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PLFR 2021

Vers un élargissement encadré des conditions de report en arrière des déficits

15/06/2021

La crise de la COVID-19 a obligé les pouvoirs publics à adopter des mesures exceptionnelles afin d’aider les entreprises à surmonter leurs difficultés.

Poursuivant cette finalité, le PLFR pour 2021[1] comprend une mesure élargissant les conditions de report des déficits.

Deux modalités de report des déficits

Les sociétés peuvent imputer les déficits constatés à la clôture d’un exercice sur les bénéfices des exercices suivants, et ce sans limite de temps. Ce report en avant ne peut toutefois s’effectuer que dans la limite d’un million d’euros et, au-delà, dans la limite de la moitié du résultat diminué de cette somme[2]. Ce faisant, il n’améliore pas directement les comptes individuels car il ne génère aucune économie future d’impôt. De fait, le report en avant n’offre aucune certitude quant à son utilisation possible ultérieure, ceci d’autant plus que les déficits correspondants peuvent être perdus dans le cadre de certaines réorganisations – auxquelles on peut au demeurant vraisemblablement s’attendre dans les mois et années à venir de la part de nombre d’entreprises, pour faire face à la crise : absorption ou transmission universelle de patrimoine, changement d'activité, perte des moyens de production ou bien encore adjonction ou abandon partiel d’activité. En outre, les entreprises qui disposent d’un report déficitaire supérieur au bénéfice d’un exercice donné doivent malgré tout payer de l’impôt sur les sociétés dès l’instant que ce bénéfice excède un million d’euros. Et la situation peut se prolonger ainsi pendant plusieurs années.

Autre possibilité, qui est au cœur de l’actualité fiscale depuis l’an dernier, le report en arrière des déficits (ou « carry-back ») permet d’imputer le déficit constaté au titre d’un exercice clos sur le bénéfice fiscal de l’exercice précédent à hauteur d’un million d’euros, sous déduction toutefois des distributions effectuées par prélèvement sur ce même bénéfice, de la fraction de celui-ci à raison de laquelle la société a acquitté l’IS au moyen de crédits d’impôt, des bénéfices exonérés en application de dispositions particulières, des plus-values à long terme et des produits de la propriété industrielle taxés à un taux réduit[3]. La créance ainsi constatée sert au paiement de l’impôt sur les sociétés des cinq exercices suivants. Au terme de ce délai (ou en cas de procédure concernant les entreprises en difficulté), le solde doit être spontanément remboursé. A défaut, il appartient à l’entreprise, dans le délai de prescription quadriennale, de présenter une demande de remboursement de sa créance.

Rappelons en outre que dans les groupes d’intégration fiscale, l’option est exercée par la société mère, les filiales intégrées n’étant plus en mesure de reporter en arrière leur déficit[4]. Si l'exercice d'imputation est antérieur au premier exercice d'application du régime de l'intégration, le déficit d'ensemble est imputable en arrière sur le bénéfice propre déclaré par la société mère au titre de cet exercice. En revanche, si cette société était précédemment la mère d’un autre groupe ayant cessé, le déficit d’ensemble du nouveau groupe ne peut pas être imputé sur le bénéfice d’ensemble de cet ancien groupe[5].

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 avait déjà temporairement amendé le système en permettant le remboursement immédiat des créances de carry-back nées d'une option exercée au titre d'un exercice clos au plus tard le 31 décembre 2020[6], ce qui avait permis aux entreprises de renforcer leur trésorerie. Toutefois, les modalités de report en arrière n’avaient pas été élargies, limitant ainsi les effets de la mesure.

Un élargissement des conditions de report en arrière des déficits

Le I de l’article 1er du PLFR prévoit d’instaurer des mesures dérogatoires pour le déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021.

Sur option, les sociétés individuelles et les sociétés mères de groupes intégrés seraient ainsi autorisées à reporter en arrière dans un délai aménagé le déficit concerné sur les bénéfices constatés, d’une part, au titre des trois exercices précédents (au lieu du dernier exercice), d’autre part, sans être tenues de respecter un montant maximal d’imputation, enfin, alors même que le délai d’option serait  déjà expiré (cas aujourd’hui des exercices clos entre le 30 juin 2020 et le 28 février 2021) ou en passe de l’être à plus ou moins brève échéance (cas aujourd’hui plus spécialement de l’exercice clos le 31 mars 2021).

