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Eco-contribution : une prise de position favorable aux entreprises

24/10/2011


Dans un avis du 11 juillet 2011 le Conseil d’Etat(1) considère que la contribution versée à l’éco-organisme « Eco-emballages » est constitutive d’une redevance pour services rendus qui est susceptible, à ce titre, de venir minorer la valeur ajoutée de la société qui s’en acquitte.


Le décret du 1 er avril 1992 - portant application, pour les déchets résultant de l'abandon des emballages, de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux - a mis à la charge des entreprises qui conditionnent, importent, mettent sur le marché des produits emballés vendus aux ménages, de pourvoir ou de contribuer à l'élimination de l'ensemble de leurs déchets d'emballages. Ce décret institue une obligation d'élimination des déchets d'emballages, mais il laisse le choix aux entreprises entre, d'une part, pourvoir elles-mêmes à l'élimination de leurs déchets par la mise en place d’un dispositif de consignation ou de dépôts de collecte de ces emballages, ou, d'autre part, contribuer à un système collectif, par le recours aux services d’un organisme agréé (en l’espèce la société Eco emballages), dont le rôle est d'assumer pour le compte de ses adhérents conditionneurs l'obligation d'élimination.

Rappelons que les dispositions de l’article 1647 B sexies du CGI, dans leur rédaction applicable jusqu’en 2009, prévoyaient un mécanisme du plafonnement destiné à soulager les redevables de la taxe professionnelle de la fraction de leurs cotisations (hors frais de Chambres de Commerce et d’Industrie) excédant 3,5% de leur valeur ajoutée, laquelle était définie comme étant l'excédent hors taxes de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constatés au cours de la période de référence. La doctrine administrative considérait que l'expression « hors taxe » ne visait que les taxes figurant dans les deux premières parties du Livre ler du Code général des impôts. Le Conseil d'Etat a infirmé cette position en considérant que le terme «hors taxe » visait l’ensemble des taxes grevant le prix des biens et des services vendu par l'entreprise. (CE, 7 juill. 2004, n° 250761, Sté d'exploitation de la vallée des Belleville). Précisons que cette valeur ajoutée servait également d’assiette à la cotisation minimale prévue à l’article 1647 E du CGI.

La société CANDIA a présenté une demande de dégrèvement au titre du plafonnement des cotisations de taxe professionnelle dont elle s’est acquittée pour l’année 2000 en traitant les contributions versées à la société Eco-emballages comme des consommations en provenance de tiers déductibles de sa valeur ajoutée. Par un jugement du 7 juillet 2009, le Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise a confirmé le rejet opposé par l’administration à cette demande au motif que la contribution financière en cause est un versement institué par l'autorité publique qui ne saurait être assimilée à une consommation de biens et services en provenance de tiers et qui ne relève pas de la catégorie des taxes déductibles de la valeur ajoutée.

Sur appel de la société, la Cour administrative d'appel de Versailles, par un arrêt du 10 février 2011, a, sur le fondement de la procédure d'avis prévue à l'article L. 113-1 du Code de justice administrative, décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la question de savoir si la contribution versée par la société CANDIA à la société agréée, constituait une consommation de biens et services en provenance de tiers susceptible de venir en déduction pour le calcul de sa valeur ajoutée. Observons que l’hypothèse selon laquelle la contribution puisse être constitutive d’une taxe grevant le prix de revient des biens vendus et, à ce titre, déductible de la valeur ajoutée n’a pas été, semble-t-il, envisagée par la Cour.

L’avis qui vient d’être rendu donne entièrement satisfaction à la société en concluant au caractère non fiscal de la contribution.

1. Sur le caractère non fiscal de la contribution versée à ECO-EMBALLAGES

La société Candia a fait valoir que la contribution en cause n’a pas une nature fiscale dès lors qu’elle n'a pas été instituée par les autorités compétentes ou les formes requises pour recevoir la qualification de taxe ou de redevance.

