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Concentration avec engagements : attention à l’indépendance du mandataire

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 3 décembre 2012

04/12/2012


La Commission européenne avait autorisé, en janvier 2004, la cession des actifs d’Editis (anciennement Vivendi Universal Publishing) au groupe Lagardère sous réserve du respect par ce dernier de plusieurs engagements dont celui de rétrocéder 60 % des actifs cibles. Après examen des offres de reprise de cinq acquéreurs potentiels, Lagardère avait décidé de rétrocéder ces 60 % d’actifs à Wendel. La Commission avait agréé Wendel comme cessionnaire en juillet 2004.

L’éditeur Odile Jacob, candidat à la reprise évincé, avait obtenu en septembre 2010 du Tribunal de l’Union européenne (TUE) l’annulation de cette décision au motif que le rapport d’évaluation de la candidature de Wendel, au vu duquel cette décision avait été adoptée, avait été élaboré par un mandataire qui ne répondait pas à la condition d’indépendance requise à l’égard des actifs cibles cédés.

La CJUE vient de confirmer cette annulation. En effet, aux termes des engagements souscrits par Lagardère, le mandataire chargé de garantir leur bonne exécution devait aux fins d’exercice de sa mission « être indépendant de Lagardère et d’Editis et ne pas être exposé à un conflit d’intérêts ». Or, il se trouvait que le président du cabinet, désigné comme mandataire, était dans le même temps membre du directoire d’Editis. Il résultait de ce seul constat que l’exercice par l’intéressé des fonctions de membre du directoire d’Editis était de nature à affecter son indépendance en qualité de mandataire, dès lors que cette situation ne lui permettait pas de conduire l’expertise conformément aux engagements souscrits par Lagardère.

Alors qu’il était reproché au Tribunal de ne pas avoir analysé les conséquences du manque d’indépendance du mandataire sur l’évaluation de la candidature de Wendel comme repreneur des actifs d’Editis, la CJUE a jugé que le mandataire devait d’emblée être indépendant des parties et, en plus, agir de manière indépendante par rapport à celles-ci. En conséquence, le manque d’indépendance suffit pour annuler la décision prise par la Commission ayant entériné les conclusions de l’expert. Selon la CJUE, la question de savoir si le mandataire a agi d’une manière indépendante ne se pose que s’il a été constaté au préalable que celui-ci était effectivement indépendant des parties. Dès lors que le manque d’indépendance du mandataire avait été établi, le Tribunal n’était pas obligé d’examiner si ce mandataire avait agi in concreto d’une manière qui attesterait son manque d’indépendance (Arrêt du 6 novembre 2012 - Aff. C-553/10P et C-.554/10P).

Important par les conséquences qu’il pourrait emporter en termes de remise en cause d’une cession d’actifs, cet arrêt ne devrait pas avoir ici d’incidence pratique dans la mesure où la reprise des actifs d’Editis par Wendel (actifs passés depuis dans le giron du groupe Planeta) a été une nouvelle fois agréée, avec effet rétroactif, par la Commission européenne le 13 mai 2011. Toutefois ce nouvel agrément fait lui aussi l’objet d’un recours en annulation devant le TUE introduit en septembre 2011 par Odile Jacob. Affaire à suivre donc.

Auteurs

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris