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Action en garantie des vices cachés versus action pour défaut de délivrance conforme

Comment choisir ?

13/03/2020

A l’occasion de l’examen d’une QPC, la Cour de cassation souligne la différence de nature existant entre la garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance conforme. Retour sur un débat aussi ancien que le droit commercial.

Les faits

A la suite de la vente d’un véhicule automobile d’occasion intervenue entre deux particuliers, l’acheteur découvre l’existence d’un vice caché. Il exerce une action fondée sur la garantie des vices cachés contre son vendeur afin d’obtenir la restitution du prix qu’il a payé ainsi que des dommages-intérêts. 

Il se heurte alors à un problème d’indemnisation : l’action qu’il a engagée, encadrée par les articles 1644 et 1646 du Code civil, ne lui permet pas de réclamer des dommages-intérêts. En effet, seule la restitution du prix et le remboursement des frais occasionnés par la vente sont autorisés par les textes (sauf si la preuve de la déloyauté du vendeur peut être établie, c’est-à-dire qu’il avait connaissance du vice lors de la vente).

De ce fait, l’acheteur soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et soutient que l’article 1646 du Code civil (« si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente ») établit une différence de traitement par rapport à l’article 1604 du Code civil qui permet l’octroi de dommages-intérêts en cas de défaut de délivrance conforme. Selon le requérant, aucune différence de situation ne justifie une disparité de traitement et cette situation est donc contraire au principe d’égalité devant la loi (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).

Cette QPC (Cass. 1re civ., 23 octobre 2019, n°19-11.605) est l’occasion de faire un point sur un débat qui anime la sphère juridique depuis toujours.

Rappel : différences entre vices cachés et délivrance conforme

Un acquéreur insatisfait dispose de plusieurs actions, aux fondements différents, contre son vendeur :

La garantie des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du Code civil, le vice caché est le vice qui rend la chose impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminue cet usage de façon significative.

Pour qu’un acheteur puisse revendiquer le bénéfice de cette garantie, il doit prouver que le vice est :

  • caché,
  • antérieur à la vente ; et
  • rend la chose affectée impropre à sa destination.

Applicable à tous les contrats de vente, en présence de professionnels ou de consommateurs, cette garantie ouvre à l’acheteur une option entre la résolution de la vente (action rédhibitoire qui oblige l’acheteur à rendre la chose et lui permet d’en récupérer le prix) et une simple diminution du prix (action estimatoire). Lorsque le vendeur ignore les vices de la chose, l’acquéreur peut en outre solliciter le remboursement des frais occasionnés par la vente. C’est seulement en cas de mauvaise foi du vendeur que des dommages-intérêts peuvent être demandés (article 1645 du Code civil).

L’obligation de délivrance conforme

Aux termes de l’article 1603 du Code civil, le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». L’obligation de délivrance contraint le vendeur à livrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties (en termes de qualité, quantité, identité…) c’est-à-dire conforme à ce qui a été contractuellement stipulé.

Sanctionnée par la jurisprudence sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, l’inexécution de cette obligation peut être invoquée par tous les acquéreurs (particuliers ou professionnels) et donner lieu à l’indemnisation de tout préjudice.

Les notions de vice caché et de défaut de délivrance conforme sont donc parfaitement distinctes. Le vice caché est un défaut qui affecte l’usage normal de la chose tandis que le défaut de conformité résulte d’une différence entre la chose convenue et la chose livrée et affecte donc seulement l’usage convenu du bien vendu. Ainsi, une chose peut être affectée d'un défaut de conformité sans que cela n’altère l’usage pratique quotidien qu’en fait son propriétaire.

Notons qu’il existe une troisième garantie invocable uniquement par les consommateurs : la garantie de conformité du Code de la consommation. En pratique, celle-ci couvre à la fois le défaut de délivrance conforme et la garantie des vices cachés. Régie par des règles spéciales (articles L.217-1 et suivants du Code de la consommation), cette garantie permet au consommateur d’exiger la réparation, le remplacement, une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat (une hiérarchie est imposée dans le choix de ces remèdes) en cas de non-conformité du bien meuble corporel qu’il a acheté.

La position de la Cour de cassation

Dans l’arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation décide de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel, faute de caractère sérieux, la question soulevée par l’acheteur insatisfait.

Elle juge en effet que la différence de traitement résultant des deux textes est en rapport direct avec leur finalité : l’action rédhibitoire a pour objet de garantir l’acquéreur du vice caché de la chose dont le vendeur ignorait l’existence tandis que l’action en non-conformité tend à sanctionner l’inadéquation de la chose aux caractéristiques contractuellement définies et connues du vendeur.

Il convient donc de retenir que :

  • Le défaut de conformité correspond à un défaut d’identité entre la chose convenue et la chose vendue, qui manifeste une inexécution de l’obligation de délivrance conforme sanctionnée par la responsabilité contractuelle de droit commun (articles 1231 à 1231-7 du Code civil) ;
  • La garantie des vices cachés est une obligation du vendeur résultant du contrat de vente. La restitution du prix et le remboursement des frais occasionnés par la vente ne sanctionnent pas une violation contractuelle mais sont seulement l’expression de la garantie due par le vendeur en cas de découverte d’un vice caché après la vente (voir par exemple Cass. 1re civ., 5 mai 1993, n° 90-18.331).

En pratique :

L’acheteur qui découvre un vice postérieurement à l’achat qu’il a effectué et souhaite en demander réparation doit être particulièrement attentif à l’action qu’il entend engager. En effet, la Cour de cassation interdit à l’acheteur de cumuler action en garantie des vices cachés et action pour défaut de délivrance conforme (voir par exemple Cass. 3e civ., 4 octobre 1995, n° 93-14.879). En cas de vice affectant l’usage de la chose vendue, seule une action en garantie des vices cachés est susceptible d’être intentée (Cass. 3e civ., 14 février 1996, n° 93-21.773; Cass. 3e civ., 25 janvier 2012, n° 10-27.357) et aucuns dommages-intérêts ne pourront être valablement réclamés, sauf mauvaise foi du vendeur.


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Cet article a été publié dans notre Lettre des affaires commerciales de Mars 2020. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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