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La consécration du droit à la preuve de l’employeur

08/10/2020

Il est admis de longue date que « en matière prud’homale, la preuve est libre » (Cass. soc., 27 mars 2001, n°98-44.666). Ce principe doit, néanmoins, être combiné avec les restrictions imposées au nom des droits de la personne et du respect de ses libertés individuelles, comme le droit à la vie privée du salarié (Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203).

Dans un arrêt destiné à la plus large diffusion, la Cour de cassation concilie le respect du droit à la vie privée du salarié avec celui du droit à la preuve de l’employeur. Elle retient que ce dernier peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte Facebook « privé » d’un salarié à la condition, d’une part que l’employeur n’ait pas mis en œuvre un stratagème pour recueillir cette preuve, et d’autre part, que cette production, si elle porte atteinte à la vie privée du salarié, soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but recherché (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-12.058).

Dans l’arrêt commenté, une salariée, chef de projet export au sein d’une société de prêt-à-porter, avait été licenciée pour faute grave pour manquement à son obligation contractuelle de confidentialité, après avoir publié sur son compte Facebook une photographie de la nouvelle collection présentée exclusivement aux commerciaux de la société. Cette photographie, extraite du compte « privé » de la salariée - c’est-à-dire dont le contenu n’est accessible qu’aux personnes acceptées à rejoindre son réseau - avait été transmise à l’employeur par une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder au compte Facebook de sa collègue.

La salariée contestait son licenciement au motif, d’une part, que l’employeur avait usé d’un procédé illicite et déloyal pour se procurer l’élément probatoire, et, d’autre part, qu’elle avait été victime d’une immixtion abusive dans sa vie privée. 

La licéité du mode d’obtention de la preuve

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle, conformément à sa jurisprudence constante, que la preuve obtenue par stratagème est illicite, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve. Il a ainsi été jugé que constituait un tel stratagème le fait pour un employeur de réaliser un montage à la seule fin de confondre le salarié (Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45.093 et n° 06-40.852 ; Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-30.266).

En l’espèce, la publication litigieuse ayant été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder au compte privé de sa collaboratrice, les Hauts-Magistrats approuvent la cour d’appel de Paris qui avait pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal.

La justification de l’atteinte à la vie privée

Dans un second temps, la Cour de cassation reconnaît que constitue d’une atteinte à la vie privée de la salariée, la production en justice par l’employeur d’informations auxquelles il n’était pas autorisé à accéder, à savoir des captures d’écran extraites du compte privé Facebook de l’intéressée reprenant la photographie publiée mais également des éléments d’identification de ses « amis » - c’est-à-dire des personnes pouvant être destinataires de cette publication.

Cependant, elle rappelle qu’il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la double condition que cette production soit :

  • indispensable à l’exercice de ce droit  au cas particulier, l’employeur ne disposait que de ces éléments pour établir le manquement de la salariée ;
  • et, proportionnée au but poursuivi  en l’espèce, a été reconnu comme telle la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

Elle en déduit que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

Par le présent arrêt, la Cour de cassation retient une position moins restrictive que par le passé. En effet, dans une décision antérieure, elle avait retenu que l’accès par l’employeur à des informations extraites du compte Facebook privé d’une salariée à partir du téléphone portable d’un autre salarié, était nécessairement constitutif d’une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la salariée (Cass. soc., 20 décembre 2017, n°16-19.609).

Ainsi, la Haute-Cour consacre le droit à la preuve de l’employeur et s’inscrit dans sa lignée jurisprudentielle selon laquelle la production en justice d’éléments de preuve portant atteinte à la vie privée d’un justiciable peut être autorisée si l’atteinte est proportionnée au but recherché (Civ., 1e, 25 février 2016, n° 15-12.403 ; Cass. soc., 9 novembre 2016, n° 15-10.203 ; Cass. soc., 11 décembre 2012, n° 18-16.516).


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