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Déduction en France des déficits étrangers : une mesure de soutien aux PME internationales

27/05/2010

A compter de 2009, les PME françaises sont autorisées à déduire de leur résultat les déficits fiscaux supportés par leurs filiales et succursales éligibles situées à l’étranger.


Ce dispositif, introduit par la loi de finances pour 20091 et codifié à l’article 209 C du Code Général des Impôts, a été commenté par l’Administration fiscale au début de l’année2.

Les déficits étrangers ainsi imputés sont ensuite réintégrés dans le résultat français dès que l’entité étrangère renoue avec les bénéfices, dans la limite de ces derniers. En tout état de cause, la réintégration intervient au plus tard à la clôture du cinquième exercice suivant leur déduction en France.

Ce mécanisme procure une double déduction temporaire, puisque les déficits étrangers en cause demeurent pleinement déductibles dans leur Etat d’origine.

Dans le contexte actuel de crise financière internationale, cette mesure de soutien aux PME françaises investissant à l’étranger s’avère particulièrement bienvenue.

1. Champ d’application du dispositif

1.1 PME française

La PME française doit être soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (au taux normal ou au taux réduit des PME).

Il peut s’agir d’une société française, mais aussi de la succursale française d’une société étrangère.

Elle doit employer moins de 2.000 salariés en France (calculés en nombre d’emplois à l’année à temps plein).

Si l’entreprise est membre d’un groupe d’intégration fiscale, ce nombre est apprécié à l’échelle du groupe.

Le capital et les droits de l’entreprise ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, à 25 % ou plus par une ou plusieurs entreprises qui ne respectent pas ce seuil. Ne sont pas prises en compte, pour le calcul de ce taux, les participations détenues par certaines structures d’investissement (SCR, SDR, SFI, SUIR, FCPR).

Ce seuil de salariés est plus élevé que celui d’autres dispositifs fiscaux intéressant les PME.

En outre, il n’existe pas ici d’exigences en matière de taille du bilan ou de volume du chiffre d’affaires, ni de détention minimale requise de la part de personnes physiques. Il peut, au demeurant, tout à fait s’agir d’une société cotée ou d’une filiale de société cotée.

Comme on peut le constater, c’est donc une définition très large de la notion de PME qui a été retenue pour l’application de la présente mesure.

1.2 Filiale ou succursale étrangère

La filiale ou succursale étrangère doit être située dans l’Union Européenne ou dans un Etat ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance mutuelle en matière d’échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Cette définition permet d’inclure environ une centaine d’Etats, dont les principaux partenaires commerciaux de la France3.

En ce qui concerne les filiales, celles-ci doivent être détenues de manière directe et continue par l’entreprise française à 95 % au moins durant tout l’exercice.

Si le seuil de 95 % n’est pas atteint en raison d’une réglementation locale restrictive, la filiale demeure éligible pourvu que la PME française détienne le taux de participation le plus élevé autorisé localement.

La filiale ou succursale doit être soumise localement à un impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés.

Il convient de noter qu’il n’existe, à son niveau, aucune condition tenant à l’effectif salarié, et encore moins à la taille du bilan ou au volume du chiffre d’affaires.

2. Mise en œuvre du dispositif

2.1 Montant déductible des déficits étrangers

La déduction en France est strictement égale au montant du déficit fiscal réalisé par l’entité étrangère.

Il en va ainsi alors même que le taux d’imposition local serait inférieur à celui existant en France : aucun retraitement du résultat étranger n’est en effet à opérer dans une telle situation pour ajuster le montant du déficit imputable en France.

De même, le montant du déficit fiscal étranger, déterminé selon les règles locales, n’est pas davantage recalculé en fonction des règles d’assiette françaises.

Toutefois, l’Administration ne permet la remontée en France que d’un déficit véritablement étranger. Si le déficit de l’entité étrangère comprend un déficit transmis par une succursale en France, la fraction correspondante du déficit déclaré à l’étranger n’est pas susceptible d’être retransmise à la PME française 4.

Le déficit étranger est converti en euros sur la base du taux de change officiel en vigueur à la clôture de l’exercice.

Il convient de noter que si les déficits étrangers imputés conduisent à générer ou augmenter un déficit fiscal en France, ce déficit suivra les règles fiscales françaises habituelles.

La PME française pourra donc décider, dans les conditions ordinaires, de le reporter en avant ou en arrière (carry-back).

Lorsque le taux de participation de l’entreprise française atteint au moins 95 % dans le capital de sa filiale, la déduction en France porte sur 100 % du déficit étranger.

