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Clause pénale et clause de dédit

Une distinction opérée selon la fonction de la clause

28/03/2019

La clause qui contraint une partie à exécuter le contrat jusqu'à son terme et fixe de manière forfaitaire le préjudice subi par l'autre partie s'analyse en une clause pénale et non en une clause de dédit.

Rappel des faits – Une société assurant la gestion d’un club de rugby professionnel poursuivait avec une société spécialisée dans l’équipement sportif une relation contractuelle de parrainage/sponsoring depuis plus de huit ans. Le dernier contrat conclu entre les deux sociétés, signé en juillet 2010 pour une durée de trois saisons sportives allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2013. Dans son article 5 intitulé "Résiliation anticipée du contrat", il prévoyait que l’équipementier puisse le résilier de manière anticipée dans le cas où le club de rugby changerait de marques d’équipement en cours de contrat, et de réclamer le paiement par le club d’une pénalité maximale de 450 000 euros hors taxes.

En mars 2011, à l’issue de la première année d’exécution du contrat, le club de rugby a résilié celui-ci par anticipation, arguant de divers manquements de l’équipementier.

Contestant les manquements reprochés, l’équipementier a alors assigné le club devant le tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg pour rupture fautive et nulle. Le club a alors fait valoir que cette résiliation anticipée était valable puisque mise en œuvre à titre principal du fait de manquements reprochés à l’équipementier. A titre subsidiaire, il réclamait au Tribunal de faire application de la clause de dédit prévue à l’article 5 du contrat.

En première instance, l’article 5 est analysé comme une clause de dédit. Le TGI de Strasbourg considère que "malgré une maladresse de rédaction, cette clause permet de résilier le contrat, sans mise en demeure préalable et sans faute de l’équipementier" (TGI Strasbourg, 10 avril 2015).

La société d’équipements sportifs a interjeté appel.

La cour d’appel de Colmar a rappelé dans un premier temps le principe invariablement retenu par la Cour de cassation selon lequel "clause de dédit et clause pénale se distinguent principalement par la fonction que les parties ont entendu leur conférer en contractant" (Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-11.448 ; Cass. com., 10 mars 2015, n° 13-27.993).

Elle a considéré ensuite que les stipulations de la clause litigieuse devaient être interprétées comme constituant une clause pénale aux motifs que :

  • le club de rugby, dans son courrier de résiliation de mars 2011, n’avait pas, en réalité, entendu se prévaloir de la faculté de dédit prévue au contrat mais avait entendu le résilier de manière anticipée ;
  • le club n’avait pas non plus offert de s’acquitter volontairement d’une somme correspondant à la contrepartie de sa faculté de dédit ;
  • la somme de 450 000 euros HT était suffisamment élevée pour montrer que les parties avaient entendu lui conférer un caractère comminatoire afin de dissuader une rupture anticipée des relations contractuelles ;
  • la clause stipulait expressément qu’il s’agissait d’une somme due à titre de "pénalité" (CA Colmar, 3 mai 2017 n° 15/02711).

La solution retenue – La Cour de cassation approuve l’arrêt d’appel. Elle relève que la Cour d’appel, en ayant fait ressortir que cette clause avait pour objet de contraindre l’autre partie à exécuter le contrat jusqu’à son terme et d’évaluer de manière forfaitaire le préjudice subi par la partie au profit de laquelle elle a été stipulée, en a exactement déduit que la clause s’analyse en une clause pénale et non une clause de dédit (Cass. com., 5 décembre 2018, n° 17-22.346).

Que faut-il retenir de cette décision ? – Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation en ce qu’il considère que les clauses pénales et de dédit se distinguent par leur objet.

Rappel de la distinction – La clause de dédit revêt un caractère compensatoire et constitue le prix d’une faculté de rétractation reconnue à son bénéficiaire.

Au contraire, la clause pénale possède un caractère indemnitaire et définit forfaitairement le montant, suffisamment élevé pour être comminatoire, des dommages et intérêts dus par la partie qui n’exécute pas ses obligations.

Intérêt de la distinction – L’intérêt de la distinction réside essentiellement dans le fait que le juge a le pouvoir de réduire ou de majorer le montant de la clause pénale si celui-ci est manifestement excessif ou dérisoire (article 1152, al. 2 du Code civil désormais article 1231-5 al.2) alors qu’il ne peut pas modifier le montant du dédit.

Cet arrêt rappelle l’importance d’apporter le plus grand soin et la plus grande clarté à la rédaction des clauses pénale et de dédit, afin d’éliminer toute incertitude quant à la volonté des parties.


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Cet article a été publié dans notre Lettre affaires commerciales de mars 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Lettre des affaires commerciales Décembre 2018

Auteurs

Brigitte Gauclere
Anne-Sophie Metiner