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La réforme de l'article 209 du CGI

13/04/2010

L'évolution récente de la jurisprudence du Conseil d'Etat sur le traitement fiscal des revenus des actifs immobiliers français des entreprises non résidentes de France a créé un doute sur la possibilité pour le fisc français d'appréhender certains revenus immobiliers d'entreprises étrangères en l'absence de convention fiscale ou dans le cadre de certaines conventions. La loi vient de lui reconnaître clairement cette prérogative.


1. Les doutes semés par la jurisprudence

Les dispositions de l'article 206-1 du CGI selon lequel sont notamment passibles de l'IS toutes les personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ont été longtemps considérées par l'administration fiscale comme permettant à elles seules de fonder l'imposition des revenus tirés de l'exploitation d'immeubles sis en France à défaut de convention fiscale bilatérale et le Conseil d'Etat avait (cf. notamment jurisprudence dite des Anstalts) consacré cette analyse.

Mais la question demeurait de savoir si l'imposition à l'IS d'une personne morale étrangère pouvait seulement résulter des dispositions de l'article 206 ou devait au contraire procéder de la combinaison des dispositions de ce texte, qui définit les entités passibles de cet impôt, et de l'article 209, I du CGI qui, quant à lui, définit les revenus imposables à l'IS. Peu importe en effet d'être passible de l’IS à défaut de revenus imposables.

Or, l'article 209 du CGI en ce qu'il prévoyait que les bénéfices passibles de l’IS sont ceux réalisés dans des entreprises exploitées en France et ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention fiscale, ne permettait pas nécessairement d'appréhender des revenus immobiliers dont la réalisation ne traduit pas l'existence d'un établissement stable.

Et le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 31 juillet 2009 (Sté Overseas Thoroughbred (…)) n'a pas simplifié cette situation. Il a jugé en effet qu'une société britannique qui se bornait, contre rémunération, à mettre à disposition un bien immobilier situé en France, n'exploitait pas une entreprise au sens de l'article 209, I et n'avait pas plus d'établissement stable en France au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-britannique. Certes, le Conseil a ensuite considéré que cette convention permettait néanmoins à la France d'appréhender les revenus des immeubles français de la société en question, en vertu de l'article 5 qui attribue à l'Etat de situation des immeubles l'imposition des revenus qui en sont tirés, mais il a pu apparaître ainsi que les revenus immobiliers de source française réalisés par des personnes morales étrangères pourraient ne pas être imposables en France, en particulier lorsqu'on se situait hors du cadre d'une convention fiscale.

2. La mise au point législative

A l'occasion du vote de la loi de finances rectificative pour 2009, loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009, le législateur a mis un terme au débat en modifiant l'article 209 pour que celui-ci englobe désormais dans son champ d'application les bénéfices mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B du CGI.

Il s'agit de quatre revenus de nature immobilière. Tout d'abord les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles, quel que soit ainsi leur mode d'exploitation. Ensuite les profits tirés d'opérations définies à l'article 35 (achat-revente, souscription de titres en vue de vendre, intermédiation pour l'achat, la vente ou la souscription…) lorsqu'ils sont relatifs à des fonds de commerce exploités en France ou à des immeubles situés en France, droits immobiliers s'y rapportant ou titres de sociétés non cotées dont l'actif est constitué principalement par de tels biens et droits.

Il s'agit également des plus values visées aux articles 150 U,150 UB et 150 UC, relatives à des biens immobiliers situés en France, droits relatifs à ces biens, parts de fonds de placement immobilier ou d' organismes de droit étranger assimilables, droits sociaux de sociétés ou groupements relevant des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France, si ces entités sont à prépondérance immobilière française.

Enfin, il s'agit des plus-values de cession (i) d'actions de SIIC ou de SPPICAV - auxquelles sont assimilés certaines sociétés ou organismes étrangers - lorsqu'elles sont à prépondérance immobilière française, (ii) de parts ou d'actions de sociétés cotées en France ou à l'étranger, de parts, d'actions ou d'autres droits dans des organismes non cotés, dont l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, à prépondérance immobilière française.

Notons que le législateur a souhaité donner à cette réforme un caractère interprétatif, en ce qu'elle s'applique aux litiges en cours, ce qui paraît démontrer, si besoin était, la réalité de la difficulté dans laquelle se trouvait l'administration fiscale pour imposer certaines entreprises étrangères en matière immobilière en l'absence d'établissement stable.

