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Crédit renouvelable : attention à ne pas se prendre la tête dans le double plafond !

10/07/2012


En matière de crédit à la consommation, il existe un délai de forclusion, non susceptible d'interruption ni de suspension, de deux ans au-delà duquel sera irrecevable toute action en paiement relative à un crédit à la consommation diligentée par l'établissement prêteur contre l'emprunteur. Mais deux ans à partir de quand ?

Avant la loi Lagarde du 1er juillet 2010, le Code de la consommation disposait simplement que les actions en paiement devaient être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance. Ce qui soulevait une difficulté d'application en matière de crédit revolving.

En effet, il est assez fréquent que la convention de crédit prévoie un double plafond : le crédit est consenti pour un montant maximal, mais seule une « fraction disponible » est immédiatement utilisable par l'emprunteur, le déblocage de la somme plafond étant subordonné à l'absence d'incident de paiement pendant une période déterminée.

Dans cette configuration, la Cour de cassation a fait preuve d'une très grande sévérité à l'égard des établissements de crédit. Elle juge que le dépassement de la fraction disponible - et pas seulement de la fraction maximale - constitue un incident de paiement, à partir duquel, en l'absence de régularisation (dans les trois mois), court le délai de deux ans.

L'analyse déjà formulée le 15 décembre 2011 (Option Finance 06/02/2012) vient d'être solennellement rappelée par la Cour de cassation (arrêt du 22 mars 2012) ; preuve que la solution, qui peut être vue comme une prime à la mauvaise foi, n'est pas entièrement convaincante. En l'espèce, l'offre mentionnait un montant de crédit de 2 262 euros avec un montant maximum de 10 000 euros.

En mars 2003, le prêteur avait accordé un financement de 6 000 euros, mais c'est en mars 2007 qu'était intervenue la première échéance impayée. La cour d'appel avait retenu comme point de départ du délai mars 2007, au motif que le solde débiteur n'avait à aucun moment dépassé 10 000 euros. La Cour de cassation censure l'arrêt. Elle énonce que c'est le dépassement en mars 2003 du montant du crédit initialement accordé qui constitue le point de départ du délai pertinent, « faute de restauration ultérieure du crédit ou d'augmentation de son montant par la souscrip tion d'une offre régulière ».

En d'autres termes, la banque n'aurait jamais dû accéder à la demande du client portant le « montant du capital octroyé » au-delà du premier plafond. Plus exactement, elle aurait dû, pour faire reculer le point de départ du délai de forclusion, présenter une nouvelle offre préalable de crédit.

Mais les faits étaient antérieurs à la réforme issue de la loi Lagarde. Désormais, l'article L. 311-52 du Code de la consommation est plus précis sagissant du point de départ du délai de forclusion. Le texte envisage expressément l'hypothèse d'un crédit renouvelable, et prévoit que l'événement déclenchant le délai de deux ans peut être caractérisé « par le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti ». Lexpression cèle toutefois une dose d'ambiguïté au regard de la pratique du « double plafond », car on pourrait plaider tout autant que ce « montant tota l» est soit le montant initial du crédit, soit le montant du découvert maximum autorisé.

Il paraît toutefois vraisemblable que la solution retenue en 2011 et 2012 se maintiendra sous l'empire du texte nouveau. Les banques, ayant accordé un crédit renouvelable, devront être particulièrement vigilantes dès que le montant du crédit octroyé est susceptible d'être dépassé, indépendamment du découvert maximum éventuellement autorisé.

Elles devront soit proposer une nouvelle offre, soit résilier immédiatement le crédit et assigner sans retard. Il n'est pas sûr, qu'au résultat, le consommateur en sorte gagnant.


Par Arnaud Reygrobellet, professeur à l'université Paris X
of counsel, CMS Bureau Francis Lefebvre

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 9 juillet 2012

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Arnaud Reygrobellet
Associé
Paris