Un délai dérogatoire d’option

En pratique, un délai d’option dérogatoire serait institué à cet effet. Celui-ci expirerait à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats des exercices clos au 30 juin 2021 (soit le 30 septembre 2021) ou une fois que l’IS afférent à l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée aurait été liquidé. Cette dernière précision qui n’est certes pas d’une clarté limpide semble devoir se comprendre comme signifiant que, dans l’hypothèse où la liquidation de l’IS relatif au premier exercice ouvert à compter du 1er juillet 2020 interviendrait avant le 30 septembre 2021, la date butoir pour pouvoir exercer l’option correspondrait alors à celle de cette liquidation. Dans le cas contraire où l’IS dudit exercice n’aurait pas été liquidé au 30 septembre 2021, il serait possible d’opter jusqu’à cette date.

Par exemple, une société ayant clos un exercice déficitaire le 30 juin 2020 et souhaitant reporter en arrière le déficit ainsi constaté devrait opter au plus tard le 30 septembre 2021 ou lors de la liquidation de l’impôt dû au titre de l’exercice clos le 30 juin 2021 si elle est intervenue avant (bien que pouvant avoir lieu jusqu’au 15 octobre 2021). A noter, par ailleurs, que cette société ne pourrait pas bénéficier de la mesure au titre de l’exercice clos au 30 juin 2021 s’il est lui aussi déficitaire, mais qu’en revanche elle serait en droit de s’en prévaloir si aucun exercice déficitaire n’avait déjà été clôturé depuis le 30 juin 2020.

Précisons en outre que ce nouveau délai d’option devrait également pouvoir être revendiqué en cas de bénéfice rectifié à la suite d’un contrôle fiscal au titre de la période d’imputation. Mais ceci à condition que l’impôt supplémentaire ait déjà été mis en recouvrement (et que le délai de réclamation de l’article R 196-1 du LPF ne soit pas expiré, ce qui, par hypothèse, ne devrait pas poser de difficulté en pratique dans le cadre temporel restreint ici envisagé). A défaut, en effet, il ne serait pas possible de déposer de réclamation à la date considérée. Or, l’option pour le carry-back a la nature d’une réclamation au sens de l’article L 190 du LPF[7].

Enfin, il importe de rappeler que l’option ne peut pas être exercée au titre d’un exercice au cours duquel intervient une cession ou cessation totale d’entreprise, une fusion ou une opération assimilée, un jugement prononçant l’ouverture d’une mise en liquidation judiciaire de la société[8] ou une mise en liquidation amiable[9].

Un mode de détermination de la créance également dérogatoire

On sait que le taux de l’IS à compter de 2022 sera plus faible qu’au titre de la période 2017-2019. Raison pour laquelle, afin d’éviter l’effet d’aubaine lié à cette baisse continue de l’IS, il serait tenu compte, pour le calcul de la créance, non pas du taux de l’IS applicable aux exercices de réalisation du bénéfice servant de terrain d’imputation au déficit reporté en arrière (celui en vigueur entre 2017 et 2019), comme c’est le cas dans le régime de droit commun du carry-back, mais du taux de l’IS afférent aux exercices ouverts après le 31 décembre 2021 (soit, 25% pour l’ensemble des entreprises et 15% dans une certaine limite pour les PME). C’est ce dernier taux qui, multiplié par le montant du déficit reporté en arrière – lequel, dans le cas des PME, peut s’imputer prioritairement sur le bénéfice soumis au taux normal de l’IS – donnerait le montant de la créance. Etant toutefois précisé que :

  • d’une part, les éventuels déficits réalisés au cours de la période considérée (2017-2019) et reportés en arrière sur les bénéfices de la même période devraient être déduits du montant de ceux-ci ;
  • d’autre part, le montant de la créance dérogatoire calculé dans les conditions exposées ci-dessus devrait être réduit du montant de l’éventuelle créance déjà constatée au titre du même exercice (le premier exercice déficitaire arrêté entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021) si l’entreprise a opté pour le report en arrière à la clôture de celui-ci.

Exemple : une entreprise non éligible au taux d’IS réduit des PME a clos un exercice déficitaire de 3,5 Meur au 31 décembre 2020 qu’elle a décidé de reporter en arrière, dans les conditions de droit commun et le délai normal d’option, sur son bénéfice de 1,5 Meur constaté à la clôture de l’exercice précédent. Cette entreprise a également réalisé un déficit de 0,5 Meur au 31 décembre 2018 qu’elle a imputé sur son bénéfice de 2 Meur au 31 décembre 2017.

Cette entreprise disposerait donc d’un montant total de base d’imputation de 3 Meur (1,5 Meur + 2 Meur – 0,5 Meur). 

Sa créance de carry-back de droit commun s’établit à 310.000 euros, soit 1 Meur x 31%.

D’où un montant de créance de carry-back dérogatoire, si elle optait à nouveau d’ici le 30 septembre 2021, de : (3 Meur x 25%) – 0,31 Meur = 440.000 euros.