Si elle détient moins (voir ci-avant), le montant déductible est alors réduit au prorata de sa participation dans le capital de la filiale.

Chaque année, la PME française peut redéfinir librement le périmètre des filiales ou succursales étrangères 5 qu’elle inclut dans le dispositif, sans que cela n’entraîne la réintégration anticipée des déficits antérieurement transmis par les entités exclues.

La mesure s’applique pour la première fois aux résultats des exercices ouverts par la PME française à compter du 1er janvier 2009.

Selon l’Administration, son bénéfice est limité aux entités étrangères ouvrant et clôturant leur exercice aux mêmes dates que la PME française 6.

Cette interprétation restrictive paraît contestable, car la loi autorise l’imputation en France de tout déficit étranger constaté au cours du même exercice, ce qui vise tous les déficits des exercices clos à l’étranger durant l’exercice ouvert par la PME française.

Sur un plan déclaratif, un imprimé particulier doit être souscrit par la PME française, à l’appui de sa liasse fiscale, pour déclarer et suivre chaque année à la fois les résultats des entités étrangères concernées et le respect des conditions d’application du régime.

2.2 Réintégration des déficits

L’avantage procuré par ce système est temporaire : la PME française doit réintégrer ultérieurement les déficits fiscaux initialement déduits.

La réintégration est opérée dès les premiers bénéfices fiscaux de l’entité étrangère, et dans la limite de ces derniers.

En toute occurrence, elle doit intervenir au plus tard à la clôture du cinquième exercice qui suit la déduction des déficits en France (ce qui vise le cas d’une entité étrangère structurellement déficitaire, ou ayant cessé son activité).

Les déficits étrangers sont réintégrés par anticipation lorsque les conditions d’application du régime ne sont plus remplies :

  • par l’entreprise française (franchissement du seuil de 2.000 salariés…) : la réintégration porte alors sur l’intégralité des déficits étrangers déduits ;
  • ou par l’entreprise étrangère (détention à moins de 95 %...), la réintégration est cette fois limitée aux déficits transmis par cette dernière.

2.3 Plafonnement de l’aide

Conformément à la réglementation européenne des aides de minimis, l’avantage de trésorerie octroyé par ce mécanisme est limité à 200.000 € par période de trois exercices.

Toutefois, ce seuil est porté à 500.000 € pour les aides accordées entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010, ce qui rend le dispositif particulièrement attractif pour les déficits de 2009.

Fort logiquement, l’Administration fiscale a confirmé que, l’économie fiscale liée à la déduction du déficit n’étant pas permanente mais limitée au maximum à 5 ans, le montant de l’aide ne correspond pas à l’économie d’impôt immédiate mais à la charge financière économisée par l’entreprise à l’occasion de ce « crédit gratuit » que lui consent l’Etat durant le portage de l’impôt.

Plus précisément, le montant de l’aide obtenue est calculé en multipliant le montant de l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles économisé par un taux d’intérêt de marché sur la période courue entre la date limite de paiement de l’impôt dû au titre de l’exercice de déduction (par exemple, le 15 avril 2010) et la date limite de paiement de l’impôt dû au titre de l’exercice de reprise des déficits (par exemple, le 15 avril 2015) 7.

Le taux en cause n’a certes pas encore été chiffré à ce jour par l’Administration fiscale.

Sur ce point, comme sur les modalités de calcul du plafonnement de 500.000 €, des précisions sont espérées pour la clôture 2010.

En attendant, force est de considérer que l’interprétation favorable de l’Administration quant au principe de calcul de l’aide augmente significativement la portée du régime.

C’est donc avec un intérêt tout particulier que les PME internationales examineront l’application de ce dispositif dès l’établissement de leur liasse fiscale 2009.


1 Article 22.
2 Instruction 4 H-4-10 du 20 janvier 2010.
3 Au nombre des principaux exclus à ce jour, on citera la Suisse, Hong-Kong ou encore Singapour.
4 Inst. n° 19.
5 Les filiales ou succursales françaises étant en revanche exclues de plein droit.
6 Inst. n° 25.
7 Des règles particulières trouvent à s’appliquer lorsque les déficits ont généré ou augmenté les déficits fiscaux français de la PME, afin de tenir compte du fait que le point de départ de calcul de l’avantage obtenu est différé dans le temps.


André Loup, avocat, CMS Russie

Chronique parue dans la revue Option Finance du 12 avril 2010