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Discrimination au travail fondée sur l’apparence physique

Règles applicables et recommandations

27/11/2019

Saisi de nombreuses réclamations, le Défenseur des droits a rendu, le 2 octobre dernier, une décision-cadre dénonçant la place préoccupante qu’occupe l’apparence physique des candidats à l’embauche et des salariés dans leur relation de travail (décision-cadre n°2019-205). Cette décision est l’occasion de revenir sur les règles applicables en matière de discrimination au travail fondée sur l’apparence physique, mais aussi d’émettre des recommandations aux employeurs. 

Discrimination et apparence physique : quelles sont les règles en vigueur ?

La décision définit l’apparence physique comme « l’ensemble des caractéristiques physiques et des attributs visibles propres à une personne, qui relèvent tant de son intégrité physique et corporelle (morphologie, taille, poids, traits du visage, phénotype, stigmate, etc.) que d’éléments liés à l’expression de sa personnalité (tenues et accessoires vestimentaires, coiffure, barbe, piercings, tatouages, maquillage, etc.) ».

Le bilan formulé sur la base de cette définition est sans appel : l’apparence physique est devenue l’un des critères les plus fréquents de discrimination au travail depuis les vingt dernières années.

Et pour cause, la décision révèle que lorsque l’employeur a le choix entre deux candidats de qualité et compétences égales, son apparence physique se révèle déterminante dans 53 % des cas. Plus encore, 82 % des personnes interrogées estiment que le look, la façon de s’habiller et de se présenter ont une « influence marquante » dans la vie professionnelle. Même au cours de l’exécution de leur contrat de travail, 18 % des salariés interrogés craignent d’être discriminés dans leur entreprise en raison de leur apparence physique. 

Pourtant, en ce qu’elle constitue une déclinaison de la dignité humaine et du droit à une vie privée, l’apparence physique est protégée. Droit international, droit européen et droit de l’Union européenne, protègent les salariés tant au stade du recrutement qu’au cours de l’exécution du contrat de travail. Le droit français n’y échappe pas. 

Principes. Conformément à l’article L.1132-1 du Code du travail, l’employeur ne saurait écarter une personne d’un processus de recrutement, infliger une sanction ou prendre une décision à l’encontre d’un salarié en raison de son apparence physique.

De même, est prohibé tout agissement lié à l’apparence physique subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008).

Les sanctions encourues sont lourdes. Sur le plan civil, l’employeur risque l’annulation de la décision prise à l’encontre du salarié et des dommages-intérêts. Sur le plan pénal, la discrimination est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et le harcèlement de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (articles 222-33-2 et 225-2 du Code pénal). 

Exceptions. Ces principes protecteurs restent assortis d’exceptions. De manière générale, conformément à l’article L.1121-1 du Code du travail, l’employeur peut porter atteinte aux droits et libertés du salarié à condition que cette atteinte soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. 

En matière de discrimination, les différences de traitement sont possibles « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » (article L.1133-1 du Code du travail). A ce titre :

  • l’existence d’une exigence professionnelle essentielle et déterminante suppose que la mesure prise par l’employeur soit en lien avec le travail, qu’elle soit nécessaire et pertinente ;
  • l’objectif poursuivi par la mesure doit être légitime. Tel est le cas lorsqu’il est justifié par la santé, la sécurité ou l’hygiène des travailleurs, ou encore l’image de l’entreprise ;
  • enfin, la restriction est proportionnée dès lors qu’elle est la seule solution pour permettre à l’entreprise d’atteindre l’objectif poursuivi. 

En pratique, la mise en œuvre de ces conditions est à l’origine d’une véritable casuistique jurisprudentielle, les juges du fond s’attachant, au cas par cas, à vérifier la régularité de chaque différence de traitement et limitation apportée aux libertés du salarié. 

Par exemple, en matière de tenue vestimentaire, il a pu être jugé que le port du survêtement pour les salariés d’une agence immobilière en contact avec la clientèle pouvait valablement être interdit compte tenu de l’atteinte portée à la réputation de l’employeur (Cass. Soc., 6 novembre 2001, n°99-43.988). De même, un employeur peut valablement interdire à un salarié de porter un bermuda dans la mesure où le règlement intérieur préconise le port du pantalon pour des raisons de sécurité (Cass. Soc., 28 mai 2003, n°02-40.273 et 12 novembre 2008, n°07-42.220). En revanche, des juges du fond ont déjà considéré qu’un employeur ne pouvait reprocher à une salariée, ingénieure d’études et cadre, de s’être présentée chez un client en jeans et bottes alors que sa tenue n’était « en rien incongrue ni déplacée », mais « tout au contraire parfaitement correcte » (CA Paris, 9 octobre 2008, n°06-13511).

En d’autres termes, la régularité de l’interdiction dépend des circonstances de l’espèce. Il est donc indispensable pour toute entreprise de définir clairement et au préalable sa politique en la matière.  

Recommandations pour les employeurs 

Dans le cadre de sa décision, le Défenseur des droits formule trois recommandations à l’intention des entreprises du secteur privé et public.

  1. Définir dans un document écrit les contraintes et restrictions éventuelles en matière d’apparence physique et de présentation justifiées par la nature de l’emploi occupé et de la tâche à accomplir en respectant le principe de proportionnalité. Ce document apparaît souhaitable dans un souci de transparence, de clarté et d’opposabilité. Il peut notamment s’agir du règlement intérieur de l’entreprise, d’une note de service ou du contrat de travail du salarié concerné par la restriction. 
  2. Veiller à prévenir toute discrimination ou tout fait de harcèlement discriminatoire fondé sur l’apparence physique du travailleur et à sanctionner de manière effective et dissuasive tout agissement relevant de cette qualification. 
  3. Former le personnel quant aux droits et libertés des salariés en lien avec l’apparence physique et les principes applicables à leurs restrictions. 

Pour ce faire, le Défenseur des droits recommande aux employeurs d’associer les partenaires sociaux à la mise en œuvre effective de ces mesures.

En tout état de cause, les employeurs sont appelés à prendre en considération les évolutions de la société quant aux codes vestimentaires. 

Sur ce point, des juges du fond ont ainsi pu admettre que « rien ne permet d’affirmer que l’absence de rasage, pratique, voire phénomène de mode, au demeurant courants depuis quelques années, soit de nature à porter atteinte à l’image de marque de la société » (CA Paris, 24 janvier 2013, n°11/04162). Néanmoins, des restrictions sont admises lorsque l’employeur démontre, par des éléments objectifs, que les fonctions de représentation du salarié impliquent une présentation correcte, notamment une barbe soignée et entretenue d’exiger une présentation correcte, soignée et entretenue (voir par exemple CA Versailles, 31 août 2011, n°10/03526).

Enfin, pour accompagner les entreprises dans ce processus, cinq fiches thématiques ont été annexées à la décision-cadre afin d’aborder les sujets les plus fréquemment invoqués à savoir l’obésité, les tenues vestimentaires, les coiffures, les barbes, et enfin les tatouages et piercings.

Article paru dans Les Echos Exécutives en novembre 2019


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