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iSF et titres sociaux : quel régime d'exonération privilégier ?

07/05/2010

Les associés de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés(1) exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ou celle de holding animatrice peuvent bénéficier de plusieurs régimes d’exonération d’ISF: il est nécessaire d’en maîtriser les contours afin de pouvoir sélectionner le régime approprié mais aussi coordonner l’application des différents dispositifs.


I/ Rappel des trois régimes d’exonération

Le régime des biens professionnels (articles 885 O bis et suivants du Code général des impôts) permet d'exonérer entièrement les titres d'une société opérationnelle à condition que la participation détenue par le redevable représente plus de 25 % du capital et des droits de vote de la société ou plus de 50 % de la valeur brute du son patrimoine imposable à l'ISF. Le redevable doit également exercer au sein de la société une fonction de direction donnant droit à une rémunération normale représentant plus de la moitié de ses revenus professionnels.

Deux autres régimes permettent de bénéficier d'une exonération partielle à hauteur des trois quarts de la valeur des titres :

  • Le régime d'exonération partielle de l'article 885 I quater du Code général des impôts s'applique aux associés qui exercent leur activité principale en tant que mandataire social ou salarié(2) au sein de la société et qui conservent leurs titres pendant au moins six ans.
  • Le régime d'exonération partielle dit "Dutreil" (article 885 I bis du Code général des impôts) passe par la conclusion d'un engagement collectif de conservation des titres pendant 'au moins deux ans au terme duquel l’associé est soumis à une obligation individuelle de conservation de quatre ans. En outre, un membre de l'engagement collectif doit exercer une fonction de direction au sein de la société dans les cinq ans qui suivent la conclusion du pacte.

II/ Articulation des régimes d’exonération

Outre le choix du régime d’exonération invoqué à titre principal (1), les associés pourront cumuler certains régimes (2) ou encore utiliser des régimes à titre subsidiaire (3).

1. Le choix du régime invoqué à titre principal

Pour un dirigeant qui détient la participation minimale requise, le régime à privilégier est celui des biens professionnels puisqu’il est le seul à permettre une exonération totale des titres. Un calcul sera cependant nécessaire si la société développe une activité civile accessoire : en effet, dans le régime des biens professionnels, seule la fraction de la valeur des titres correspondant aux actifs nécessaires à l’activité éligible sera exonérée (article 885 O ter du Code général des impôts) alors que dans les deux autres régimes, l’intégralité de la valeur des titres sera soumise à l’exonération de 75 %. En pratique, si on prend pour hypothèse que la valeur des titres correspondant à l’activité civile dépasse 25 % de la valeur totale des titres, le contribuable aura intérêt soit à se placer sous le régime d’exonération partielle applicable de plein droit aux dirigeants et salariés (article 885 I quater) soit à adhérer à un engagement collectif de conservation lui assurant un complément d’exonération (:voir point 2). Ces solutions offrent toute sécurité fiscale pour autant que l'activité civile "non professionnelle" reste accessoire : si l'activité civile devient prépondérante, les régimes d'exonération partielle seront remis en cause pour le tout.

Si les conditions du régime des biens professionnels ne peuvent pas être remplies, l’associé devra opter pour l’un des deux régimes d’exonération partielle. Tout dépend alors de l’implication de l’associé dans la société. Si l’associé est mandataire social ou salarié de la société, le régime relativement souple de l’article 885 I quater du Code général des impôts sera privilégié. Au contraire, l’associé n’exerçant pas de fonctions dans la société sera contraint de conclure avec d’autres associés un engagement collectif de conservation. Son exonération sera alors conditionnée par le comportement de tiers : l’exercice d’une fonction de direction par un autre associé (durant cinq ans) et le respect de l’obligation de conservation des autres membres de l’engagement collectif (durant au moins deux ans).

2. Le cumul des régimes d’exonération

Le régime des biens professionnels (articles 885 O bis et suivants du Code général des impôts) et le régime « Dutreil » (article 885 I bis du Code général des impôts) sont cumulables (instruction 7 S-3-04 du 23 février 2004 n° 41). Ainsi dans l’hypothèse sus énoncée d’une activité civile accessoire, la fraction de la valeur des titres correspondant à l’activité civile exclue du régime des biens professionnels pourra bénéficier de l’exonération partielle de l’article 885 I bis du Code général des impôts. Par ailleurs, un dirigeant bénéficiant de l’exonération totale sur les titres de la société qu’il anime pourra invoquer l’exonération partielle « Dutreil » sur les titres d’une autre société.

En revanche, l’exonération partielle de l’article 885 I quater du Code général des impôts est exclusive de tout autre régime d’exonération.

