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L'application dans le temps de la réforme de l'urbanisme commercial introduite par la loi Pinel

Lettre construction-urbanisme | Mars 2019

25/03/2019

Dans l’objectif de simplifier le régime de l’urbanisme commercial, la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (Loi Pinel) a apporté des modifications tant au régime des commissions d’aménagement commercial qu’à celui des autorisations d’exploitation commerciale (AEC). Elle a notamment substitué à un mécanisme qui nécessitait l’obtention de deux autorisations – une décision d’AEC et un permis de construire (PC) – un régime d’autorisation unique : le PC tenant lieu d’AEC.

Les prévisions d’entrée en vigueur.

Aux termes de l’article 60 I. de la Loi Pinel, les dispositions se rapportant à l’urbanisme commercial, à savoir “les articles 39 à 58, à l'exception de l'article 57 (relatif à l’aménagement cinématographique), entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard six mois à compter de la promulgation de la présente loi”.

Alors que ce nouveau régime aurait donc dû entrer en vigueur le 18 décembre 2014 au plus tard, le décret d’application n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial (Décret) n’a été publié que le 14 février 2015. Son article 6 dispose que “les articles 39 à 44 et 49, l’article 52 en tant qu’il crée le I de l’article L. 752-17 du code de commerce, l’article 53, le I de l’article 55 et l’article 58” de la Loi Pinel sont entrés en vigueur le lendemain de la publication du Décret, soit le 15 février 2015. Il reste muet concernant la date d’entrée en vigueur des autres dispositions de la Loi Pinel relatives à l’urbanisme commercial.

Les incertitudes sur l’entrée en vigueur effective.

La dichotomie entre l’article 60 I. de la Loi Pinel et l’article 6 du Décret engendre, en conséquence, des interrogations quant à la date effective d’entrée en vigueur des dispositions de la Loi Pinel afférentes à l’urbanisme commercial.

Par ailleurs, la vocation première sous-tendant l’instauration de ce nouveau dispositif s’est trouvée mise à mal, eu égard à l’incomplétude des dispositions transitoires, par la durée écoulée entre la date d’adoption de la Loi Pinel et celle de parution du Décret.

La loi n°2015-990 du 6 août 2015 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (Loi Macron) a tenté de préciser le régime transitoire. Toutefois, cette tentative n’a non seulement pas apporté de réponses à l’intégralité des questions existantes, mais en a soulevé de nouvelles.

C’est donc sans surprise qu’est apparu un contentieux significatif afférent aux dispositions transitoires du régime d’urbanisme commercial, ayant donné lieu à l’adoption par différentes cours administratives d’appel de positions divergentes génératrices d’insécurité juridique.

Les clarifications apportées par le Conseil d’Etat en fin d’année 2018 étaient donc attendues avec impatience.

Les clarifications du Conseil d’Etat.

En premier lieu, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de clarifier partiellement la question de la date d’entrée en vigueur des dispositions de la Loi Pinel relative à l’aménagement commercial (CE, 14 novembre 2018, n°408952).

En l’espèce, dans le cadre de la contestation d’une décision de Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) datée du 16 janvier 2015, le requérant reprochait à la Cour administrative d’appel de s’être fondée sur l’article L.752-6 du Code de commerce – portant sur les objectifs pris en compte par les commissions d’aménagement commercial pour fonder leurs décisions – dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’article 49 de la Loi Pinel. Contrairement aux dispositions du Décret, le requérant soutenait que l’entrée en vigueur de l’article 49 précité étant intervenue le 18 décembre 2014, son application était possible malgré l’absence de dispositions d’application.

Le Conseil d’Etat rejette ces arguments :

Considérant, toutefois, qu'eu égard, d'une part, au caractère indivisible, voulu par le législateur, des modifications introduites par les articles 39 à 44 et 49 et, d'autre part, au fait que l'application de certains de ces articles, notamment ceux relatifs à la nouvelle composition des commissions départementales d'aménagement commercial et de la Commission nationale d'aménagement commercial, était manifestement impossible en l'absence de décret d'application, les dispositions du décret du 12 février 2015 citées ci-dessus ont pu légalement prévoir l'entrée en vigueur simultanée de tous ces articles au lendemain de sa propre publication”.

Ainsi, le Conseil d’Etat valide l’entrée en vigueur des articles 39 à 41 (nouveau régime des PC tenant lieu d’AEC), des articles 42 à 44 (nouvelle composition et nouvelles règles de fonctionnement des commissions d’aménagement commercial) et de l’article 49 (nouveaux objectifs à prendre en considération par les commissions) à la date prévue par le Décret.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat est venu clarifier les cas d’ouverture du recours contre le PC tenant lieu d’AEC (CE, 14 novembre 2018, n°409833).

