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Charges financières pour 2013

Une limitation sans limites ?

06/11/2012

Faisant suite aux aggravations décidées en 2011, extension du champ d’application du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation(1) et introduction d’une limitation à la déduction fiscale des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation(2), le projet de loi de finances pour 2013 envisage cette fois une limitation générale de la déduction fiscale des charges financières entendues au sens large.

1. Présentation sommaire du nouveau dispositif

L’article 15 du projet de loi de finances pour 2013 (PLF 2013) vise à instaurer, par la création dans le CGI d’un article 212 bis, un dispositif conduisant à rapporter au résultat imposable, au titre des exercices 2012 et 2013, 15 % du montant des charges financières nettes de l’entreprise lorsque ce montant est supérieur à 3 millions d’euros (M€). S’agissant des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014, le taux de réintégration serait porté à 25 %.

Ce dispositif est dirigé contre les entreprises passibles de l’IS (en vertu de l’exposé des motifs du projet de loi) mais va s’étendre, selon nous, aux sociétés de personnes dont les associés relèvent de l’IS (en vertu de l’article 238 bis K du CGI).

Dans les groupes d’intégration fiscale, la même réintégration devra être opérée sur le résultat d’ensemble dès lors que les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition de sociétés membres du groupe par des personnes qui n’en sont pas membres sont supérieures à 3 M€.

Le montant de 3 M€ de charges financières constitue un seuil et non une franchise : si une entreprise franchit ce seuil, elle devra rapporter à son résultat imposable, non pas 15 % (puis 25 %) de la somme excédant 3 millions d’euros, mais bien 15 % (puis 25 %) du montant total de ses charges financières nettes.

Les entreprises seront donc confrontées aux effets pervers inhérents à la fixation et au franchissement de seuils. En effet, une entreprise faisant état de charges financières nettes d’un montant de 2,9 M€ pourra déduire l’intégralité de cette somme tandis que celle constatant un montant de charges financières nettes de 3,1 M€ ne pourra en déduire que 2,635 M€ (2,325 M€ à compter de 2014).

2. Définition des charges financières nettes

La question centrale posée par ce nouveau texte est celle de la définition des « charges financières nettes ».

Cette définition a évolué depuis le dépôt du PLF 2013 suite à l’adoption, le 19 octobre 2012, d’un amendement n° I-825 présenté par le gouvernement.

2.1. Difficulté d’application du projet de texte au sein des groupes d’intégration fiscale

D’après cet amendement, le montant des charges financières nettes est entendu comme le total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l’entreprise.

Une société peut donc être conduite à constater des charges financières négatives si elle perçoit davantage de produits que de charges. Pour une société imposable distinctement, cette situation a pour seul effet d’écarter la réintégration.

A l’échelon du groupe fiscal, la nouvelle réglementation va obliger chaque société membre à déterminer le montant de la charge financière nette résultant des prêts et emprunts conclus avec des personnes extérieures au groupe (calcul qui devra prendre en compte aussi, comme on le verra ci-après, certains loyers versés ou perçus). En effet, c’est la somme de ces charges financières nettes individuelles qui formera la base de la réintégration à opérer dans le résultat d’ensemble si son montant excède 3 M€. La question qui se pose en pratique est donc celle de savoir si le groupe sera fondé à tirer parti des produits nets financiers constatés par celles des sociétés membres qui ont davantage de produits financiers que de charges financières pour diminuer la base des réintégrations à opérer du chef des sociétés membres placées dans la situation inverse.

Au travers de l’exemple qui figure dans le rapport établi par la Commission des finances de l’Assemblée nationale (p. 297 du rapport n° 251 tome II), ce droit à compensation entre les positions débitrices et les positions créditrices devrait être reconnu au groupe. Mais il aurait été préférable que cette solution résulte explicitement de la lecture du texte.

2.2. Prise en compte de certains loyers pour la détermination du montant des charges financières nettes

2.2.1. Le projet de texte initial prévoyait que le montant des charges financières devait inclure, en cas d’opération de crédit-bail ou de location, la fraction des loyers supportée par le crédit-preneur ou locataire déduction faite de l’amortissement.

Ainsi, le texte initial assimilait les loyers de location simple à des charges financières.

