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Humain & machine : se répartir le travail

Question de la répartition du travail entre l’humain et la machine

02/08/2019

Les humains vont être remplacés par les machines : cette affirmation souvent lue relève-t-elle du fantasme ou d’une réalité difficile à admettre ? Il faut aborder calmement le sujet et comprendre que pour chaque métier, pour chaque activité où la machine peut intervenir, la question de la répartition du travail entre l’humain et la machine doit aujourd’hui être posée.

L’innovation est devenue un état permanent. Nous vivons sous un flux constant d’annonces d’une révolution imminente dans tous les domaines d’activité. Une part substantielle des articles de presse porte désormais sur le recours à l’Intelligence Artificielle (IA) que va opérer tel secteur économique, sur le fait que tel instrument d’utilisation courante va désormais être connecté, ou sur l’utilisation nouvelle de telle catégorie de données. On l’aura compris, cette innovation qui pourrait bouleverser nos vies est technologique.

Tous les secteurs, en réalité, ne sont pas logés à la même enseigne, car la part que peuvent prendre les machines n’est pas partout la même. La voiture automatique entraînera, lorsqu’elle sera vraiment opérationnelle du point de vue technologique et lorsque les contraintes normatives auront été levées, la disparition d’une partie des taxis et VTC, et peut-être même de la totalité d’entre eux. D’autres secteurs apparaissent plus protégés : on peut ainsi raisonnablement supposer que nous préférerons pendant longtemps encore confier nos cheveux aux ciseaux d’un véritable coiffeur plutôt qu’aux bras mécaniques d’un robot, même si les seconds sont aussi efficaces que les premiers. Mais cela est-il si sûr ? Une coupe de cheveux réalisée en quelques secondes pour un prix très inférieur à celui pratiqué par un salon de coiffure employant des humains a tout de même des chances de trouver un public !

Une certitude au moins : les prédictions sont difficiles quant à l’impact possible de l’innovation. Pour autant, on peut s’efforcer de distinguer le fantasme de la réalité.

I – Le fantasme

Quel que soit votre secteur d’activité, vous pouvez être sûr qu’une entreprise californienne / chinoise / israélienne / française a développé une application fondée sur l’intelligence artificielle / les robots / un algorithme / la blockchain qui prétend rendre très prochainement obsolète toute intervention de l’homme dans le secteur en question. Des articles de presse vont évoquer l’idée, on va en parler à la télévision, des entreprises vont peut-être se constituer et lever des fonds pour exploiter ce nouveau filon… ce qui va susciter l’apparition d’autres articles de presse. Pour autant, il n’est pas dit que l’annonce initiale corresponde avant longtemps à une réalité économiquement viable.

Un exemple parmi d’autres : « les avocats vont être remplacés par des robots » est une affirmation qui revient régulièrement dans la presse. Pour qui est déjà avocat, ou pour l’étudiant en droit qui rêve de le devenir, cette affirmation est particulièrement démoralisante. A quoi bon acquérir des compétences professionnelles pour accomplir des tâches que des machines font déjà mieux que nous ? Les années d’études et de formation professionnelle requises pour donner naissance à un avocat requièrent un investissement matériel et intellectuel considérable. Cet investissement vaut-il encore la peine d’être réalisé s’il s’avère que, comme on le lit, les avocats vont effectivement laisser la place à des machines ?

Sauf qu’on lit ce type d’annonce depuis plusieurs années, et que les avocats n’ont pas encore été remplacés par des robots… ou alors cela s’est fait de manière particulièrement habile, et les robots en question imitent parfaitement l’être humain ! On peut incidemment donner un conseil aux lecteurs de cette chronique : vérifiez que votre avocat ne se recharge pas sur une prise électrique dès que vous avez le dos tourné…

Plus sérieusement, il est tentant de raconter des histoires de remplacement des humains par les machines, de développement de l’IA au point de voir celle-ci, comme dans les films de science-fiction, prendre le contrôle de ses créateurs. Ce sont assurément de belles histoires !

II – La réalité 

La réalité est différente. Bien sûr, dans beaucoup de secteurs, le développement de la machine permet des choses qui étaient inimaginables il y a encore quelques années. Certaines tâches voient simplement leur réalisation accélérée, tandis que d’autres sont intégralement automatisées. Rechercher un contenu dans une masse importante de documents ne se conçoit plus autrement que de manière informatique. Il demeure que l’intervention humaine garde généralement au moins une part de pertinence, ne serait-ce que pour décider des tâches que la machine doit accomplir, ou pour vérifier le résultat obtenu par elle et son adéquation aux besoins des humains, qui restent les utilisateurs finaux.

Par exemple, l’avocat peut toujours confier une partie de son travail à un logiciel de recherche juridique, c’est tout de même lui qui rencontrera le client la première fois, qui prendra connaissance de sa situation, qui identifiera les questions juridiques, et qui déterminera les tâches à accomplir. C’est notamment l’avocat qui décidera de ce que le logiciel doit rechercher. C’est encore l’avocat qui présentera le fruit de son travail au client, et qui construira l’argumentation à présenter, le cas échéant, à l’autre partie dans une négociation, ou à plaider devant un juge.

Bien sûr, il est fort possible que la part de la machine va toujours s’accroître, et celle de l’humain se réduire en proportion. Certaines activités que l’on imaginait préservées de l’automatisation se sont révélées vulnérables, comme c’est le cas pour le trading, où l’utilisation d’algorithmes a entraîné une forte diminution du nombre des traders humains. Pour les professions de conseil, comme l’avocat, le premier contact avec le client pourra se faire systématiquement par une boite mail automatisée, ou être confié à un chatbot, c’est-à-dire à un logiciel de discussion qui aidera à identifier les questions que soulève la situation du client, et éventuellement à aiguiller le client vers tel ou tel secteur du cabinet. Que de temps gagné sur des contentieux de masse… mais peut-être aussi que d’opportunités perdues par un cabinet pour avoir laissé le client, lors de ce premier contact, aux mains d’une machine, qui dans son insensibilité n’aura pu détecter le besoin réel de l’humain ou l’aura effrayé par une réponse standardisée…

Pour chaque métier, pour chaque activité où la machine peut intervenir, la question de la répartition du travail entre l’humain et la machine doit aujourd’hui être posée. Confier au client d’une entreprise la tâche de définir lui-même ses besoins en le laissant dialoguer avec un chatbot peut avoir un sens économiquement… dans certaines entreprises, pour une clientèle nombreuse et lorsqu’il faut canaliser des demandes souvent identiques. Mais abandonner la prise de contact à la machine est sans doute une très mauvaise idée quand les demandes des clients sont toujours différentes, qu’elles sont complexes, et que les sujets traités sont sensibles. Qui appelle un avocat pour gérer un litige qui lui tient à cœur et suscite chez lui des craintes importantes parce que sa vie personnelle, sa vie professionnelle ou son patrimoine sont en jeu, n’appréciera pas d’être accueilli par un robot.

On permettra donc aux humains, qui ont créé les machines pour faciliter leur travail, de décider quelle partie de ce travail ils acceptent de laisser à leurs nouveaux auxiliaires !

Article paru dans le magazine Option Finance Innovation le 22 juillet 2019


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