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Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid-19

Le droit des entreprises en difficulté face à la crise du Covid-19

28/05/2020

Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, alors que les dispositions du Livre VI du Code de commerce relatives aux entreprises en difficulté avaient déjà été adaptées aux circonstances exceptionnelles (voir notre précédent article), ces dernières viennent à nouveau d’être modifiées par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020. 

Ce faisant, le législateur entend passer d’une gestion dans l’urgence de la crise à l’instauration d’outils renforcés de traitement des difficultés des entreprises pour permettre un rebond durable des sociétés concernées dans un contexte post-crise sanitaire. Cette ordonnance demeure par essence un aménagement temporaire des dispositions du Livre VI. En effet, ces dispositions doivent encore être adaptées dans le cadre de la transposition de la directive européenne du 20 juin 2019dont certains traits semblent se préciser dans cette ordonnance. Serait-elle un ballon d’essai ?

Les principales mesures introduites sont applicables aux procédures en cours et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus.

Un bref panorama de ces mesures est brossé ci-après

Gel de l’obligation de solliciter l’ouverture d’une procédure collective

La mesure phare de la gestion dans l’urgence de la crise a été sans nul doute le gel de l’obligation de solliciter l’ouverture d’une procédure collective pour les débiteurs dont l’état de cessation des paiements est advenu à compter du 12 mars 2020.

L’ordonnance nouvelle vient borner ce gel au 23 août prochain inclus. Ainsi, les dirigeants devront s’assurer qu’au 24 août 2020 leur société ne connaît pas ou plus un tel état. Ce répit prolongé après la période de confinement donne le temps à l’anticipation et donc celui de recourir aux mécanismes amiables de traitements des difficultés qui, en cohérence, sont renforcés par l’ordonnance.

Conciliation : des outils complémentaires

L’ordonnance ouvre la possibilité au président du Tribunal, à la demande du débiteur, d’imposer des mesures coercitives aux créanciers récalcitrants appelés à la conciliation. Ainsi, pendant la durée de la conciliation, des mesures aux effets proches de ceux prévus en cas d’ouverture d’une procédure collective pourront être adoptées, sans toutefois pouvoir imposer une discipline collective aux créanciers. 

Pourront être prononcés pour la durée de la procédure et à l’égard d’un créancier appelé à la conciliation :

  • l’interruption ou l’interdiction de toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ;
  • l’arrêt ou l’interdiction de toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant la demande ; et
  • le report ou échelonnement de toute somme due.

Par ailleurs, l’outil qui consiste dans l’application plus aisée du mécanisme des délais de grâce est renforcé. Il n’est plus nécessaire d’attendre une action en justice du créancier pour répliquer. Une sorte de "frappe préventive" non contradictoire est ainsi consacrée.

La société en conciliation pourra en effet solliciter l’octroi de tel délais avant toute mise en demeure ou poursuite de la part de son créancier.

En outre, la durée des conciliations limitée à cinq mois au total (quatre mois + prorogation possible d’un mois à la demande du conciliateur) est allongée d’une durée de cinq mois.

Les entreprises en conciliation pourront donc bénéficier de l’équivalent d’une "petite période d’observation" permettant de tenter de trouver les ressources pour rebondir.

Plans de sauvegarde et de redressement : adoption, modification et exécution facilitées

Les délais de consultation des créanciers dans le cadre de l’adoption des plans de sauvegarde et de redressement peuvent se voir réduits et les modalités de consultation des créanciers simplifiées. Il s’agit d’un élément important lorsque l’entreprise ne peut supporter longtemps les perturbations de son activité inévitablement induites par l’ouverture à son bénéfice d’une procédure collective.

La durée des plans en cours, allongée automatiquement de trois mois2, peut également être allongée de deux ans sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan et les modalités d’apurement du passif adaptées à cette nouvelle durée.

Par ailleurs, les modifications substantielles des plans sont facilitées, le défaut de réponse des créanciers consultés valant acceptation des nouveaux délais de paiement proposés (sauf en cas de remises de dettes ou conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital).

Privilège de "post money"3 : un privilège qui est maintenant de droit positif

Cette disposition, anticipant sur ce point l'ordonnance à prendre en application de la loi PACTE4, introduit au bénéfice des dispensateurs de concours ayant consenti un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d'observation et/ou qui s'engagent, pour l'exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, à effectuer un tel apport, un privilège leur permettant d’être payé prioritairement et avant même, ce qui est plus surprenant, les créances bénéficiant du privilège de "new money". 

Comme pour le privilège de "new money", les apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital sont exclus des concours privilégiés. 

Cette disposition est applicable aux procédures ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance (i.e., le 22 mai 2020) et jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance transposant la directive européenne sur l’insolvabilité5 et, au plus tard, jusqu’au 17 juillet 2021 inclus.

Plan de cession : la cession de l’entreprise aux dirigeants de droit ou de fait

Est-il toujours nécessaire, comme la traduction d’un impératif moral, d’exclure les dirigeants de la faculté de reprendre l’activité de l’entreprise défaillante ?

Le législateur, sans écarter totalement l’approche restrictive en vigueur, ouvre plus largement la voie exceptionnelle de la reprise de l’entreprise par ses dirigeants. En effet, afin de favoriser la poursuite de l’activité des sociétés impactées par la crise, les dirigeants, de droit ou de fait, leurs parents ou alliés, sous réserve que la cession envisagée permette d’assurer le maintien d’emplois, peuvent être autorisés à reprendre l’entreprise sur requête du ministère public et, nouvellement, du débiteur lui-même ou de son administrateur judiciaire, étant précisé que le ministère public sera présent lors des débats et que le jugement ne pourra être rendu qu’après avis des contrôleurs.

Cet assouplissement était souhaité par de nombreux professionnels du retournement, la justification morale de l’exclusion des dirigeants n’étant plus prégnante lorsque les difficultés sont générées par la crise sanitaire traversée.


L’équipe Restructuring-Insolvency de CMS Francis Lefebvre Avocats est pleinement mobilisée pour vous apporter toute assistance nécessaire. Pour ce faire, elle est capable à tout instant de recourir à l’ensemble des compétences transversales de notre cabinet (fiscal, social, contrat, corporate, immobilier, etc.).

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés en fonction de l’actualité du sujet.


1. Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et l’insolvabilité).

2. Il en va de même pour les périodes d’observation, le maintien de l’activité en liquidation judiciaire et la durée de la liquidation judiciaire simplifiée.

3. Privilège de sauvegarde ou de redressement.

4. Article 60 de la loi PACTE.

5. Article 196 de la loi PACTE.


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