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Hypothèque consentie par une SCI

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 4 février 2013

04/02/2013


Une SCI peut-elle encore consentir librement, en garantie des dettes d’un tiers, une hypothèque ou un cautionnement, par décision unanime de ses associés ? Pratique somme toute des plus courantes dans les groupes de sociétés dont les actifs immobiliers sont logés dans une SCI.

Rien n’est moins sûr depuis que la 3e chambre civile de la Cour de cassation est venue poser comme condition de validité de l’octroi d’une telle garantie son absence de contrariété à l’intérêt social (arrêt du 12 septembre 2012).

Au cas particulier, une SCI avait contracté auprès d’une banque un prêt garanti par une hypothèque portant sur son unique bien immobilier ; ce prêt était destiné à financer le rachat de deux prêts consentis à une SARL. Après la mise en liquidation judiciaire de la SCI, une contestation avait porté sur l’admission à titre de créance privilégiée du prêt octroyé par la banque.

La cour d’appel saisie du litige avait considéré que, même si le rachat de prêts n’entrait pas dans l’objet social de la SCI, l’acte de prêt avait été signé par les deux associés de la SCI, de sorte que la société était engagée par cet acte. Ce faisant, elle avait fait application d’une solution classique selon laquelle, pour que la garantie octroyée soit valable, il suffit que soit rempli l’un des trois critères suivants : la garantie entre dans l’objet social (art. 1849 C. civ) ; il existe une communauté d’intérêts entre la SCI et le tiers dont les dettes sont garanties ; la garantie résulte du consentement unanime des associés (art. 1852 et 1854 du Code civil).

Telle n’est pas la vision de la 3e chambre civile, qui a censuré les juges du fond, au visa du seul article 1849 du Code civil, pour ne pas avoir recherché « si la garantie consentie par la SCI n’était pas contraire à son intérêt social, dès lors que la valeur de son unique bien immobilier (…) était inférieure au montant de son engagement et qu’en cas de mise en jeu de la garantie, son entier patrimoine devrait être réalisé, ce qui était de nature à compromettre son existence même ».

La 3e chambre civile s’est ainsi placée dans le droit fil des récentes décisions de la chambre commerciale. Celle-ci a notamment jugé, à propos d’une hypothèque consentie par une SCI en garantie des dettes d’une société commerciale, que « la sûreté donnée par une société doit, pour être valable, non seulement résulter du consentement unanime des associés, mais également être conforme à son intérêt social » (arrêt du 8 novembre 2011).

Elle se distingue toutefois de son homologue commerciale en n’exigeant pas une conformité à l’intérêt social, mais une non-contrariété à celui-ci, ce qui est sensiblementd différent.

Quoi qu’il en soit, et même si la 1ère chambre civile n’a pas encore, elle non plus, renoncé à l’approche traditionnelle, la position prise par la 3e chambre civile doit inviter les banques à la prudence lorsqu’elles acceptent d’une SCI, en garantie d’un prêt consenti à un tiers ou même à cette dernière, une hypothèque portant sur l’unique immeuble de la société. On peut en effet penser que l’atteinte à l’intérêt social, lequel, à l’évidence, ne se confond pas avec l’intérêt commun des associés, s'appréciera à l’aune de l’importance du risque financier pris par la SCI. Si l’exécution de la garantie est susceptible de mettre en péril l’existence même de la société, l’atteinte à l’intérêt social sera assurément caractérisée, a fortiori si la garantie est octroyée sans contrepartie pour la SCI (cf. arrêt du 8 novembre 2011 précité).

Finalement, les associés d’une SCI peuvent décider librement, hors le cas d’abus, de la liquidation de leur société, mais il ne leur est pas permis d’octroyer une garantie dont la mise en oeuvre pourrait aboutir au même effet.

Souhaitons que l’adjonction de la non-contrariété à l’intérêt social comme critère de validité d’un cautionnement donné par une SCI ne s’étende pas aux hypothèses de garanties octroyées en conformité avec l’objet social ou au nom d’une communauté d’intérêts si le juge devient la seule personne qualifiée pour apprécier ce qu’est l’intérêt social et partant ce qui peut lui porter atteinte. Sans quoi, c’est le crédit dont disposent ces sociétés qui risquerait d’être gravement altéré.

Auteurs

Portrait deElisabeth Flaicher-Maneval
Elisabeth Flaicher-Maneval
Counsel
Paris