Après que de nombreux Etats de l’Union européenne, et en particulier la France à l’occasion de la loi PACTE1, ont introduit dans leur législation respective un régime organisant l’offre de crypto-actifs, la Commission européenne a publié le 24 septembre 2020, dans le cadre du paquet législatif accompagnant sa communication sur la finance digitale, un projet de règlement européen sur les crypto-actifs (le « Projet »).
Il faut bien sûr saluer la démarche de rationalisation induite par ce texte particulièrement riche. A cet égard, Il est indéniable qu’il présente de très nombreuses similitudes avec le dispositif français, tant dans le cadre qu’il dessine -inspiré de la réglementation en matière de services d’investissement (acteurs, régime de l’offre au public, etc.)- que dans sa substance fondée sur des analyses convergentes de la typologie de cette catégorie d’actifs.
Toutefois, cette première mouture a de quoi inquiéter en introduisant dans les définitions même des éléments constitutifs de cette catégorie d’actifs des nuances qui ne semblent pas véritablement permettre de saisir toutes les formes de crypto-actifs ou qui créent des biais préjudiciables à une véritable harmonisation européenne.
Ainsi, le concept européen de « crypto-actifs » recouvre peu ou prou celui du jeton (« Jeton ») au sens de l’article L. 552-2 du Code monétaire et financier (CMF), puisque le Projet :
- les définit comme la représentation numérique de valeurs ou droits pouvant être transférés et stockés électroniquement, en utilisant la blockchain ou une technologie similaire ; et
- exclut de son champ ceux pouvant, au regard de leurs caractéristiques, être qualifiés d’instruments financiers2 ou de monnaie électronique et qui, en conséquence, relèvent d’un autre corpus réglementaire.
Mais, le Projet crée des sous-catégories qui ne sont pas envisagées par le CMF :
- les utility tokens définis comme un type de crypto-actif destiné à fournir un accès numérique à un bien ou à un service, disponible sur une blockchain, et qui n'est accepté que par son émetteur;
- les asset reference tokens, type de crypto-actif qui vise à maintenir une valeur stable en se référant à celle de plusieurs monnaies ayant cours légal, d'une ou plusieurs marchandises au sens du règlement délégué 2017/565 du 25 avril 2016 pris en application de MIF 2 ou d'un ou plusieurs crypto-actifs, ou d'une combinaison de ces actifs ; et
- les e-money tokens, dont l'objet principal est d'être utilisés comme moyen d'échange et qui sont censés maintenir une valeur stable en se référant à la valeur d'une monnaie fiduciaire ayant cours légal.
S’agissant de la première sous-catégorie, la définition d’utility token ne se confond pas avec celle du Jeton qui en droit français peut être accepté par d’autres que l’émetteur de cet instrument pour la livraison de biens ou de services. Cette distorsion n’a pas véritablement de sens et écarte du champ réglementaire une large gamme d’utility tokens au sens « classique » du terme.
Plus gênant encore, le Projet écarte expressément de son champ les stablecoins algorithmiques qui stabilisent leur valeur par la création ou la destruction de leurs unités et, implicitement, les tokens dans leur fonction d’instrument de paiement lorsqu’ils ne sont pas assis sur une monnaie ou un actif, et, donc, ceux sans aucun sous-jacent, tel le bitcoin, utilisés comme instrument de paiement. Enfin, mais d’autres critiques encore pourraient être formulées, le Projet n’envisage pas qu’un asset reference tokens dont la valeur est assise sur des actifs pourrait de fait constituer un intérêt dans un fonds d’investissement alternatif sans pour autant relever de la catégorie des instruments financiers… Ces exclusions et manque de profondeur d’analyse étant susceptibles de créer à terme de nombreuses difficultés, il faut espérer que le Projet évoluera vers une plus grande rationalisation du champ des crypto-actifs.
Article paru dans Option Finance le 16/11/2020
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