3. Portée du nouveau texte … et dommages collatéraux

Le nouveau texte vise tant les revenus que les plus-values de nature immobilière. Son application va entraîner ainsi des conséquences quant au champ d'application respectif des dispositions de l'impôt sur les sociétés et de l'article 244 bis A du CGI qui vise les plus-values immobilières des non résidents.

Des sociétés étrangères qui n'étaient jusqu'alors soumises à l'impôt en France que par la voie du prélèvement de l'article 244 bis A du CGI pourront désormais également être soumises à l'impôt sur les sociétés à raison des mêmes plus-values mais selon des modalités d'assiette différentes. Or, le prélèvement de l'article 244 bis A du CGI s'impute sur l'IS et sa fraction non imputée est restituée. Il en est ainsi lorsque la cotisation d'IS se révèle inférieure à celle du prélèvement du fait de règles de détermination différentes de l'assiette des plus values. Dans certaines situations, le fait d'être assujetties à l'IS pourrait donc se révéler favorable aux entreprises étrangères.

L'on observera en revanche que cette réforme, par le renvoi opéré par l'article 209 à l'article 164 B du CGI, est préjudiciable aux actionnaires non résidents détenant moins de 10 % d'une SIIC, SPPICAV ou société étrangère "assimilée".

Auparavant, les plus-values résultant de la cession d'actions de SIIC ou SPPICAV ou sociétés étrangères assimilées étaient certes définies comme des revenus de source française aux termes dudit article 164 B, mais le seul mécanisme d'imposition applicable aux actionnaires non-résidents était le prélèvement de l'article 244 bis A du CGI. Or, l'article 244 bis A ne prévoit d'assujettir à l'impôt en France de telles plus-values de cession que lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la SIIC ou de la SPPICAV. En cela, le code général des impôts s'inspire des recommandations de l'OCDE d'octobre 2007 qui, rappelons-le, prônaient de traiter les actionnaires détenant moins de 10 % du capital d'un "REIT" (terme anglo-saxon englobant les SIIC) comme des investisseurs en portefeuille et non comme des investisseurs immobiliers, que ce soit au regard de la retenue à la source sur dividendes que des règles applicables en matière de plus-values.

Interrogée à l'époque par nos soins sur le point de savoir si les actionnaires non résidents personne morales détenant moins de 10 % d'une SIIC ou d'une société étrangère assimilée étaient susceptibles d'être assujettis à l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 209 du CGI, la DLF avait indiqué que les plus-values réalisées sur la cession de participations inférieures à 10 % n'avaient pas vocation à être imposées au titre de cet article. Cette position était frappée du bon sens, pour deux raisons : d'une part, assujettir à l'impôt en France des actionnaires non résidents de sociétés françaises cotées, quelle que soit la participation détenue, au motif qu'elles sont à prépondérance immobilière, aurait eu un impact extrêmement négatif sur l'attrait des foncières cotées françaises aux yeux des investisseurs étrangers. D'autre part, l'on conçoit difficilement, sur un plan pratique, comment imposer en France une société étrangère détenant et cédant quelques actions d'une SIIC (donc potentiellement en-deçà de toute obligation déclarative au regard des règles boursières de franchissement de seuil) ou d'une SPPICAV (du moins lorsque celle-ci est ouverte au public…).

La nouvelle rédaction de l'article 209, I du CGI soulève donc à nouveau ce problème. L'on peut cependant penser que l'intention du législateur n'était pas d'attraire les "petits" actionnaires non résidents de sociétés foncières cotées et de SPPICAV dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés. Dans cette logique, il nous semble que la loi devrait à nouveau être modifiée afin de résoudre cette difficulté. Le véhicule adéquat devrait être la loi de finances rectificative pour 2010, étant précisé que, d'ici-là, les rédacteurs des notes d'information (par exemple en cas d'offre publique) devront rédiger avec soin les sections fiscales destinées aux actionnaires non résidents - ou saisir la direction de la législation fiscale…


Jean-Yves Charriau et Richard Foissac, avocats associés

Article paru dans la revue Option Finance du 8 mars 2010

Auteurs

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Richard Foissac
Associé
Paris