L’amendement du gouvernement susvisé est venu préciser que le montant des charges financières inclut le montant des loyers déduction faite de l’amortissement, de l’amortissement financier pratiqué par le bailleur et des frais et prestations accessoires facturés au preneur en cas d’opération de crédit-bail, de location avec option d’achat, ou de location conclue entre entreprises liées au sens du 12 de l’article 39 du CGI.

L’exposé des motifs de l’amendement justifie le changement opéré par le fait que « les locations simples, à la différence de la location avec option d’achat, ne sont pas un mode d’acquisition équivalent à l’emprunt ou au crédit-bail et ne sont donc pas prises en compte pour la détermination du montant des charges nettes ».

Toutefois, le nouveau texte continue d’assimiler les loyers versés ou perçus à des charges ou à des produits financiers dans le cas où la location est conclue entre entreprises liées.

Cette distinction peu compréhensible, si elle perdure, va entraîner une inégalité de traitement entre les sociétés qui prennent à bail des équipements ou des locaux auprès de sociétés liées et celles qui les louent auprès de tiers.

Pour leur part, les bailleurs ont à craindre une détérioration de leur situation fiscale à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ceux qui qui louent à des sociétés liées plutôt qu’à des sociétés tierces, seront relativement épargnés par la disposition qui va leur permettre de réduire le montant de leurs charges financières du montant des loyers qu’ils perçoivent.

2.2.2. L’inclusion de certains loyers dans la détermination du montant des charges financières pose également la question de l’amortissement à déduire du montant de ce loyer.

L’exposé des motifs de l’amendement n° I-825 précise que l’amortissement peut s’entendre d’un amortissement linéaire ou dégressif, mais aussi d’un amortissement financier.

Là encore, des inégalités de traitement entre les sociétés qui prennent à bail des locaux auprès d’entreprises liées sont susceptibles de surgir.

En effet, si certaines prennent à bail des locaux déjà totalement amortis par le bailleur, l’intégralité des loyers qu’elles seront amenées à verser sera considérée comme une charge financière.

Le moyen de pallier cette difficulté serait de considérer que le loyer versé doit être réduit du montant d’un amortissement « théorique » applicable aux locaux loués.

Toutefois, le texte ne nous semble pas, dans sa rédaction actuelle, permettre de retenir une telle interprétation puisque la référence aux amortissements linéaires, dégressifs ou financiers, telle qu’elle est exprimée dans l’exposé des motifs, laisse à penser que l’on prend en compte l’amortissement réellement pratiqué par le bailleur.

Il conviendrait donc que soit précisée la notion d’amortissement.

3. Combinaison avec les autres dispositifs de limitation de déduction des charges financières

L’article 212 bis est appelé à s’appliquer, selon le projet de texte, après prise en compte des autres régimes limitant la déduction des charges financières.

En effet, le projet prévoit que le montant des charges financières est diminué des fractions de charges financières non admises en déduction en application du IX de l’article 209 et de l’article 212.

Il en est de même pour la détermination des charges financières nettes d’un groupe d’intégration fiscale. Ce montant sera également réduit des sommes réintégrées en application du dispositif « Charasse ».

La superposition de tant de dispositifs visant à limiter la déduction des charges financières sera sans aucun doute source d’une grande complexité dans la détermination du résultat imposable des entreprises.

On note à cet égard que l’article 15 du PLF 2013 entend également préciser comment les règles visées à l’article 209, IX du CGI se combinent avec celles prévues aux articles 212 (sous-capitalisation) et 223 B (« amendement Charasse »).

Les dispositions, peu claires, fournies à cet égard nous semblent difficilement conciliables avec celles prévues pour l’application du nouvel article 212 bis et contraires, ou à tout le moins, pas aussi précises que celles qui avaient été fournies dans le projet d’instruction administrative visant à commenter l’article 209, IX.

On peut encore espérer, à ce stade de l’examen du texte, que diverses améliorations lui soient apportées.

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Lire également : Charges financières en 2019 : les commentaires administratifs sont parus

1. Article 212 du CGI

2. Article 209, IX du CGI

Article paru dans la revue Option Finance du 5 novembre 2012


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