Pour mémoire, l’article 4 V. du Décret précise le traitement des PC délivrés avant le 15 février 2015 mais ayant fait l’objet d’une décision de la CNAC postérieure au 15 février 2015 : la décision de la CNAC est susceptible de recours devant la Cour administrative d’appel, sans que son éventuelle annulation n’affecte le PC. De même, une annulation du PC n’aurait aucune incidence sur la décision de la CNAC.

Appliquant ce texte, le Conseil d’Etat vient, tout d’abord, confirmer que l’intégralité des PC délivrés avant le 15 février 2015 sont exclus du champ d’application des PC tenant lieu d’AEC :

Lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale a fait l'objet d'un permis de construire délivré avant le 15 février 2015, celui-ci ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ; que, dans un tel cas, assurant ainsi le droit au recours contre les décisions d'autorisation d'exploitation commerciale, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial intervenue sur un recours dirigé contre une décision de la commission départementale d'aménagement commercial relative à ce projet antérieure au 15 février 2015 est un acte administratif faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en va ainsi aussi bien lorsque la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est intervenue avant le permis de construire que dans le cas où, en raison de la durée d'instruction du recours contre la décision de la commission départementale, elle intervient après celui-ci, y compris, ainsi qu'il résulte des dispositions du V de l'article 4 du décret du 12 février 2015 mentionné ci-dessus, lorsque la décision de la commission nationale est postérieure au 14 février 2015”.

L’article 4 IV. du Décret dispose par ailleurs qu’en présence d’un PC en cours d’instruction à la date du 15 février 2015 et afférent à des projets pour lesquels une commission d’aménagement commercial aurait déjà délivré une AEC antérieurement à cette date, cette AEC vaut avis favorable. La Loi Macron a, quant à elle, complété le dispositif en prévoyant que “pour tout projet nécessitant un permis de construire, l'autorisation d'exploitation commerciale, en cours de validité, dont la demande a été déposée avant le 15 février 2015 vaut avis favorable des commissions d'aménagement commercial”. Toutefois, comme les conclusions du Rapporteur public dans l’espèce qui nous occupe le rappellent, rien n’est dit dans ces textes sur le régime contentieux applicables à aux AEC valant avis favorables.

L’arrêt du Conseil d’Etat pallie cette carence en considérant que :

  • en présence d’un PC et d’un acte de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) ou de la CNAC postérieurs au 15 février 2015, le régime applicable est celui des PC tenant lieu d’AEC, position réaffirmée depuis (CE, 5 décembre 2018 n°412438 ; CE, 19 décembre 2018, n°414457 ; CE, 19 décembre 2018, n°417294) ;
  • en présence d’un PC postérieur au 15 février 2015 et d’une décision de CNAC antérieure au 15 février 2015, le régime antérieur à celui du PC tenant lieu d’AEC demeure applicable. Cette position a depuis également été réaffirmée par le Conseil d’Etat (CE, 5 décembre 2018 n°412438 ; CE, 19 décembre 2018, n°416958) ;
  • dans l’hypothèse d’une annulation (i) d’une AEC délivrée postérieurement au 15 février 2015 et d’un PC délivré avant le 15 février 2015 ou (ii) d’un acte de CNAC délivré avant le 15 février 2015, le régime antérieur à celui du PC tenant lieu d’AEC est applicable, sauf modification substantielle du projet.

En dernier lieu. Le Conseil d’Etat a également apporté des précisions sur la compétence en premier et dernier ressort des cours administratives d’appel en matière de PC tenant lieu d’AEC (CE, 14 novembre 2018, n°413246).

En l’espèce, l’autorisation litigieuse était qualifiée de PC valant AEC. Or, aucun projet n’avait jamais été soumis à l’avis des commissions d’aménagement commercial, et ce bien que le projet autorisé ait porté sur une surface de vente le soumettant à AEC. Le PC n’était donc pas un PC tenant lieu d’AEC mais bel et bien un PC ne valant que comme seule autorisation d’urbanisme. Le Conseil d’Etat en a déduit que le recours ne relevait pas de la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d’appel, pour annuler l’arrêt de cette dernière.


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Cet article a été publié dans notre Lettre construction-urbanisme de mars 2019. Cliquez ci-dessous pour découvrir les autres articles de cette lettre.

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Droit immobilier & construction

Lettre Construction-Urbanisme | Décembre 2018

Auteurs

Portrait deFlorence Chérel
Florence Chérel
Associée
Paris
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Christelle Labadie
Professional Support Lawyer - Droit immobilier
Paris