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Réseaux de distribution sélective et refus d’agrément

quand le droit des contrats s’en mêle

12/07/2017

Une décision récente de la cour d’appel de Paris rendue en matière de réseaux de distribution sélective mérite une attention particulière en ce qu’elle valide un refus d’agrément au regard du droit de la concurrence tout en le sanctionnant dans le même temps sur le terrain du droit commun des contrats (CA Paris, 24 mai 2017, n° 15-12129).

En l’espèce, après avoir cédé son activité à Fiat, la société Chrysler France avait résilié en mai 2010 l’ensemble de ses contrats de concession avec effet au 31 mai 2011 en annonçant une restructuration du réseau.

Quelques jours plus tard, Fiat informait les concessionnaires qu’elle reprenait la distribution de certaines marques en les invitant à candidater pour un nouveau contrat de distributeur agréé, ce que fit l’un d’eux. Après avoir essuyé un refus d’agrément, le concessionnaire évincé avait assigné Fiat en responsabilité délictuelle devant le tribunal de commerce de Paris. Celui-ci avait conclu à la légitimité du refus d’agrément.

La cour d’appel de Paris valide à son tour le refus d’agrément au regard des règles du droit de la concurrence : en effet, la part de marché de Fiat sur le marché des véhicules neufs, inférieure à 40 %, lui permettait de bénéficier de l’exemption automatique prévue par le règlement européen d’exemption sur la distribution automobile 1400/2002 applicable à l’époque des faits, sous réserve de l’absence d’éventuelles restrictions caractérisées. Or, les refus d’agrément discriminatoires ou injustifiés ne constituent pas de telles restrictions entrant dans le champ de la prohibition des ententes anticoncurrentielles.

Au regard des règles du droit de la concurrence, Fiat avait donc valablement pu refuser d’agréer l’ancien concessionnaire sans avoir à motiver sa décision. Pour autant, la cour d’appel de Paris n’absout pas Fiat en se fondant sur le droit des contrats. Pour la Cour « l’exemption d’un refus d’agrément, qui le fait échapper à la qualification de pratique anticoncurrentielle, ne le fait pas pour autant échapper au droit général des contrats, le concédant étant tenu, dès la phase précontractuelle, de respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant ».

Ainsi « Indépendamment de l’article L420-1 Code de commerce ou de l’article 101 du TFUE, […] le titulaire du réseau se doit, néanmoins, de sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et d’appliquer ceux-ci de manière non-discriminatoire. Il ne peut sélectionner ses concessionnaires à la suite d’un appel à candidature, sans justifier les motifs de son choix au regard des critères de sélection qu’il s’est lui-même fixés.

Ayant choisi d’adopter un système de distribution sélectif quantitatif, le concédant se devait, dans le processus de sélection de ses concessionnaires auquel il procédait après leur avoir préalablement adressé un courrier d’appel à candidature, de sélectionner ses concessionnaires selon les critères qu’il s’était fixés, au nom du principe général de bonne foi, applicable dès la phase précontractuelle, même si le choix de ces critères relevait de sa libre appréciation ».

Concrètement, la Cour d’appel reproche à Fiat, d’avoir insuffisamment motivé son refus d’agrément en ne l’ayant pas accompagné d’appréciations littérales ou chiffrées au regard des critères figurant dans le dossier de candidature adressé à l’ancien concessionnaire. Elle affirme en outre que la sélection avait été discriminatoire dans la mesure où le véritable motif du refus d’agrément résultait d’une action en justice engagée par le concessionnaire contre la société Chrysler et dans la critique de certains véhicules de la marque éponyme, motif qui ne figurait pas au nombre des critères retenus par Fiat pour l’agrément des candidats.

Par ce refus d’agrément, Fiat avait engagé sa responsabilité délictuelle envers l’ancien concessionnaire sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (aujourd’hui 1240).

Cette décision, fondée sur l’existence d’une obligation générale de bonne foi précontractuelle, peut surprendre à plusieurs égards et notamment en ce qu’elle renvoie à une grille d’analyse du refus d’agrément aujourd’hui abandonnée et contraire au droit de la concurrence tant de l’Union que français. Surtout, elle semble créer une présomption d’offre irrévocable d’agrément lorsque la tête de réseau lance un appel à candidatures imposant à celle-ci d’agréer tous les candidats remplissant les critères énoncés, librement choisis. Il appartient donc dorénavant aux têtes de réseaux de soigner la rédaction de leurs contrats et notamment de rappeler qu’elles restent libres de ne pas agréer de candidats, rempliraient-ils les critères d’agrément qu’elles fixent. Par ailleurs, s’agissant des critères de sélection, ceux-ci devront être rédigés de façon précise et complète.

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 3 juillet 2017


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