3. La revendication d’un régime d’exonération à titre subsidiaire

L’exonération revendiquée par les titulaires de biens professionnels est parfois remise en cause par les services de vérification, soit au motif que le dirigeant ne reçoit pas de la société une rémunération normale, soit au motif qu’il n’exerce pas effectivement dans la société les fonctions correspondant au mandat dont il est titulaire.

S’il venait à subir une contestation de cette nature, le dirigeant serait, dans la première situation, en droit de prétendre qu’est applicable à ses titres l’exonération partielle du régime des dirigeants et salariés. Si c’était l’effectivité de ses fonctions de dirigeant qui était mise en cause, la même solution de repli lui serait ouverte à condition qu’il occupe par ailleurs des fonctions salariées dans la société.

Selon nous, l’adhésion à un engagement collectif de conservation « Dutreil » conclu avant la période soumise à vérification permettrait au redevable, dans les deux éventualités, de replacer ses titres sous le bénéfice de l’exonération partielle de l’article 885 I bis, quand bien même il n’aurait pas, et pour cause, revendiqué l’application de ce régime sur ses déclarations ISF des années litigieuses ni, par conséquent, accompli les formalités correspondantes. L’administration ne peut pas, en effet, opposer au redevable un manquement à des obligations déclaratives qui n’avaient pas encore d’objet à la date à laquelle elles étaient censées devoir être remplies. On relèvera toutefois qu’en cas de contestation de l’effectivité des fonctions dirigeantes, l’intéressé ne pourrait obtenir l’exonération de substitution sans la présence, parmi les signataires de l’engagement collectif, d’un autre actionnaire occupant réellement ces fonctions

La conclusion d’un engagement collectif de conservation est donc une précaution très utile pour les dirigeants titulaires de l’exonération des biens professionnels en prévision de la contestation de leur statut

III Présentation synthétique des différents régimes d’exonération(3)

Biens professionnels

Salariés et
mandataires sociaux

Engagements de conservation "Dutreil"

TEXTES DE REFERENCE

Textes de loi

Commentaires administratifs

Articles 885 O Bis et suivants du CGI

Documentation de base
7-S-33

Article 885 I quater du CGI

Instruction administrative
7 S-3-06

Article 885 I bis du CGI

Instructions administratives 7 S-3-04 et 7 S-6-05

CONDITIONS

Activité de la société

Sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
ou holding animatrice

Sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
ou holding animatrice

Sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
ou holding animatrice

Obligation de conservation

-

Obligation individuelle de conservation d'une durée minimale de 6 ans

Engagement collectif de conservation et obligation individuelle de conservation d'une durée minimale globale de 6 ans

Participation minimale requise

25% du capital et des droits de vote
(à défaut 50% de la valeur brute du patrimoine imposable à l'ISF)

-

20% du capital et des droits de vote si la société est cotée, 34% si la société ne l'est pas

Fonction à exercer

Fonctions de direction éligibles énumérées à l'article 885 O bis du CGI (plus la fonction de directeur général délégué)

Fonctions de direction énumérées à l'article 885 O bis du CGI (plus la fonction de directeur général délégué, administrateur, membre du conseil de surveillance) ;
Ou fonction de salarié

Un membre de l’engagement collectif doit exercer une fonction de direction énumérée à l'article 885 O bis du CGI (ou la fonction de directeur général délégué)

Condition de rémunération

Rémunération normale, représentant plus de 50% des revenus professionnels du redevable

La fonction doit représenter l'activité principale du redevable

-

Nombre de sociétés interposées autorisées

Une seule société interposée

Nombre de sociétés interposées illimité

Une ou deux sociétés interposées

EFFETS

Taux d'exonération

100%

75%

75%

Valeur des titres de la société bénéficiant de l'exonération :
Possibilité d'une activité civile accessoire ?

NON
Seule la valeur des titres correspondant aux actifs nécessaires à l'activité éligible sera exonérée

OUI
Possibilité d'exonérer la valeur des titres correspondant aux actifs affectés à une activité civile non prépondérante

OUI
Possibilité d'exonérer la valeur des titres correspondant aux actifs affectés à une activité civile non prépondérante

Possibilité d'exonération des titres de plusieurs sociétés ?

OUI
si les sociétés ont une activité similaire ou connexe et complémentaire

OUI
si les sociétés ont une activité similaire ou connexe et complémentaire

OUI
Possibilité de conclure plusieurs engagements collectifs sur des titres de sociétés différentes


(1) La présentation concerne uniquement les titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.
(2) Il existe également un régime spécifique aux retraités.
(3) La présentation concerne uniquement les titres de sociétés soumise à l’impôt sur les sociétés. Concernant l’article 885 I quater du Code général des impôts, le cas des retraités n’est pas abordé.


Sylvie Lerond et Grégory Dumont, avocats

Article paru dans la Revue Option Finance du 22 mars 2010

Auteurs

Sylvie Lerond
Grégory Dumont