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Cartes bancaires et droit de la concurrence

27/06/2011


L'actualité récente témoigne de l'attention que les autorités de concurrence, au niveau communautaire comme au niveau national, porte au bon fonctionnement du marché des cartes de paiement. Dans son arrêt du 14 avril 2011, le tribunal de l'Union européenne a confirmé la décision du 3 octobre 2007 par laquelle la Commission européenne a infligé une amende de plus de 10 millions d'euros à Visa International et Visa Europe, ces deux entités gérant et coordonnant le réseau international de paiement par Cartes Visa. Il leur a été reproché d'avoir refusé de 2000 à 2006 d'intégrer en leur sein la filiale européenne de Morgan Stanley.

Le fait qu'en 2006, Morgan Stanley soit devenue membre du réseau Visa n'a pas empêché la Commission de poursuivre la procédure. La plaignante soutenait que le refus d'admission qui lui était opposé lui interdisait l'accès au marché de l'acquisition, c'est-à-dire au marché de l'offre de services aux commerçants, leur permettant d'accepter les transactions par carte de crédit ou de débit différé aussi bien en ce qui concerne les cartes Visa que les cartes Mastercard, les commerçants préférant conclure un contrat unique pour l'ensemble de leur transaction.

De son côté, Visa soutenait que Morgan Stanley aurait pu avoir accès au marché à travers un « partenaire de façade ». La commission, approuvée en cela par le tribunal, a écarté cet argument en faisant valoir que la solution mise en avant aurait été moins efficace et plus onéreuse qu'une entrée pure et simple dans le réseau.

Cette affaire donne l'occasion au tribunal de rappeler que l'examen des conditions de concurrence sur un marché repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur ce marché mais aussi sur la concurrence potentielle, c'est-à-dire celle qui résulterait de l'introduction d'un nouvel acteur.

Cette situation de concurrence potentielle ne résulte pas seulement de l'existence d'une entreprise susceptible de devenir concurrente mais de sa capacité réelle à intégrer le marché. Au cas particulier, le tribunal a considéré que cette condition était remplie et que par conséquent le comportement des membres du réseau Visa à l'encontre de Morgan Stanley avait été anticoncurrentiel.

De son côté, l'Autorité de la concurrence française, dans la suite de sa décision du 20 septembre 2010, poursuit l'examen des commissions interbancaires appliquées aux transactions par cartes. En mettant en ligne les engagements proposés par le Groupement cartes bancaires, l'Autorité effectue un « test de marché » à l'issue duquel elle décidera si les engagements pris par le Groupement cartes bancaires sont satisfaisants au regard du droit de la concurrence et les rendra alors obligatoires ou si ces engagements n'étant toujours pas satisfaisants, il y a lieu de reprendre la procédure contentieuse classique.


Par Olivier Benoit, avocat associé

Analyse juridique parue dans Option Finance du 16 mai 2011