranchement du vivant du beau-parent 
L'action en retranchement permet actuellement aux enfants non communs de limiter à la quotité disponible spéciale entre époux les avantages que le conjoint de leur parent retire de son contrat de mariage (article 1527 du Code civil).
S'inspirant des dispositions du projet de loi sur la renonciation à l'action en réduction, les sénateurs ont introduit la possibilité pour les enfants non communs de renoncer à agir en retranchement contre leur beau-parent du vivant de ce dernier. Leur consentement est protégé par un formalisme rigoureux.
Contrairement à la renonciation à l'action en réduction, la renonciation à l'action en retranchement n'est que temporaire : les enfants retrouveront leur droit à agir au décès de l'époux survivant contre les héritiers de ce dernier.
En conclusion, à l'issue des réformes législatives qui se succèdent depuis la loi du 3 décembre 2001, il est possible de considérer que le conjoint survivant bénéficie aujourd'hui d'un statut civil complet permettant d'assurer sa protection dans des conditions de sécurité juridique indispensables en la matière. Ce statut a été complété par la loi du 13 juin 2006 et aucune réforme profonde ne devrait intervenir dans ce domaine avant de nombreuses années.
Signalons qu'au-delà des dispositions prises en faveur du conjoint survivant, la loi du 13 juin 2006 modifie très largement notre droit des successions et des libéralités et offre des opportunités en matière de transmission de patrimoine au profit d'autres personnes que le conjoint et notamment des petits-enfants.
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Frères et soeurs et descendants d'eux (par représentation)
2 Oncles et tantes, grands-oncles et grands-tantes, cousins et cousines (jusqu'au 6ème degré)
3 Ascendants autres que les père et mère.
4 La loi prévoit le droit pour le conjoint survivant de demander la conversion de ses droits d'usufruit, qu'ils soient d'origine légale ou testamentaire, en rente viagère (article 759 Code civil).
5 En effet les droits du conjoint survivant n'étant pas protégés par un droit à réserve en présence d'enfants, les legs doivent être soustraits de l'assiette des biens soumis à usufruit. La question peut cependant se poser sur certains types de legs qui ne s'imputent pas sur la quotité disponible (legs d'attribution) ou qui l'excèdent (legs réductible). Cette question devra être tranchée par la jurisprudence.
6 L'usufruitier devra en outre supporter seul la charge ISF sur la valeur de la pleine propriété des biens sur lesquels s'exerce son usufruit.
7 Ne sont héritiers réservataires que les enfants et les ascendants (et le conjoint survivant de manière limitée en présence de collatéraux). A noter que le projet de loi sur les successions et les libéralités prévoit la suppression de la réserve des ascendants.
8 En cas de prédécès des père et mère, l'article 757-3 du Code civil dispose que les biens que le défunt a reçus d'eux par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession, sont en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. Les frères et soeurs n'étant pas héritiers réservataires, le défunt peut valablement les priver de ce droit de retour et éviter ainsi une indivision successorale entre eux et son conjoint.
9 Précisons que ce droit à réserve ne bénéficie qu'au conjoint survivant, non divorcé, contre lequel il n'existe par de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée et qui n'est pas engagé dans une procédure en divorce ou séparation de corps.
10 Article 914-1 Code civil.
11 Grands-parents et arrière-grands-parents.
12 La pension alimentaire spécifique au conjoint survivant se distingue de l'obligation alimentaire dont il peut bénéficier en qualité d'ascendant (C. civ. art. 205) ou de beau-père ou belle-mère (C. civ. art. 206).
13 L'article 1096 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mai 2004, indique que les donations fait entre époux de biens présents ou de biens à venir ne sont pas révoquées par la survenance d'enfants.
14 La loi du 26 mai 2004 a également supprimé la nullité des donations déguisées entre époux.
15 La question se pose également dans les familles comprenant deux enfants communs.
16 La réversion d 'usufruit est lourdement taxée aux droits de succession notamment depuis la revalorisation de l'usufruit viager par la loi de finances pour 2004. Les réponses ministérielles Biancheri et Nicolin (Rép. Biancheri : AN 28-3-2006 p. 3385 n° 38802 ; Rép. Nicolin : AN 18-4-2006 p. 4172 n°s 31300 et 41890) sont cependant susceptibles de réduire l'assiette de taxation de l'usufruit réversible en décidant que l'addition des pourcentages représentatifs de la valeur de la nue-propriété préalablement donnée et de l'usufruit réversible est plafonnée à 100%.

Authors:
Sylvie Lerond, Avocat Chef de Service