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant (…) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ». Cette disposition énonce le principe de la compétence exclusive du législateur pour lever l'impôt. Cette prérogative porte sur l'ensemble des impositions, c'est-à-dire des prélèvements obligatoires sans contrepartie directe et proportionnelle, quel qu'en soit le bénéficiaire. Le pouvoir réglementaire est, quant à lui, compétent pour établir les prélèvements qui ont la nature d'une redevance pour service rendu, demandée aux seuls usagers d'un service, en contrepartie directe et proportionnelle de celui-ci, et intégralement affectée à la couverture des charges de l'organisme qui fournit le service. Néanmoins, la contribution versée à Eco-emballages ne présente à l'évidence pas un caractère obligatoire mais un caractère facultatif, ce qui s'oppose à ce qu'elle puisse être qualifiée de prélèvement de nature fiscale. Enfin, si l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances a donné au pouvoir réglementaire compétence pour créer une catégorie particulière de prélèvements dénommés « taxes parafiscales » (habilitation qui a cessé à la suite de la loi organique du 1er août 2011), la perception d'une telle taxe, au-delà du 31 décembre de l'année de son institution, doit être autorisée chaque année par une loi de finances en étant inscrites à l'état E annexé au projet de loi de finances.

La contribution Eco-emballages, faute d'être instituée par la loi ou de figurer à l'Etat E annexé à la Loi de finances ne peut recevoir ni la qualification d'imposition ni la qualification de taxe parafiscale.

2. Sur le caractère commercial de la contribution versée à ECO-EMBALLAGES

La société Candia a soutenu en second lieu que le lien entre les contributeurs et l’organisme agréé revêt une nature purement commerciale dès lors que leur obligation d’élimination des déchets d’emballages pouvait être satisfaite par le biais de la conclusion d’un contrat avec ce dernier. La société agréée intervient en qualité de prestataire puisqu'elle assume, à la place de ses clients, les obligations liées à l'élimination des déchets d'emballages. La contribution n’est pas une taxe mais constitue une modalité d'accomplissement de l’obligation de destruction ou de valorisation des déchets d'emballages.

Le caractère privé de cette relation est corroboré par un faisceau d’indices. Eco-emballages est une société anonyme qui repose sur deux entités : la société opérationnelle, et une holding réunissant les conditionneurs et importateurs de produits emballés, qui contrôle l'action d'Eco-Emballages par le biais de son conseil d'administration (cf. (Rép. min. n° 6530 : JO Sénat Q, 30 juill. 1998, p. 2453). La société agréée peut sous-traiter une partie de ses missions, la contribution est assujettie à la TVA au taux de droit commun. Les litiges relatifs aux recouvrements de créances entre la société agréée et ses contributeurs relèvent des juridictions judiciaires et notamment du Tribunal de commerce(2).

Le Conseil d’Etat approuve sans réserve l’analyse de la société CANDIA puisqu’il considère que « la contribution financière versée à l'organisme agréé (…), constitue la contrepartie directe du service qui lui est rendu par cet organisme, consistant à réaliser, pour son compte, les prestations ayant pour but d'éliminer les résidus d'emballages et ne saurait être regardée comme un versement assimilable à une imposition ou à une taxe instituée par l'autorité publique. Par suite, les sommes versées à l'organisme agréé doivent être regardées, pour l'application des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, comme une consommation de biens et services en provenance de tiers. »

3. Portée de l’avis

Cet avis, qui devrait conduire la Cour administrative d’appel de Versailles à faire droit à la demande du contribuable, est d’une portée qui dépasse largement son cadre originel car l’analyse qu’il retient est transposable à l’ensemble des autres eco-contributions pour lesquelles le contributeur à la faculté d’assumer directement ses obligations environnementales.

Son intérêt n’est pas seulement rétrospectif car la solution qu’il édicte vaut, bien entendu, sous le régime actuel de la contribution économique territoriale pour le calcul de la valeur ajoutée servant au calcul de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) et, s’il ya lieu, pour la détermination du droit au plafonnement.


1. CE du 11 juillet 2011, n° 346698, 9e et 10e s.s. réunies, société CANDIA
2. Cass. com. du 8 juillet 2003 n° 99-17.457 ; Cass com du 1er juillet 2003 n° 98-11.543


Par Cathy Goarant, avocat associée et Alexis Bussac, avocat

Article paru dans la revue Option Finance du 24 octobre 2011

Auteurs

Portrait deCathy Goarant-Moraglia
Cathy Goarant-Moraglia
Associée
Paris
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Alexis Bussac
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