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TVA immobilière : la portée du régime de la marge bientôt précisée

Conseil d’Etat, 25 juin 2020, n° 416727, Icade promotion

20/05/2021

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été interrogée par le Conseil d’Etat (25 juin 2020, n° 416727, Icade promotion) sur la portée des dispositions de l’article 392 de la directive TVA qui autorise les Etats membres à prévoir une taxation sur la marge des livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de leur revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction lors de l’acquisition.

Dans un litige l’opposant à l’administration fiscale sur une période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2010, la société Icade Promotion conteste l’application du régime de la marge, transposé en France par les dispositions de l’article 268 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, à des opérations de revente à des particuliers de terrains à bâtir issus de l’acquisition auprès de particuliers et sur lesquels Icade a procédé à des travaux de viabilisation avant leur revente.

Pour trancher ce litige, le Conseil d’Etat a jugé nécessaire d’interroger la CJUE sur la portée des dispositions de l’article 392 pour établir la portée du régime de la marge sur les deux points suivants :

● s’agissant du régime d’acquisition des biens destinés à la revente : le régime de la marge s’applique-t-il uniquement aux livraisons dont l’acquisition avait été grevée de TVA sans ouvrir droit à déduction ou également dans l’hypothèse où l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA (hors champ ou exonérée) ?
● s’agissant des biens concernés : le régime est-il applicable lorsque les terrains acquis non bâtis deviennent des terrains à bâtir et lorsque des modifications de leurs caractéristiques ont été réalisées telles que leur division en lots ou la réalisation de travaux permettant leur desserte par divers réseaux ? L’avocat général a rendu ses conclusions le 20 mai 2021.

Outre que, d’une manière générale, les conclusions de l’avocat général ne permettent pas d’anticiper avec certitude le sens d’un arrêt de la CJUE (qui se prononce ici pour la première fois sur le régime de la marge dans le domaine immobilier), les réponses que l’avocat général propose d’apporter ne permettent pas d’évaluer avec précision la portée générale du futur arrêt si la Cour devait adopter l’interprétation qui lui est proposée.

Sur la condition tenant au régime de TVA applicable à l’acquisition du bien, l’avocat général propose clairement à la Cour de juger que sont susceptibles de relever du régime de la marge tant les biens dont l’acquisition a été grevée d’une TVA qui n’a pas ouvert droit à déduction que ceux dont l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. On attendra avec intérêt les précisions que la CJUE pourrait apporter et qui permettraient d’éclairer cette dernière formulation.

Sur la condition tenant à l’identité entre le bien revendu et celui qui avait été acquis, l’avocat général considère que le régime de la marge ne devrait pas être applicable en cas de transformation substantielle d’un bien, créatrice de valeur ajoutée. Au cas d’espèce, cela le conduit à proposer à la Cour d’exclure du régime de la marge la vente de terrains qui, comme au cas de ceux cédés par la société Icade, ont fait l’objet de travaux de viabilisation, d’aménagement de voies d’accès ou de la réalisation de raccordement de divers réseaux.

Par elle-même, une telle conclusion si elle devait être retenue, entrainerait d’importantes conséquences sur le régime fiscal des opérations de lotissement et d’aménagement de zone.

Au-delà, si les conclusions précisent qu’une simple division parcellaire ne serait pas de nature à exclure l’application du régime de la marge, elles ne permettent pas de dresser un inventaire exhaustif des implications qu’aurait le raisonnement menant à cette conclusion dans les nombreuses situations dans lesquelles le bien immobilier vendu n’est pas strictement identique à celui qui avait été acquis et/ou des travaux ont été réalisés avant la revente.

Enfin, sauf à ce que la Cour clarifie ce point, les conclusions de Monsieur Rantos nous paraissent comporter le risque de soulever de nouvelles interrogations quant à la distinction entre les notions de terrain non à bâtir, de terrain à bâtir et d’immeuble bâti que la réforme de 2010 avait pourtant permis de clarifier.

Il faudra dans tous les cas attendre encore plusieurs mois pour connaître l’interprétation que la CJUE entendra donner à ce régime.

L’arrêt que rendra la CJUE étant susceptible de produire ses effets sur le régime actuel, nous rappelons que les entreprises qui y trouveront intérêt pourront en revendiquer le bénéfice tandis que la situation des autres ne pourra être remise en cause qu’à défaut d’être protégée par la loi et l’interprétation qu’en fait la doctrine administrative.

CJUE, aff. C-299/20, conclusions de l’avocat général Athanasios Rantos du 20 mai 2021


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