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Faut-il payer les contraventions de ses salariés ?

13/06/2013

Si l’employeur décide de payer les contraventions de ses salariés en particulier pour excès de vitesse, il doit en assumer les conséquences.
C’est ce que vient de rappeler la Cour de Cassation, dans un arrêt du 17 avril 2013, qui fait l’objet de beaucoup de commentaires alors même qu’il ne fait que reprendre un principe que la Haute

Juridiction a déjà énoncé à de nombreuses reprises.

En effet, la compensation entre les salaires et une dette du salarié est illégale en application de l’article L. 3251- 1 du code du Travail et toute sanction pécuniaire à l’encontre d’un salarié est interdite au regard de l’article L. 1331-2 dudit Code. Il n’en va différemment qu’en cas de faute lourde du salarié qui suppose que son intention de nuire à l’employeur soit démontrée, hypothèse qui ne peut qu’être écartée dans ce type de situation.

Il est impossible pour l’employeur de déduire les amendes des salaires dus

Sur la base de ces deux fondements, la Cour de Cassation s’oppose systématiquement à ce que l’employeur se rembourse le coût des contraventions qu’il aurait pris l’initiative de payer en sa qualité de titulaire de la carte grise : le représentant de la personne morale est en effet, à ce titre, le responsable pécuniaire des infractions commises notamment à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées et les contraventions lui sont donc directement adressées en application des dispositions du code de la route (articles L. 121-3 et L. 121-2). Aucune délégation de pouvoirs ne peut d’ailleurs reporter cette responsabilité sur quelqu’un d’autre (Cass. Crim. 13 octobre 2010).

La spécificité, dans l’affaire susvisée, résulte seulement du fait que l’employeur n’avait pas procédé directement à une compensation entre le montant des amendes et les salaires (ou les notes de frais) de son salarié mais en avait demandé le remboursement en justice : remboursement refusé pour les motifs classiques susvisés.

L’employeur peut faire une requête en exonération

En conséquence, une seule solution si l’employeur veut éviter d’être confronté à un mauvais payeur (qui refuserait de rembourser lui-même la contravention) : dès réception de l’amende, faire une requête en exonération auprès de l’administration, c’est-à-dire remplir un formulaire par lequel l’employeur identifiera l’auteur de l’infraction qui devra alors payer directement l’amende ou, le cas échéant, la contester (Il faut noter que cette faculté pour le salarié de remettre en cause l’infraction est exclue en cas de paiement spontané de l’amende par l’employeur).

Mais qu’en est-il du retrait de points ?

Il faut bien évidemment garder présent à l’esprit que suite à la requête en exonération, le paiement de l’amende pour excès de vitesse par l’auteur de l’infraction, à savoir par le salarié, entraînera pour lui automatiquement un retrait de points : ce qui est loin, en pratique, d’être évident à l’encontre de l’employeur, lorsque c’est lui qui paie la contravention en sa qualité de représentant de la personne morale titulaire de la carte grise. Cela étant, le risque d’un retrait de points pour l’employeur n’est pas inexistant au regard de l’articulation des textes (le paiement de l’amende forfaitaire valant reconnaissance de l’infraction : cf. article L. 223-1 du code de la route) et quelques Cours Administratives d’Appel en ont déjà jugé ainsi (Versailles 5 juin 2008, Douai 22 septembre 2009 et Bordeaux 24 novembre 2009) : mais ces décisions restent rares proportionnellement au nombre d’infractions constaté chaque jour.

La prudence s’impose cependant et une politique de gestion des contraventions doit être clairement établie, d’autant que la prise en charge par l’employeur des contraventions d’un salarié est considérée par certaines URSSAF comme un avantage soumis à cotisations. De plus, si le coût des amendes est, dans les faits, supporté par les sociétés (et non par leurs dirigeants, à titre personnel), la requalification en abus de bien social ne peut pas être totalement écartée.

En conséquence, la seule solution qui ne souffre aucun risque juridique pour l’employeur est de responsabiliser les salariés via la requête en exonération. Mais elle n’est pas toujours en adéquation avec la politique sociale de la société.

Quoiqu’il en soit, et compte tenu de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur (et qui lui interdit d’adopter toute mesure susceptible de compromettre la santé et la sécurité des salariés), il lui appartient d’intégrer les risques routiers dans son évaluation des risques professionnels et en particulier dans le document unique (articles L. 4121.3 et R. 4121-1 et suivants du code du travail).

Auteurs

Marie-Pierre Schramm