En outre, l’entreprise conserverait dans ce cas un montant de 0,5 Meur de déficit reportable en avant au titre de 2020 (soit : 3,5 Meur de déficit – 3 Meur de report en arrière de droit commun et dérogatoire).

 

On observe ainsi une déperdition de 60.000 euros par rapport à la situation qui résulterait d’une absence d’option pour le report en arrière, l’économie potentielle d’IS s’élevant alors à 625.000 euros, soit 2,5 Meur x 25% (vs. 565.000 euros y compris au titre de la créance liée à l’option dérogatoire pour le report en arrière si l’entreprise choisissait cette solution).

Opter ou ne pas opter ?

L’intérêt de solliciter l’application du dispositif ne serait donc pas évident en toute circonstance. Sans oublier que l’option pour le report en arrière présente également l’inconvénient d’entraîner, par rapport au report en avant, une augmentation du résultat des exercices futurs et, par voie de conséquence, de la contribution sociale sur les bénéfices de 3,3% assise sur l’IS y afférent, qui n’est pas prise en compte pour le calcul de la créance de carry-back. Pour la même raison, les acomptes d’IS de l’exercice suivant celui au cours duquel le résultat redevient bénéficiaire sont mécaniquement plus élevés que lorsque l’entreprise a choisi le report en avant.

La participation des salariés est aussi un paramètre à considérer. De fait, alors que, sous le régime du report en avant, le déficit d’un exercice vient diminuer la base de calcul de la participation de l’exercice sur lequel ce déficit est reporté, le report en arrière du même déficit laisse intact le résultat fiscal des exercices bénéficiaires suivants (et cela bien qu’il ne puisse pas entraîner une remise en cause de la participation attribuée, le cas échéant, au titre de l’« exercice d’imputation »). L’option entraîne donc un accroissement des droits à la participation.

D’un autre côté, elle permet de sécuriser l’utilisation du déficit, contrairement au report en avant qui, comme on l’a vu plus haut, court le risque de disparaître dans certaines situations et qui, en toute hypothèse, ne peut être utilisé que de manière étroitement plafonnée. De sorte que l’option pourrait procurer un gain fiscal substantiel par rapport au report en avant, puisque le carry-back dérogatoire n’est lui soumis à aucun plafonnement. Ainsi, par exemple, en présence d’un bénéfice de 5 Meur en N-3, d’un déficit de 3 Meur en N et d’un nouveau bénéfice de 2 Meur en N+1, l’entreprise n’aurait à s’acquitter d’aucun IS au titre de N+1 si elle optait pour le report en arrière dérogatoire en N, grâce à la créance de 750.000 euros en résultant (soit 25% x 3 Meur, vs. un IS de 500.000 euros, soit 25% x 2 Meur)), tandis qu’il lui faudrait payer 125.000 euros dans le cas contraire sur la base d’un bénéfice imposable net de déficit reportable en avant de 500.000 euros (2 Meur – 1 Meur – 50% x (2 Meur – 1 Meur)).

L’option aurait également pour effet, grâce à la constatation de la créance, d’améliorer le résultat de l’entreprise en renforçant ses fonds propres sans coût fiscal, le produit correspondant n’étant pas imposable. Enfin, bien qu’inaliénable et incessible, la créance peut être cédée en garantie à une banque ou lui être remise à l’escompte[10].

En synthèse, s’il est regrettable que l’immense majorité des pertes qui seront constatées en 2021 se trouvent exclues du dispositif, le projet de loi se présente sous les traits d’une mesure assurément favorable aux entreprises que la crise sanitaire a rendu déficitaires, parce qu’il introduirait une souplesse nouvelle en leur faveur susceptible de les aider à surmonter leurs difficultés économiques. Mais, comme toujours, le diable peut se cacher dans les détails. Avant d’exercer la nouvelle option ou d’y renoncer il sera donc essentiel de bien peser le pour et le contre de chacune de ces décisions possibles. Cela, d’ici le 30 septembre prochain en principe.


[1] Projet de loi de finances rectificative pour 2021 n° 4215

[2] CGI, art. 209, I

[3] CGI, art. 220 quinquies

[4] CGI, art. 223 G

[5] CE 2 décembre 2019, n° 420910, min. c/ Sté Courant SAS

[6] Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020, art. 5

[7] CE 19 juillet 2016, n° 385768, Société Technogram

[8] CGI, art. 220 quinquies, II

[9] CE 20 novembre 2017, n° 397027, Gradsztejn, mandataire ad hoc de la Sté Electre International

[10] CGI, art. 220 quinquies, I dernier alinéa


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